
Par Gabrielle Cluzel.
« En femme construite, Georgia Meloni méprise l’homme déconstruit, Emmanuel Macron. »
Cet article est paru dans Boulevard Voltaire, hier, 3 juin. Il est énergique et vrai à l’image de on auteur, Gabrielle Cluzel, désormais bien connue et appréciée du grand public français grâce à CNEWS. Nous n’ajouterons pas de commentaire. Simplement, faudrait-il réfléchir à notre avis sur le singulier renversement des situations entre la France et l’Italie sous divers aspects essentiels : les finances et l’économie, l’efficacité de l’exécutif, la volonté d’indépendance, l’autorité internationale, etc. Le monde change et le vent ne souffle pas toujours dans le même sens…
Emmanuel Macron est venu faire une visite éclair à Georgia Meloni. Inutile de le cacher, ils se détestent. En progressiste, Emmanuel Macron méprise la populiste Meloni. En femme construite, Georgia Meloni méprise l’homme déconstruit, Emmanuel Macron. Sa colonne vertébrale, on la trouve dans sa fameuse tirade de Rome en 2019 : « Je suis Giorgia. Je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne, et vous ne m’enlèverez pas cela. » Pas moyen de trouver l’once d’un « en même temps » là-dedans. La colonne vertébrale d’Emmanuel Macron, on la cherche.
C’est la dame de fer (version spaghetti) contre l’homme de feinte. Elle FAIT, quand il FEINT, s’agite, botte en touche, trouve des parades (comme une dissolution), virevolte, s’adresse aux Français la mine grave, jure ses grands dieux qu’il y aura des sanctions exemplaires et une justice implacable contre les émeutiers.
Canossa
D’une certaine façon, Emmanuel Macron va plutôt à Canossa (qui est aussi en Italie) qu’à Rome.
Il va, sans le dire, faire amende honorable. Il est en situation de faiblesse, comme jamais. C’est Milan qui a perdu le match, samedi, contre le PSG, mais c’est Emmanuel Macron qui arrive en perdant face à Georgia Meloni. Il faut voir les commentaires dans la presse italienne. Car si le presse française a des pudeurs de rosière et une discrétion de violette pour évoquer les « incidents », la presse étrangère ne parle que de « riots » (« émeutes »).
Les Italiens – les Matteo – ont eu la défaite digne, comme il y a quelques semaines, en demi-finale, les Kevin, autrement appelés supporters anglais, partisans de l’Arsenal.
Gérald Darmanin s’émeut, aujourd’hui, de la faiblesse des sanctions pour les voyous qu’il ne juge « pas à la hauteur ». Dire qu’il avait traité, en son temps, Georgia Meloni « d’incapable ». Dommage qu’il ne soit pas du voyage en Italie aujourd’hui, car Georgia Meloni lui aurait sûrement infligé un de ces petits camouflets dont elle a le secret et qu’elle a notamment fait subir à un président de région démocrate qui l’avait traitée de connasse : « Je suis cette connasse de Meloni », avait-elle lâché, glaciale, laissant l’élu coi et gêné. On la voit d’ici se planter devant Darmanin : « Je suis cette incapable de Georgia Meloni », et peut-être lui renvoyer le compliment… Car dans ce registre, le 4 avril dernier, Giorgia Meloni n’a pas FEINT, elle a FAIT : elle a imposé, sans se préoccuper des cris d’orfraie de l’opposition, par décret, sa loi sur la sécurité. Le texte vise notamment à protéger les forces de l’ordre en cas d’accusations de violences policières.
Dans un autre registre, Georgia Meloni a aussi fait chuter l’immigration illégale de 60 %, en 2024. La Thatcher macaroni vient de pulvériser tout le bel échafaudage lénifiant de ses alter ego selon lequel nul ne peut rien faire en matière d’immigration, encore moins tout seul (entendez : sans l’Europe).
Verdi de l’économie
Mais le plus étonnant est sans doute sa réussite économique : alors que la France coule, le FMI a félicité l’Italie pour son excédent budgétaire. On nous parlait, de ce côté-ci des Alpes, de « Mozart de la finance » ; c’est finalement en Italie qu’un « Verdi du budget » s’est révélé. En termes de PIB par habitant, l’Italie rattrape la France. Et ce résultat, elle l’a obtenu, en plus, avec une baisse des impôts et des cotisations sociales pour les classes moyennes et populaires. Enfin, corollaire indispensable, elle met en place une politique familiale, car Meloni a fait de la démographie sa « priorité absolue ». Emmanuel Macron parle de réarmement démographique mais, en France, le Conseil des prélèvements obligatoires (comité Théodule rattaché à la Cour des comptes) préconise de baisser le crédit d’impôt service à la personne, et notamment celui de la garde d’enfants… Il faudrait bien plus aider les parents, le CPO recommande de les aider encore moins.
Georgia Meloni, c’est aussi celle qui est entrée en guerre contre les juges, italiens et européens. Les juges français eux mêmes en prennent pour leur grade puisqu’elle a dénoncé la condamnation dont a fait l’objet Marine Le Pen : « Je pense que personne n’ayant à cœur la démocratie ne peut se réjouir d’une sentence qui frappe le leader d’un grand parti et prive des millions de citoyens de représentation ».
Georgia Meloni veut concurrencer, au sein de l’Europe, le leadership que veut se tailler Emmanuel Macron en Ukraine, et elle vient séduire l’Afrique, entendant bien occuper le terrain que la France abandonne. Même Trump ne tarit pas d’éloge : « Tout le monde l’aime, tout le monde la respecte et je ne peux pas dire cela de beaucoup de gens. Elle est devenue une amie. Elle a fait un boulot formidable. Elle a pris l’Europe d’assaut. »
Un poil jaloux, Emmanuel Macron ? Qu’il se rassure, le miracle Georgia Meloni en Italie n’a pu avoir lieu qu’à la faveur d’une union des droites qui, pour le moment, n’est pas du tout (mais pas du tout !) à l’ordre du jour en France. ■ GABRIELLE CLUZEL
Gabrielle Cluzel
Écrivain, journaliste. Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste.

Quel guignol ce micron !