
Le paysan est l’homme libre, c’est-à-dire l’homme le moins soumis aux nouvelles modalités de la vie que l’organisation nouvelle du monde tente d’imposer partoutRobert Redeker
Par Robert Redeker.
Cette tribune de Robert Redeker, noble et courageuse comme toujours, est parue dans Le Figaro du 28 mai. Défend-il une cause perdue ? Selon Patrick Buisson, le monde paysan d’autrefois était condamné à se réduire, s’industrialiser ou disparaître par la généralisation des tracteurs… Charles de Gaulle, bien avant lui, avait annoncé la même évolution, due à celle des techniques et aussi à l’internationalisation des marchés. Qui peut dire l’avenir ? Les techniques peuvent changer, comme pour tant de métiers ; la mondialisation marque le pas, le coût des transports en réduit le bénéfice, la production de masse est contestée. Reste la question des prix, tellement plus bas pour des produits venus d’ailleurs, souvent de très loin… Là aussi, peut-être fera-t-on bientôt quelques calculs pour vérifier combien coûte aux Français, en impôts et charges, ce différentiel des prix, si l’on consent à chiffrer la charge que représentent des millions de Français (et autres…) au chômage, et nos campagnes désertifiées… Combien coûte à chacun d’entre nous le déficit de notre commerce extérieur, jadis excédentaire ? Avant d’enterrer notre agriculture, horresco referens, ces questions devraient au moins être posées. JSF

TRIBUNE – La mobilisation des agriculteurs devant l’Assemblée nationale ce lundi est l’occasion pour le philosophe de réfléchir à la permanence de leur vocation, à l’heure où le « territoire » remplace le « terroir » et où l’« environnement » se substitue au « paysage ».
* Auteur notamment de « Descartes. Le Miroir aux fantômes » (Cerf, 2025), et d’« Éloge spirituel de l’attention » (Artège, 2025).…
Qui sont les paysans ? Ceux qui vivent au plus près de la vie du socle matériel de la société, la terre, le sol, sur lesquels on marche et bâtit, trace des routes. Ils sont les gens qui travaillent le socle de la vie. Qui fécondent ce socle. Qui rendent la terre féconde pour que nous puissions vivre d’elle, sur elle. Sans cette terre travaillée, sans ceux qui la travaillent, il n’y a pas de société. Il n’y a rien. Pas même d’humanité. L’humanité commence là, au travail du paysan ; tout commence là, au travail de la terre. Tout recommence là, chaque matin. Le travail des paysans et des agriculteurs chaque matin est le recommencement du monde. Si l’on arrête ce recommencement, tout finit : le monde humain s’écroule. L’agriculture précède toute culture.
Du travail de la terre surgit la société, qui va se développer jusqu’à oublier ce commencement, oublier sa dette envers ce commencement. Jusqu’à se retourner contre lui – quand l’homme des villes, gonflé de sa réussite, de son orgueil, aseptisé, auréolé de ses progrès, se met à mépriser l’homme des champs, dont pourtant il dépend. La tête de l’homme des villes enfle facilement, rien ne lui résiste ; l’homme des champs, lui, est sans cesse rappelé par la nature et les éléments à l’humilité, tout lui résiste. Sa tête ne peut enfler ; il ne peut se croire centre du monde, au contraire de l’homme des villes. Il sait qu’il fait partie d’un système qui unit le ciel et la terre, le vent et les étoiles, les oiseaux du ciel et les lys des champs : la nature. La Création. Ce savoir le rend humble, quand le savoir de l’homme des villes le rend vaniteux.
Les campagnes se vident de leurs paysans et se peuplent de néoruraux, de rurbains, adeptes de modes de vie et de valeurs citadines qu’ils exportent à la campagne. Ainsi les campagnes deviennent-elles des dortoirs pour des gens qui travaillent dans les villes ou leurs banlieues. La transformation sémantique du terroir en territoire exprime ce changement : le territoire, c’est ce qui reste du terroir quand on en a arraché les paysans. Quand on l’a déraciné de ses paysans, qui en étaient la mémoire. Le territoire, à l’opposé du terroir, n’a ni mémoire ni racines. Dans le mot « territoire », la terre n’est plus qu’une abstraction. Le terroir est historique, le territoire n’est que géographique et administratif.
Qu’est-ce que la terre ? Non au sens de planète, comme quand on prétend « faire quelque chose pour la planète », qui est alors un mot vide dans un slogan vide, mais en un sens très concret, palpable, la terre que l’on cultive, celle avec laquelle le paysan est en contact, comme si elle était son épouse, du matin au soir. Appelons cette terre concrète, charnelle, la glèbe. C’est dans la glèbe que nous inhumons nos morts – humains parce que inhumés. C’est la terre qui les enveloppe, comme un drap, et qui, finalement, au terme d’un long processus biologique, du labeur des insectes et des animalcules travailleurs de la mort, les absorbe – « Tu redeviendras poussière », dit le livre de la Genèse ; autrement dit, tu redeviendras atome de la glèbe. Attention : la poussière n’est pas la cendre, la terre n’est pas le feu ; la terre absorbe les morts, le feu les détruit. L’inhumation appartient au terroir, la crémation sacre l’ère du territoire. L’on ne peut penser à la glèbe sans penser aux morts, humains et animaux, qui sont dissous en elle : cent milliards et plus d’êtres humains auraient foulé le sol de notre planète depuis les débuts de notre espèce. Nous marchons sur des morts ; ils dorment sous nos pieds, nourrissent nos racines. La glèbe est aussi la matière où germe, croît, et mûrit ce qui nous nourrit, la substance nutritive, et nourrit aussi les animaux dont nous nous nourrissons. Leur chair passe dans notre chair, comme en une alchimie du vivant. Se signale alors une circularité de la vie dont la nourriture, ce fruit de la terre, de la glèbe, du travail paysan, de la sueur paysanne, est l’opérateur. Sans les paysans, pas de vie biologique pour les hommes !
