
Par Aristide Ankou.
« Puisque madame Borne attribue la trop faible (forcément trop faible) féminisation des filières scientifiques à la perpétuation de stéréotypes sexistes absolument contraires aux valeurs de la République (et en effet, à quoi d’autre cela pourrait-il bien être dû ? on a beau se creuser la cervelle, on ne voit pas), il s’ensuit que l’urgence la plus absolument urgente est de « déconstruire » lesdits stéréotypes. Or chacun sait bien que, plus la déconstruction est précoce et plus elle est efficace. »
En écoutant ce matin notre ministre-e de l’éducation nationale, Elisabeth Borne, annoncer sur les ondes de la Radio Officielle de la France qui Sent Bon (France Inter, quoi) comment elle entendait féminiser les filières scientifiques, j’ai eu une révélation.
Si, si, on peut avoir une révélation en écoutant Elisabeth Borne, je vous assure.
Bon, certes, c’était simplement une révélation au sujet d’une précédente déclaration d’Elisabeth Borne, mais tout de même.
Or donc, tel l’aigle noir surgit de nulle part, le sens de sa précédente déclaration choc, au sujet des ch’tits n’enfants qui devraient, dès la maternelle « se projeter dans une formation et dans un métier » m’est apparu.
Puisque madame Borne attribue la trop faible (forcément trop faible) féminisation des filières scientifiques à la perpétuation de stéréotypes sexistes absolument contraires aux valeurs de la République (et en effet, à quoi d’autre cela pourrait-il bien être dû ? On a beau se creuser la cervelle, on ne voit pas), il s’ensuit que l’urgence la plus absolument urgente est de « déconstruire » lesdits stéréotypes. Or chacun sait bien que, plus la déconstruction est précoce et plus elle est efficace.
Un enfant, n’est-ce pas, c’est une sorte de tablette de cire molle, absolument vierge, sur laquelle on peut imprimer n’importe quoi, alors qu’un adulte c’est une tablette de cire déjà durcie, cassante et de laquelle il est pratiquement impossible d’effacer les caractères qui y ont été imprimés durant l’enfance.
Du moins est-ce la conception que madame Borne semble se faire des enfants (vous me dites qu’Elisabeth Borne aurait eu un enfant ? C’est une information surprenante et que je vais vérifier, mais je vous remercie de m’en faire part.)
Par conséquent il faut, dès la maternelle, déjouer les stéréotypes naissant en « projetant » les petites filles dans des métiers scientifiques. C’est imparable.
« Et toi, Jenyfer, tu voudrais faire quoi plus tard ? Tu voudrais devenir institutrice, comme moi ? Alors non, ce n’est pas du tout une bonne idée. D’abord c’est un métier tout pourri, chiant à mourir, et pour lequel on est payé avec de la peau de saucisson. Regarde-moi : tu trouves que j’ai l’air épanouie peut-être ? Non, tu vois bien. Et tu as déjà pensé à travailler sur une plate-forme pétrolière ou bien à écrire des lignes de code ? »
« Et toi Nolanzo, tu voudrais faire quoi comme métier ? Tu voudrais faire de l’informatique ? Alors non, ce n’est pas du tout une bonne idée étant donné que c’est Jenyfer qui va devenir ingénieur-e en informatique. Tout le monde ne peut pas faire de l’informatique, pas vrai ? Ça ne te dirait pas plutôt de devenir instituteur, ou bien esthéticienne ? Parce que bon, avec toutes ces futures ingénieures, on va forcément manquer d’instituteurs et d’esthéticiennes. Comment tu dis ? Instituteur c’est un métier tout pourri ? Oui, bon, c’est vrai, c’est un peu ce que j’ai dit. Mais il faut bien que tu comprennes, Nolanzo, que le patriarcat de papa (c’est le cas de le dire, ahaha !) c’est fini et qu’il faut que tu laisses la place aux filles. Et puis tu sais, faire des épilations maillot ça peut être très gratifiant aussi. »
Ah oui, parce que bien sûr, ce que madame Borne n’a pas dit, mais qu’elle ne peut pas ignorer parce que c’est une femme très intelligente qui a fait des études scientifiques, c’est que plus de filles dans les filières scientifiques ça veut dire moins de filles dans d’autres filières.
Donc je suppose que notre ministre-e de l’éducation va bientôt proposer un plan pour décourager les filles de choisir les filières dites littéraires, comme par exemple le droit. Parce que si on continue à avoir des promotions de magistrats ou d’avocats féminines à 80%, comme c’est le cas aujourd’hui, on n’arrivera jamais à couvrir la France d’ingénieur-es et de chercheur-es en physique des matériaux, ce qui est pourtant la voie incontestable vers un monde meilleur.
Et d’ailleurs, soit dit en passant, cela permettrait sûrement d’alléger un peu certains problèmes persistants, comme par exemple les désespérants délais de la justice, car si vous déambulez dans les couloirs d’un tribunal judiciaire un mercredi, vous trouverez ceux-ci étrangement vides et silencieux, ce qui ne peut s’expliquer que par une seule chose : le grand nombre de magistrates qui travaillent à 80% pour pouvoir préparer leur reconversion dans l’informatique, le métier dont elles ont toujours rêvé mais qu’elles n’ont pas osé choisir étant enfant, à cause des vilains stéréotypes pas déconstruits.
Donc moi je dis : bravo Madame Borne ! Avec vous, l’avenir est pour demain ! ■ ARISTIDE ANKOU
* Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur, (le 7 mai 2025).