
« Un chef de notre diplomatie doit se situer au-dessus de l’arène politicienne, mais (…) le ministre fait du gouvernement français le certificateur au millimètre près de la propagande algérienne ».
Par Noëlle Lenoir et Arnaud Benedetti.

Cet article est paru dans le Figaro du 7 juin. Par delà le cas de Boualem Sansal, que nous n’oublions pas, il s’agit ici de la sécurité intérieure et de la souveraineté internationale de la France, l’une et l’autre gravement atteintes par sinon l’action, du moins le comportement des « autorités » de l’Etat… JE SUIS FRANÇAIS
TRIBUNE – Le 6 mai, sur RTL, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a qualifié l’ex-ambassadeur de France à Alger de « porte-parole de l’extrême droite ». Arnaud Benedetti et Noëlle Lenoir* dénoncent cette attaque.
*Noëlle Lenoir et Arnaud Benedetti sont la présidente et le secrétaire général du Comité de soutien à Boualem Sansal.

Depuis six mois qu’il a été arrêté et incarcéré par le régime algérien, les soutiens de Boualem Sansal ne cessent de se battre pour dénoncer une situation inacceptable. Inacceptable pour un homme tout d’abord, l’un de nos plus grands écrivains francophones du moment, âgé et malade ; inacceptable pour sa famille, sa femme, elle-même gravement malade et qui, étroitement surveillée, ne parvient à le voir qu’épisodiquement dans sa geôle algérienne, et ses filles, qui de l’étranger ont écrit au président de République algérienne et au président de la République française une supplique en attente toujours à ce jour d’une réponse ; inacceptable pour ses amis en France et à travers le monde, à qui il a tant apporté et qui s’identifient à son sort ; inacceptable pour la France, qui est visée tout particulièrement par un embastillement valant embastillement de nos principes et de nos valeurs les plus fondamentales ; inacceptable enfin parce que la cause de Boualem Sansal a mis à jour des comportements au sein même de la société française qui tournent le dos délibérément à notre tradition de défense de la liberté d’expression.
Parmi d’autres attitudes, les plus visibles ont été les votes hostiles des quelques parlementaires qui se sont opposés aux propositions de résolution qui tant au Parlement européen qu’à l’Assemblée nationale exigent la libération immédiate et inconditionnelle de notre compatriote. Le combat du Comité de soutien international à Boualem Sansal est ingrat parce qu’il lui faut vaincre tous les jours l’indifférence. Il est âpre parce que, sans autre moyen que l’énergie de ses membres, il convient de maintenir une mobilisation dont le pouvoir algérien souhaiterait qu’elle disparaisse pour mieux étouffer dans l’oubli son illustre prisonnier d’opinion et faire ainsi un exemple pour tous ceux qui auraient des velléités de critiquer les hiérarques d’Alger. Il faut le dire, ce combat est parfois décourageant tant il nous faut lutter contre l’accommodement aux diktats algériens qui vient trop souvent conduire la ligne officielle et officieuse française…

