
« Effroi à l’Éducation nationale après le drame survenu à Nogent en Haute-Marne ».
Par Céline Pina.
Cet article est paru dans Causeur le 11 juin. Quelques jours se sont donc écoulés depuis, il convint d’en tenir compte en le lisant. Nous le livrons tel quel aux lecteurs qui y réagiront s’ils le souhaitent. JSF ne manque pas de débats, parfois houleux. C’est un signe de vitalité.
L’exécutif, en profond décalage, apparait comme désemparé et sidéré face à la prolifération des couteaux dans les établissements scolaires.
Selon les autorités, le meurtrier, Quentin G. était scolarisé en 3e dans l’établissement scolaire et inconnu de la police. Les motifs de son geste étaient inconnus au moment où nous rédigeons cette analyse. Ses deux parents travaillent, il ne présentait plus de difficultés particulières, et était même « ambassadeur harcèlement » après avoir pourtant fait l’objet de deux exclusions scolaires l’année passée pour des perturbations en classe.
– N’écartant pas hier la possibilité d’une question de santé mentale concernant ce drame, le ministre de l’Intérieur Retailleau a affirmé : « J’ai souvent dit qu’une société laxiste qui avait déconstruit tous les repères et tous les cadres communs avait engendré parfois finalement une fabrique de barbares ».
– « Ce n’est pas seulement un fait isolé, c’est une dérive de la société (…) c’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons. (…) Nous ne pouvons pas demeurer les bras baissés devant ce qui est en train de se passer ; il va falloir durcir la réglementation et travailler sur les portiques à l’entrée des établissements » a déclaré le Premier ministre Bayrou à l’Assemblée nationale.
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Hier, en fin de matinée, l’annonce de l’information tragique a tout emporté. À Nogent (52), au collège Françoise Dolto, une jeune surveillante de 31 ans, Mélanie G. est morte sous les coups de couteau d’un jeune garçon de 14 ans, au moment d’un contrôle des sacs effectué par des gendarmes. La nouvelle a choqué par sa violence et sa brutalité. Le jeune âge de l’auteur du crime, le fait que l’institution scolaire soit une fois de plus endeuillée, qu’un de ses membres soit tué dans l’exercice de fonctions qui, en principe, n’impliquent pas de tels dangers, et la répétition de faits divers atroces sur notre territoire — tout concourt à frapper les esprits. Mais si ce drame est aussi significatif, c’est aussi parce qu’il vient clore de façon tragique une séquence politique où la posture présidentielle récente, qui nie la montée de la violence, termine humiliée par le réel.
Le contretemps fâcheux d’Emmanuel Macron
Cette séquence s’ouvre par un entretien donné par Emmanuel Macron à la presse régionale le 7 juin. Entretien au cours duquel il déplore le manque d’intérêt que suscite le sommet de l’ONU sur les océans et s’en prend à « ceux qui préfèrent brainwasher sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ». Le problème, c’est que l’immigration et les questions soulevées par ces faits de société sont au cœur des préoccupations des Français et qu’ils ne les considèrent pas comme secondaires. Une fois de plus les propos du président sont vécus comme insultants pour les citoyens, manquant de compassion pour les victimes et les familles, inutilement agressifs et politiquement contreproductifs.
Face à la polémique, Emmanuel Macron se raidit et envoie au front Elisabeth Borne. S’il s’agit de séduire les Français afin de retisser le lien, le choix du médiateur est curieux ; il donne d’ailleurs les résultats auxquels on pouvait s’attendre : chargée d’incarner la voix de son maître, elle donne aussi dans le mépris technocratique et l’absence d’empathie. Pire même, lors d’une séquence lunaire, elle explique que l’on ne peut légiférer sous le coup de l’émotion… De quoi sidérer des Français qui pensent qu’en matière d’ensauvagement et de violence des mineurs, les constats sont posés, que des solutions existent mais que le vrai problème est le refus d’agir, le déni politique. Dans l’absolu, tout le monde comprend que réagir à chaud n’est pas bon, mais là ce qui indigne, c’est la multiplication des alertes, le temps depuis lequel une réaction politique est attendue, les mots tonitruants qui accompagnent chaque mort, mais l’absence dans les faits de toute volonté réelle et de résultats. La crise d’Emmanuel Macron et d’Elisabeth Borne apparaît donc pour ce qu’elle est, un trépignement d’enfants frustrés qui ne pèsent plus sur la marche du monde, dont la voix ne porte plus dans les débats qui vont structurer la prochaine présidentielle. Ils en sont réduits à se servir de leur position de pouvoir pour disqualifier ce sur quoi ils n’ont finalement plus de prise. Car la vérité est que leur parole ne compte plus.
