
« Rougissons ici de devoir rappeler qu’assurer la sécurité des Français est – ou devrait être – l’unique mission des ministres de la Justice et de l’Intérieur ; non une sinécure entre deux tournées électorales. »
Par Xavier Raufer.
Cette « contribution » de Xavier Raufer est parue sur Atlantico le 26 mai. Intéressante analyse que nous ne commenterons pas sauf pour dire qu’elle émane d’un spécialiste très avisé dont nous suivons les travaux depuis des années.
À droite, les ambitions présidentielles précoces donnent lieu à une inflation d’annonces sécuritaires aussi bruyantes que vides. Entre coups de com’ sur un « bagne amazonien », promesse irréaliste d’un monde sans cash et recyclage de vieilles idées déjà avortées, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau semblent confondre stratégie électorale et politique pénale. Le tout, sur fond de criminalité endémique, d’armes de guerre circulant en silence, et d’une impuissance flagrante face aux zones de non-droit festives. Une rhétorique martiale pour une réalité souvent molle : l’illusion d’une fermeté qui peine à dépasser le verbe.

Entretenus dans cette lubie par divers séides et médias, MM Darmanin et Retailleau se voient président de la République et multiplient les annonces-choc, pour se mettre en place favorable sur la ligne de départ. Or sensationnelles certes, leurs annonces vont, dans le réel des choses, de l’éculé au farfelu et jeter ce fatras en pâture à l’opinion ne renforce pas la sécurité des Français, au contraire.
Rougissons ici de devoir rappeler qu’assurer la sécurité des Français est – ou devrait être – l’unique mission des ministres de la Justice et de l’Intérieur ; non une sinécure entre deux tournées électorales. Ce d’autant que, sous le ministère des précités, scruter la France criminalisée révèle de sinistres nouveautés. Loin dans le quotidien « Sud-Ouest » du 19 mai passé… vers la fin d’un article anodin sur les saisies dans la planque de narcos ; cette inquiétante indication : « Un fusil d’assaut de calibre 5.56″… Celui de l’OTAN : les armes de guerre trafiquées d’Ukraine par une armée perdant pied arrivent jusqu’à Pessac (Gironde). Attendons le rapport « explosif » qui le claironnera un jour, du fait d’un ministre en mal de publicité.
• Panique Frères Musulmans. Que ce péril existe est su depuis… plus de vingt ans ! Citons ici Alain Chouet, dont l’infaillible expertise et la carrière à la DGSE, notamment à la tête de l’antiterrorisme, sont saluées de tous les experts : « En 2004, les rapports [Sur les Frères musulmans] de Bernard Stasi (médiateur de la République) et Obin (Inspecteur général de l’Éducation nationale), exposant de façon détaillée et circonstanciée très exactement les mêmes conclusions que le rapport d’aujourd’hui, sont classés sans suite puis relégués aux archives en 2005″ dit A. Chouet qui sans trêve, au péril de sa carrière, a dénoncé le péril « frériste » – d’abord pour les sociétés arabo-musulmanes. À présent, il doute du sort de « mesures encore au stade incantatoire, sous les ors des cabinets ministériels parisiens » « On a vu », conclut ce soldat de première ligne contre l’obscurantisme et le terrorisme, « ce qu’il en était de ce genre de prurit « nettoyeur » depuis plus de trente ans ». Méfiance justifiée.
Venons-en à M. Darmanin qui ces temps derniers se surpasse par un tam-tam médiatique toujours plus assourdissant, dans le domaine criminologique :
• Bagne de Cayenne en mode 2.0 – Enfermons les narcotrafiquants dans la jungle amazonienne ! Tonitrue la Une d’un hebdomadaire (hélas) de droite sauf que bien sûr, tout dans l’histoire est fictif, M. Darmanin devant peu après « calmer le jeu et se justifier » – et avouer que « le permis de construire n’est pas encore signé » pour ce « bagne », en fait promis dès 2017 !
• Fin de l’argent liquide : « Comment on arrête la drogue dans nos quartiers ? Mesure assez simple, la fin de l’argent liquide empêchera les points de deal » dit M. Darmanin. Qui clairement ignore que depuis deux ans en Grande-Bretagne ; déjà sur la Côte d’Azur, les dealers du monde de la nuit disposent de boitiers, type de ceux des taxis. Googler « terminal de paiement » en donne plusieurs, de 40 à 200€, accessible à toute société-écran enregistrée et permettant, après tout règlement par carte, un blanchiment… à la vitesse de la lumière.
• « Propositions de bon sens ». Dans celles du Garde des sceaux, les « peines de probation »… En fait, reprise de la « contrainte pénale » de l’anarchiste Me Taubira, du temps de M. Hollande – usine à gaz judiciaire telle, qu’elle fut enterrée peu après. Mais qu’en disait alors (2013) M. Darmanin ? C’était pour lui une mesure « désastreuse »… promettant une « explosion de la délinquance dont les Français seront victime ».
Ainsi, de plans « Place nette XXL » mutés en « Plans Jumbo »… De menaces verbale en pâteux « Plan d’action départemental de restauration de la sécurité du quotidien (PADRSQ, ouf !) la bataille du gouvernement contre « la délinquance » reste plutôt théorique-verbale.
Exemple avec les « rave-parties », foires aux stupéfiants à ciel ouvert, multipliées en France « en dépit des arrêtés préfectoraux les interdisant » et malgré « des préoccupations sanitaires réelles en matière d’alcool et de stupéfiants ». Naguère encore, dans le Midi (La Dépêche, 10/05/2025), l’une d’elles ravageait les terres agricoles au milieu d’un vacarme géant, devant plus de 10 000 énergumènes ivres, drogués (ou les deux).
En 2024, on a compté 37 de ces dévastatrices saturnales dans l’Ouest du pays. Des dizaines par an en France, au minimum – toutes « interdites », mais tenues sans encombre, malgré les tonnes du matériel générateur de vacarme, permettant de les prévenir aisément. Le tout, sous l’œil d’une maréchaussée passive, d’ordre préfectoral.
Lors de la « révolution culturelle » maoïste, la propagande des Gardes rouges s’affirmait plus révolutionnaire que le Parti communiste chinois ; pour riposte, le parti accola donc des idéogrammes signifiant « De-gauche-en apparence-mais-de-droite-en-réalité » au nom « Gardes rouges ». À termes inversés, de même aujourd’hui pour les émules de M. Sarkozy, qui fit campagne avec Patrick Buisson et son « ministère de l’identité nationale » puis gouverna avec des hétaïres limite-gauchistes ; on coupa alors de peu au pittoresque Julien Dray comme ministre de l’Intérieur. « De-droite-en-apparence-mais-de-gauche-en-réalité » : du fictif bagne de Cayenne au copier-coller-Taubira, pour le dire autrement. ■ XAVIER RAUFER

CARRE
Un faux jeton , tout simplement.