Qu’est-ce que le paysage ? Les paysans ne sont pas seulement les passeurs du cycle de la vie, ceux dont la nourriture provient, ils sont aussi ceux qui, par leur sueur millénaire, leur dur labeur acharné, ont dessiné le paysage. L’ont transmis – car le paysage est un héritage que l’on passe de génération en génération. L’homme des villes contemple le paysage comme une carte postale au présent ; autre est la vérité : le paysage nous plonge dans l’histoire, dans le passé, il resplendit d’une dimension temporelle, là où l’homme des villes ne perçoit que sa dimension spatiale. L’homme des villes ne voit dans le paysage qu’un décor, plus ou moins charmant, plus ou moins saisissant, plus ou moins reposant. Qu’un lieu d’excursion pour le sport ou la randonnée – qu’un espace de loisirs. Le paysage, en réalité, est une œuvre d’art, dont le peuple paysan est le patient artiste ; le paysage n’est pas la nature, il est la nature transformée en une œuvre d’art exprimant l’âme d’un peuple. Le paysage exprime autant l’âme d’un peuple que son architecture, sa littérature, sa politique. 2024 a fêté la réouverture de Notre-Dame de Paris, ce chef-d’œuvre et cette nef pour traverser le temps. Le paysage lui est comparable. Sans les paysans, pas de paysage ! Sans les paysans, pas de pays !
La distinction entre paysage et environnement est essentielle. L’environnement est ce qui tourne autour de l’individu, le moi moderne. Ce qui vire – « virer », verbe que l’on retrouve dans « environnement », veut dire « tourner » – autour de lui. Il est la carte postale spatiale qui vire autour de lui. La science de l’environnement, c’est l’écologie. Le paysage est la réalité dans laquelle la personne humaine s’enracine. La science du paysage, c’est l’histoire-géographie. Le paysage dit l’histoire, la longueur du temps, le travail, la patience ; l’environnement ne dit que la nature. Dans l’environnement, l’individu est central, tout est spatial, les racines et l’histoire ne comptent pas. L’environnement, au contraire du paysage, est antihistorique. Tout est en surface, superficiel. Le paysage, de son côté, n’est compréhensible, appréciable, beau, que parce que le passé reste présent en lui, continue de vivre en lui, l’irrigue. L’environnement, pour peupler les discours technocratiques et écologiques, est arraché au paysage.
Pourquoi veut-on en finir avec les paysans, avec la ruralité ? Parce que le paysan est l’homme des racines. Parce que le paysan est l’homme libre, c’est-à-dire l’homme le moins soumis aux nouvelles modalités de la vie que l’organisation nouvelle du monde tente d’imposer partout, le moins malléable par les idéologies datant de la dernière pluie, par le nouvel imaginaire dominant. Parce qu’il est l’homme de la tradition. Parce que le monde dont il est le symbole, ce cosmos, la ruralité, est celui des valeurs prémodernes, nées du contact avec la réalité (la terre, la nature, les éléments), qui résiste. Parce qu’il est la résistance du permanent – ni modernes ni antimodernes, les paysans, les agriculteurs, et la ruralité, sont la continuité là même où l’on veut la rupture. Parce qu’il est l’insistance d’un monde que le monde d’aujourd’hui ne veut plus voir. ■ ROBERT REDEKER
Toutes ces aides de la politique agricole commune dont la France a pu bénéficier, encore agricole pour plus se 10 pour cent de la population dans la décennie 60, que n’ont elles été mises à profit pour maintenir des petites exploitations (20 hectares, restaient valables pour faire vivre une famille de paysants d’alors) plutôt que pousser au rendement, surrproduire pour exporter et, au bout du compte, maintenant , l l’on doit importer, ayant perdu l’autosuffisance alimentaire. Bref, mauvais choix, comme toujours : desindustrialisarion, dépendance énergétique (alors que nous avions les centrales nucléaires) sabotage de la politique familiale, immigration massive (pour faire baisser les coûts de la main d’œuvre- les contribuables compensent par la » prime à l’emploi- destruction de l’ Éducation nationale , Régalien qui passe derrière la politique de « redistribution » (du communisme qui ne dit pas son nom)
La question qui se pose : en est il ainsi cher tous les voisins européens ? Et puis , à quel moment va t’on « couler »avec à la clef une prise en main de nos finances par le FMI, le basculement de population avec tiers mondialisation, ou, sinon, l’apparition d’un » homme peovidentiel » (on a compris : ce n’est pas la démocratie qui permettra de resoudre les problèmes par elle provoqués ).
Comme la Russie, par exemple, a pu en trouver après être tombée au fond de la misère dans la decennie 1990 .