Elle ne compte plus, mais elle blesse encore. Et elle a blessé la mère d’Elias, ce jeune garçon de 14 ans férocement attaqué à coups de machette à Paris par des jeunes délinquants laissés en liberté. Celle-ci a vécu une première violence dans la façon dont l’histoire du meurtre de son enfant a été racontée. Parce que ces jeunes étaient issus de la diversité, à cause de la gratuité de l’attaque, de la nature de l’arme utilisée, de la violence des coups, une partie de la presse a eu peur que cela n’alimente les commentaires de l’extrême-droite, selon ses justifications, et a choisi de raconter une version mensongère de cette histoire. À cette injustice s’est ajouté le fait que le meurtre d’Elias a été cité par Elisabeth Borne comme un de ces faits divers, susceptible d’alimenter une réaction « à chaud » alors que ces situations méritent des réflexions plus approfondies. La réponse de la mère d’Elias est cinglante. Invitée sur BFM TV ce mardi 10 juin, dans la matinale, elle était venue expliquer pourquoi la prise de parole d’Elisabeth Borne l’avait choquée et est revenue longuement sur l’emploi par celle-ci du mot « fait divers » et « réfléchir ». Elle a compris que réduire le crime commis sur son fils à un fait divers, c’est le rendre insignifiant, donc ne nécessitant pas de réponse politique dans le fond. Quant à son rejet de l’utilisation par la ministre du terme « réfléchir », ce n’était pas un refus de la connaissance ou de l’analyse qui s’exprimait, pas non plus une colère qui se déversait. Non, c’était l’expression d’une profonde lassitude. Elle a parfaitement compris que ce mot est dans la bouche d’Elisabeth Borne, une manœuvre dilatoire. C’est contre cette façon de draper dans une apparence de vertu, une réalité d’impuissance et de refus d’agir que la mère d’Elias s’est élevée, avec justesse et dignité.
Le gouvernement mobilisé
Or la réalité de cette souffrance n’a fait qu’accentuer le sentiment qu’en matière de sécurité, le chef de l’État et une partie de ses ministres faisaient le choix du déni ou du moins du désaveu des personnalités les plus en pointe sur cette question. Cette prise de parole courageuse de la mère d’une victime de la montée de cette violence gratuite avait déjà dynamité la posture désastreuse du président et de sa ministre quand la nouvelle du meurtre à coups de couteau de la jeune femme surveillante de collège en Haute-Marne est tombée. Emmanuel Macron a vu se retourner contre lui sa tentative d’accuser ses contestataires de commettre un lavage de cerveau sur une population sans défense, simplement parce qu’ils répondaient aux aspirations de la population en matière de sécurité. Le tragique rend insupportable la posture.
Et justement, voilà que face au drame qui vient de se dérouler à Nogent, les citoyens ont droit à leur lot de paroles exaltées et définitives. Le président tweete donc que « la nation est en deuil et le gouvernement mobilisé pour faire reculer le crime ». Elisabeth Borne explique en bonne technocrate qu’ « il faut une réponse globale notamment sur une meilleure régulation de la vente des armes blanches ». Qui croit encore que la réponse peut venir d’un président ambigu en matière de sécurité, et qui au terme d’une prise de parole mal gérée, voit un nouveau drame démentir son discours ? Personne. Les Français n’attendent plus rien de leur président. Ou plutôt si, la fin de son mandat. Ils espèrent qu’en 2027 ils auront à nouveau une campagne présidentielle qui pourrait renouer avec ce qui fait le fondement de la cinquième république, la rencontre entre un homme, le peuple et un projet d’avenir. En attendant, ils voient les tweets politiques compassionnels s’accumuler après une nouvelle tragédie tout en sachant qu’aucune décision forte n’interviendra. Et ils pensent peut-être aussi que nos problèmes résident moins dans la question temporaire de l’absence de majorité législative que dans celle plus structurelle du manque de courage d’une partie de leurs représentants… ■ CÉLINE PINA
Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», elle a également publié Silence coupable (Kero, 2016) et Ces biens essentiels (Bouquins, 2021).

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Les gens de rien « sans culture » (parce que français), ceux dont on « lave le cerveau » à travers les médias qui racontent des faits divers ceux là en ont marre de la brillante intelligence du Mozart de la Finance, le génie médiateur de la paix entre les peuples le président élu « qu’ ils ne méritent pas. » ( dixit son épouse) ils sont fatigués de l’entendre pérorer et ne croient plus à ses changements de cap, son auto satisfecit permanent et ses jugements peremptoires. Ils n’attendent rien d’autre que la sortie de ce brillant personnage dont l’intelligence les dépasse complètement.