
JD Vance : « L’Occident a abattu le mur de Berlin. Il a été reconstruit, non par les soviétiques ou les Russes, mais par l’establishment allemand. » Marco Rubio, le secrétaire d’État, renchérit : « Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie déguisée »…
Par Vincent Hervouët.

Cette chronique spirituelle, pertinente et informée suivant les qualité et le style habituels de Vincent Hervouet, est parue au JDD du 7 mai.
TYRANNIE. Allemagne, Roumanie… À l’heure où la censure médiatico-politique s’intensifie dans plusieurs pays d’Europe, Vincent Hervouët s’inquiète de l’état de la démocratie.

L’Europe aime les contes de fées. Le loup-garou s’appelle Vladimir Poutine. Il rôde dans les campagnes électorales comme si c’était des nuits de pleine lune. L’électeur est son Petit Poucet. Qu’il subjugue et suborne. Il a un complice, l’extrême droite qui se cache sous l’étiquette populiste. Heureusement, de preux chevaliers la démasquent : les services de renseignement et les magistrats.
Écouter aux portes
En Allemagne, l’Office de protection de la Constitution, chargé du contre-espionnage et du renseignement intérieur, vient de classer officiellement l’Alliance pour l’Allemagne comme « extrémiste de droite confirmé ». Les services allemands ont une réputation de pieds-nickelés : ils n’ont pas cru à l’invasion de l’Ukraine, ni à la dangerosité du terroriste qui a fait un massacre en janvier sur un marché de Noël, etc.
Il a fallu trois ans d’enquête à ses agents pour étudier le programme de l’AfD, les déclarations de ses dirigeants et les liens avec la mouvance identitaire… Ils n’ont pas découvert de caches d’armes, ni de cérémonies occultes aux solstices, mais ils estiment que « l’AfD ne considère pas les citoyens allemands issus de l’immigration de pays à majorité musulmane comme des membres équivalents du peuple allemand défini par le parti en termes ethniques ». Ce préjugé serait « incompatible avec l’ordre fondamental libéral et démocratique ».
Depuis le 2 mai, la police secrète a le droit et même le devoir d’infiltrer le principal parti allemand, d’écouter aux portes, de fouiller ses mails. C’est open bar pour les barbouzes. Et un premier pas vers l’interdiction du parti car les parlementaires et le gouvernement peuvent désormais la réclamer à la Cour suprême.
La tyrannie déguisée
L’article 21 de la Constitution allemande prévoit cette exclusion de la vie démocratique. C’est l’héritage du passé. Mais ce qui est prévu pour les groupuscules nazis, les black blocs, antifas et autres sectes qui végètent dans une semi-clandestinité paraît incongru avec un parti qui a rassemblé 21 % des suffrages aux élections de l’hiver dernier. C’est considérer le quart des députés du Bundestag comme des suspects. Leurs électeurs comme des enfants.
C’est par les urnes que le combat politique doit être tranché, pas par les services secrets ou les magistrats
Outre-Atlantique, les trumpistes n’en reviennent pas. La remise en cause radicale de l’immigration ne les choque pas et l’histoire récente leur a appris à se méfier comme de la peste des services de renseignement qui s’aventurent dans le champ politique. J. D. Vance avait tancé les participants à la conférence de Munich en décrivant une Europe minée par l’immigration et la défiance des partis au pouvoir vis-à-vis du peuple. Il récidive et s’indigne : « L’Occident a abattu le mur de Berlin. Il a été reconstruit, non par les soviétiques ou les Russes, mais par l’establishment allemand. » Marco Rubio, le secrétaire d’État, renchérit : « Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie déguisée »…
Remède pire que le mal
C’est par les urnes que le combat politique doit être tranché. Ni par les services secrets, ni par les magistrats. Le remède est pire que le mal. En Roumanie, en décembre, le premier tour de l’élection présidentielle a été annulé par la Cour suprême, car un candidat populiste surgi de nulle part arrivait en tête en raflant 22 % des suffrages. Les services de renseignement se sont renseignés : ils subodoraient la main de Moscou dans la campagne sur Internet. C’était faux mais les juges les ont crus.
Résultat : un autre candidat de la droite nationaliste vient d’arriver en tête du premier tour avec plus de 40 % des voix… Les contes de fées ont le grand mérite d’aider l’enfant à contenir ses angoisses. La politique fait à peu près la même chose avec les électeurs. Confondre les deux est dangereux comme la sorcellerie. ■ VINCENT HERVOUËT