Sa victime polyhandicapée a le même âge que son fils. Quatre ans.
Il s’agit d’un récit. Un récit d’horreurs comme il y en a eu de tous temps dans les sociétés humaines. Elles suscitaient des cris, des pleurs et des lamentations.
Aujourd’hui, du fait de leur nombre, de leur écho médiatique et des complicités qu’elles rencontrent jusqu’aux plus hauts niveaux de la hiérarchie sociale et institutionnelle, elles sont devenues systémiques, selon l’expression actuelle. Elles valent constat de la faillite d’un régime ou, comme disait De Gaulle, d’un système qui englobe l’ensemble de notre société. Sans un sursaut pour la survie et pour l’ordre légitime et profond de la France historique, notre nation finirait par se dissoudre et s’éteindre. 
RÉCIT – L’individu, militant insoumis, a été mis en examen en septembre 2024 pour des faits de «viols avec barbarie», commis sur une fillette handicapée. Il aurait également organisé des soirées pédophiles, abusant d’enfants de 6 mois à 5 ans, placés sous soumission chimique.
L’horreur la plus indicible ensevelie loin, très loin, au plus profond de la chrysalide rassurante d’un engagement local, associatif, politique – et d’une petite notoriété publique. Dans les allées du Palais de justice de Nantes, le dossier – toujours en cours d’instruction – est particulièrement sensible. Composé de «faits gravissimes», il relève d’une affaire de pédocriminalité «dans tout ce qu’elle a de plus sordide», commente le parquet du bout des lèvres, en cette fin février. Les faits, révélés fin septembre, mettent en cause un homme de 32 ans, habitant – sans casier et sans histoire – d’Oudon, près d’Ancenis, à une vingtaine de kilomètres en amont de la cité des ducs. La bourgade, bucolique trait d’union posé sur les flancs de la Loire, à mi-chemin entre Nantes et Angers, a pourtant été le théâtre du viol répété d’une fillette polyhandicapée, soumise à des actes de barbarie. Le tout filmé et partagé au sein d’un réseau pédophile, selon les révélations du Parisien .
L’histoire, d’une noirceur absolue, a fleuri autour d’un enfant du pays. Issu d’une famille plutôt connue de la région d’Ancenis, pourvoyeuse d’élus, d’avocats et de pêcheurs émérites, Pierre-Alain C. s’est engagé assez tôt au service d’autrui. Baby-sitter dans sa jeunesse, le jeune homme suit des cours à l’Institut de formation d’aides-soignants (Ifas) d’Ancenis, puis s’engage en 2013 comme secouriste bénévole à la Croix-Rouge en complément d’une activité d’aide-soignant à domicile. En marge de sa profession, le goût de la chose publique le démange. L’animation de la vie nocturne est l’un de ses premiers combats. Fin 2014, dans la foulée de la fermeture de plusieurs lieux festifs sur la commune, Pierre-Alain C. lance une pétition en faveur de l’ouverture d’un bar ou d’une boîte de nuit à Ancenis, conscient qu’il existe «une forte demande, notamment chez les jeunes adultes, de se retrouver ensemble pour se rencontrer, s’amuser, les soirs et les week-ends». La pétition tourne au triomphe. Signée par plus de 1500 personnes, soit près de 1/10e de la population d’Ancenis-Saint-Géréon, l’initiative aboutit à la réouverture d’un bowling l’année suivante, et à l’acclamation populaire du jeune Ancenien.
Lutte LGBT et politique locale
Parti de si bon pied, Pierre-Alain C. multiplie les projets. Sautant dans le train de l’ubérisation du monde, le jeune homme fait visiter à Ouest France , en 2015, son appartement de 45 m2, situé à deux pas du centre-ville d’Ancenis, et mis en location sur Airbnb. Son bien fait fureur. D’après nos confrères, ce dernier «aime bien recevoir», «qu’on se sente bien chez lui». Et il aime toujours aider les autres, puisqu’il cofonde, en 2017, l’association Esprit Arc-en-ciel (Esac), d’aide et de défense des droits des personnes LGBT+ à Ancenis – qui devient dès lors sa cause la plus intime.
Les débuts de l’association sont difficiles, centrés sur la lutte «contre l’homophobie, la transphobie, la lesbophobie, la biphobie, la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA) et le don du sang», énumère en 2018 Pierre-Alain C. à la presse locale. Interviewé par le magazine Têtu en 2020, l’aide soignant évoque les difficultés de son travail en faveur des personnes LGBT, particulièrement marginalisées en zone rurale. Son investissement associatif et local le rapproche cependant du champ politique. Le jeune homme rejoint La France insoumise en 2017. Quatre ans plus tard, il est investi candidat aux élections départementales, sur le canton d’Ancenis. S’il n’est pas élu, l’aide-soignant s’est rapproché du groupe thématique insoumis «LGBTI et droits nouveaux» animé en particulier, à Nantes, par le député Andy Kerbrat – interpellé en 2024, dans le métro parisien, en flagrant délit d’achat de drogue.
