
Une chronique qui se veut ironique – et l’est vraiment, fourmillant d’idées saugrenues et drôles. Parfois désopilantes. Moment de détente rafraîchissant dans le contexte politique sous tension. Une ironie parfois fondée sur des poncifs ou des options politiques sous-jacentes qui ne sont pas les nôtres, ou même y sont contraires. Même en un tel cas, Samuel Fitoussi rend compte de la situation avec esprit et intelligence des circonstances. Le lecteur de JSF en fera la critique si bon lui semble.
Par Samuel Fitoussi.
Cette chronique du lundi est parue dans Le Figaro du 5 mai. Elle ne manque pas à son ambition de drôlerie ironique reflétant, de fait, l’actualité et chargée de sens. Discutable d’ailleurs… Bonne lecture !

CHRONIQUE – Chaque semaine, pour Le Figaro, Samuel Fitoussi pose son regard ironique sur l’actualité. Aujourd’hui, il propose aux lecteurs un nouveau petit test pour mieux cerner leur propre position sur l’échiquier politique. Après droite et gauche, c’est le tour des centristes…
* Samuel Fitoussi vient de publier « Pourquoi les intellectuels se trompent » aux Éditions de l’Observatoire.
1. Vous déplorez l’évolution de la classe politique en ces termes : « Il y en a marre de tous ces députés qui se tiennent n’importe comment à l’Assemblée, font des esclandres et sont dans l’invective , sympathisent avec des émeutiers violents, sont condamnés pour usage de drogue , refusent de se rendre à des marches contre l’antisémitisme, tous ces gens-là… de droite comme de gauche d’ailleurs ! » (3 points).
2. Vous envisagez d’écrire un livre pour appeler à un sursaut « humaniste, laïque et républicain » (27 points).
3. Vous avez déjà dit, fier de votre hauteur de vue républicaine : « Je me fais attaquer par les deux extrêmes, c’est bien la preuve que j’ai visé juste » (3 points).
4. Vous n’avez pas aimé la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques (1 h 30 min de drag show aurait amplement suffi, la dernière demi-heure était un peu longue), mais faites semblant d’avoir aimé, par peur de passer pour un réactionnaire auprès de vos amis centristes (3 points). D’ailleurs, vos amis centristes n’ont pas aimé la cérémonie non plus, mais font semblant d’avoir aimé, par peur de passer pour des réactionnaires auprès de vous. Dans votre cercle social, vous faites face à un phénomène bien étudié en psychologie sociale : l’« ignorance pluraliste », désignant une situation où la majorité des individus rejette une idée, mais croit à tort que la majorité y adhère. Par crainte du jugement social, chacun se conforme à l’opinion qu’il croit dominante (notamment en sermonnant ceux qui en dévient). C’est ainsi qu’un consensus absurde (par exemple : il était normal que la cérémonie d’ouverture des JO nous offre un long spectacle de drag-queens) peut se perpétuer longtemps au sein d’un groupe.
5. Vous regardez CNews, mais uniquement lorsque vous êtes seul chez vous, et en fermant les volets (3 points).
6. Vous êtes absolument implacable avec l’antisémitisme du passé (1 point). Par exemple, vous approuvez courageusement la proposition de Gabriel Attal d’élever à titre posthume Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. Vous êtes en revanche un peu plus mou avec l’antisémitisme du présent (1 point), puisque vous jugez normal que le même Gabriel Attal appelle (aux législatives) à voter pour LFI, parti d’Ersilia Soudais (qui accueille triomphalement à Roissy Salah Hamouri, condamné par Israël pour avoir projeté d’assassiner un rabbin), de Danièle Obono (qui qualifie le Hamas de mouvement de résistance), de Rima Hassan (qui accuse Israël de faire violer les Palestiniens par des chiens), de Jean-Luc Mélenchon (qui insinue que l’attentat de Mohammed Merah dans une école juive pourrait être un complot) ou encore de Raphaël Arnault (ancien président de la Jeune Garde, dont des membres sont mis en examen pour agression antisémite).
7. Vous rappelez qu’Emmanuel Macron a beaucoup fait pour l’attractivité de la France (1 point), mais, pour les études de vos enfants, vous hésitez entre l’Italie et l’Angleterre (1 point).
8. Vous appliquez une grille de lecture politique assez sophistiquée. Une chose n’est jamais grave « en elle-même », elle n’est grave que si elle fait le jeu du RN (2 points). Par exemple, l’augmentation de l’antisémitisme dans les rangs de la gauche est grave parce qu’elle pourrait inciter à voter RN. Le déclin de l’antisémitisme dans les rangs du RN est grave car il pourrait inciter à voter RN.
9. Vous en avez gros contre le clientélisme (1 point), et gros contre ceux qui souhaitent limiter le rythme d’arrivée de la clientèle (1 point).
10. Vous avez beaucoup cru en Macron (peu d’hommes auraient eu le courage de déclarer la guerre au Covid comme il l’a fait), mais il vous a déçu lorsqu’il a dissous l’Assemblée et offert le pays aux populistes de tous bords (1 point). Vous avez espoir qu’Édouard Philippe reprenne le flambeau, régule davantage les fake news (qui empoisonnent notre démocratie) et déclare un état d’urgence républicain qui permettrait d’interdire LFI et le RN. En responsabilité. La République ne peut plus se montrer laxiste avec ses ennemis. ■ SAMUEL FITOUSSI

Samuel Fitoussi, « Pourquoi les intellectuels se trompent » aux Éditions de l’Observatoire.