Depuis plusieurs mois, l’un de nos membres, l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, constitue la cible d’une campagne politico-médiatique qui de l’autre côté de la Méditerranée en fait, après le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, l’un des principaux boucs émissaires des dignitaires d’un régime dont l’unique cohésion consiste à se regrouper autour d’une ligne d’hostilité provocatrice et violente à l’encontre de notre pays. La France est couverte d’opprobre d’article en article de presse, d’émission en émission de télévision.
La clairvoyance et la rationalité dont Xavier Driencourt fait preuve dans ses ouvrages et ses déclarations gênent évidemment les efforts du gouvernement algérien pour culpabiliser la France
Le seul tort de Xavier Driencourt est de connaître au plus près l’écosystème d’Alger, d’en dénoncer le double discours antifrançais, mais utilitariste, dès lors qu’il s’agit pour sa caste dirigeante de bénéficier des avantages d’une société démocratique et du modèle social qui l’accompagne. La clairvoyance et la rationalité dont Xavier Driencourt fait preuve dans ses ouvrages et ses déclarations gênent évidemment les efforts du gouvernement algérien pour culpabiliser la France, qui serait structurellement coupable de ne pas suffisamment ouvrir les vannes en matière migratoire et pour ne pas suffisamment se repentir dans le cadre des travaux mémoriels lancés par les deux présidents de la République. Ami de Boualem Sansal, qu’il est par ailleurs un des derniers à avoir vu libre, comme de Kamel Daoud, autre écrivain également primé en France pour ses œuvres et de même persécuté, il est engagé depuis les premiers jours au sein du Comité de soutien dont il est l’une des chevilles ouvrières.
C’est cet homme à l’expertise documentée, à l’expérience éprouvée, à la vigilance lucide qui est désormais la cible récurrente du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui, sur RTL, l’a qualifié de « porte-parole de l’extrême droite », qualificatif fourre-tout qui suffit aujourd’hui à disqualifier toute pensée qui oserait la critique de la faiblesse de notre politique, en l’occurrence celle menée vis-à-vis d’Alger. Ce propos qui fait suite à d’autres déclarations similaires du chef de notre diplomatie nous heurte de plein fouet parce qu’il témoigne d’une méconnaissance de l’esprit qui anime notre Comité de soutien, pluraliste à la fois sur le plan politique et intellectuel et dont le moteur justement est de regrouper tous ceux qui, nonobstant leurs horizons de pensée, se battent parce qu’ils refusent qu’un homme soit emprisonné pour ses idées.
Il y a quelque chose de profondément troublant à voir ainsi un haut responsable français reprendre à son compte les attaques de la presse algérienne contre Xavier Driencourt et par ricochet contre le Comité de soutien, comme s’il s’agissait de nous faire taire.
C’est une faute politique, non seulement parce qu’un chef de notre diplomatie doit se situer au-dessus de l’arène politicienne, mais aussi parce que ce faisant le ministre fait du gouvernement français le certificateur au millimètre près de la propagande algérienne qui n’a de cesse de s’en prendre en ces termes mêmes avec une hargne débridée à celui qui fut par deux fois notre ambassadeur à Alger et qu’il faudrait faire taire précisément parce qu’il en connaît les arcanes. Enfin, ce propos nous inquiète pour la sécurité de Xavier Driencourt parce qu’il reprend la sémantique des oligarques algérois, alors même que Jean-Noël Barrot ne peut ignorer les risques pesant sur l’intégrité physique de Xavier Driencourt, plusieurs fois, hélas, agressé dans la rue ou lors de déplacements.
Tout aussi grave : ces attaques ad hominem ont des causes profondes. Elles témoignent de ce qui manque à une grande partie de la classe dirigeante actuelle : la modestie du savoir et de la connaissance. Le diplomate chevronné, fort de son expérience empirique des hommes et des situations, a ceci sans doute de déplaisant, pour un pouvoir qui ne parvient pas, en dépit de ses gestes d’apaisement depuis plusieurs mois, à normaliser sa relation à l’Algérie, qu’il décrit ce qui est vu comme la faiblesse de la France dont se nourrissent avec machiavélisme ses interlocuteurs algériens. On eut aimé que le ministre, lors de son voyage à Alger, le 7 avril dernier, montre autant d’énergie à demander la libération de Boualem Sansal (dont il se borna à évoquer le cas du bout des lèvres dans sa conférence de presse post-rencontre avec le président Tebboune) qu’il n’en déploie à s’en prendre régulièrement à Xavier Driencourt.
Il y a quelque chose de profondément troublant à voir ainsi un haut responsable français reprendre à son compte les attaques de la presse algérienne contre Xavier Driencourt et par ricochet contre le Comité de soutien, comme s’il s’agissait de nous faire taire. Nous ne nous tairons pas. Nous savons pertinemment que si Boualem Sansal est libéré, c’est en raison du bruit et de la mobilisation de terrain qui perdurent notamment dans les villes de France pour dénoncer son incarcération inique. Refuser de se taire, telle est la vocation d’un comité de soutien ; telle est surtout la leçon que nous sommes naturellement invités à tirer de toute l’œuvre de notre ami otage à Alger… ■
Macron s’est vanté que parmi les armes de la France il fallait compter avec l’excellence de notre diplomatie! On juge l’arbre à ses fruits
« Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. »
Le plus nullard de ce gouvernement et depuis des décennies et sans aucune compétence diplomatique!!!