Prolifique, Pierre-Alain C. fait feu de tout bois en 2021 et 2022. Avec l’Esac, une première Marche des Fiertés est organisée en juin 2022 après deux années de retard – Covid-19 oblige. La «Pride d’Ancenis» réunit quelque 120 personnes, sous un ciel ensoleillé. Syndiqué à la CGT, le militant s’engage contre la fermeture d’un bureau de poste à Oudon, lit un discours sous la pluie battante. En parallèle, sa participation à une myriade de groupes associatifs continue de lui offrir quelques espaces médiatiques, pour le compte du collectif Lutter contre les violences conjugales et familiales en pays d’Ancenis, pour l’association Alter Oudon «de soutien aux élus de gauche», ou encore pour le collectif Oudon solidarités et entraide.
Et puis, insensiblement, l’homme s’est fait plus discret. Pierre-Alain C. a moins guetté la lumière et les micros. Les campagnes de 2024 se sont enchaînées sans lui. Divorcé, père d’un petit garçon né vers 2020 dont il partage la garde, l’aide-soignant se recentre sur son activité professionnelle. Il formule en 2023 une demande au centre départemental de l’aide sociale à l’enfance, pour devenir assistant familial. Son dossier est étudié minutieusement. Son casier judiciaire est épluché à deux reprises par les services du département. Ils ne trouvent rien d’alarmant dans le profil de ce soignant à domicile, en exercice depuis 10 ans. En décembre 2023, il reçoit son agrément et peut ainsi commencer à accueillir des enfants chez lui.
Barbarie et «penchants pédophiles»
Neuf mois s’écoulent. À plus de 700 kilomètres d’Oudon, les enquêteurs d’un service spécialisé d’Europol, basé à La Haye (Pays-Bas), identifient des vidéos à caractère pédopornographique partagées sur des réseaux de messagerie cryptée, en particulier sur Telegram. Les images sont qualifiées «d’insoutenables» par des sources proches du dossier. Elles montreraient une série de viols sur une jeune enfant handicapée, et des actes de barbarie «d’une exceptionnelle violence», provoquant «une douleur et une souffrance aiguë niant, dans la victime, la dignité de la personne humaine». Quelques indices semblent indiquer que les faits se seraient déroulés sur le territoire français, aussi le dossier est transmis à l’Office mineurs (Ofmin), le service de police judiciaire créé en août 2023 et spécialisé dans la traque des pédocriminels. Une enquête est ouverte le 11 septembre.
Selon l’ancien procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, les enquêteurs de l’Ofmin usent alors de «techniques inédites» pour récupérer des informations. Ils parviennent à retrouver en un temps record la victime et l’auteur présumé des faits. Les détails du lit médicalisé visible sur les images des exactions auraient notamment été déterminants. En voyage en Tunisie au moment de son identification, le suspect est arrêté à son retour en France, le 23 septembre. C’est Pierre-Alain C.. Présumé innocent, le trentenaire est mis en examen deux jours plus tard, pour les chefs de «viols avec actes de torture ou de barbarie», «agressions sexuelles sur mineur par personne ayant autorité» et «enregistrement, détention et diffusion d’images à caractère pornographique d’un mineur». Sa victime polyhandicapée a le même âge que son fils. Quatre ans.
Pierre-Alain C. a reconnu en garde à vue des faits de viol et des «penchants pédophiles». Placé en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire, le militant a été aussitôt exclu de La France insoumise. Les vidéos et les articles de sa campagne ont été purgés en quelques minutes des réseaux sociaux. Proche des combats LGBT de cet assistant familial d’Ancenis, Andy Kerbrat confiait au Figaro éprouver, à titre individuel, «un dégoût profond, car cette horreur me touche au plus profond». Les différentes associations qu’il a côtoyées, de près ou de loin, ont aussi exclu Pierre-Alain C., faisant part tantôt de leur «immense colère», pour l’Esac, tantôt de leur «profonde consternation», dans le cas d’Alter Oudon.
L’enquête, cependant, est loin d’être achevée. Pierre-Alain C. n’aurait pas agi seul. La perquisition menée à son domicile, en septembre, semble porter ses fruits. Cinq personnes supplémentaires ont été arrêtées début février en France et en Belgique. Selon des informations du Parisien, l’enquête se concentrerait désormais sur le chef de «traite d’être humains en bande organisée». Au moins quatre enfants, âgés de six mois à cinq ans, auraient été accueillis – pour des périodes plus ou moins longues – chez Pierre-Alain C. au cours de son agrément. Toujours selon nos confrères, le militant aurait, sur cette période, organisé des «rendez-vous de l’horreur», des «orgies» pédophiles, en abusant des victimes mineures, placées sous soumission chimique, en compagnie d’individus rencontrés sur le «dark web» et sur des boucles de messageries privées. Des actes filmés et partagés par la suite en ligne.
Sollicité le 25 février, le nouveau procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy, n’a pas souhaité confirmer ni commenter les révélations du quotidien, «afin de ne pas prendre le risque de nuire à l’enquête». Un «nombre important de mis en cause» se trouve cependant bel et bien impliqué dans le dossier. Pierre-Alain C. encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour les faits qui lui sont reprochés. ■ SIMON CHERNER
Un grand humaniste…