
Par Gabrielle Cluzel.
« Alors revient le mot « démission ». Le seul changement qui apparaît à l’horizon, LA solution. »
Cet article est paru dans Boulevard Voltaire hier, le 16 juin. Il est énergique et vrai, à l’image de son auteur, Gabrielle Cluzel, désormais appréciée du grand public français grâce à CNEWS. Nous n’ajouterons pas de commentaire. Nous disons en titre ce que nous pensons, et ce que, selon nous, l’on devrait penser au regard de l’expérience et de l’histoire — lesquelles ne se limitent pas au cas, heureusement singulier, d’Emmanuel Macron. Par-delà ce cas inquiétant, touchant à la personne en question, n’oublions pas que le régime, depuis cinquante ans, cent ans, ou à vrai dire depuis 236 ans, n’a pas fait de cadeaux à la France, et continuera de descendre la même pente fatale une fois Macron parti… Le vrai problème, c’est le régime !
Hier, invité au Grand Rendez-vous dominical de CNews, Hervé Morin, président des centristes et de la région Normandie, a jeté un pavé dans la mare : il a appelé de ses vœux la démission d’Emmanuel Macron : « Est-ce qu’on doit attendre 2027 ? On est en train de perdre un temps précieux dans un pays en grande difficulté. » Il fait son roi Salomon, sommant Emmanuel Macron de choisir : s’accrocher à une France exsangue sur le point de trépasser ou accepter de la céder à un autre pour lui donner une chance de survivre. Si Emmanuel Macron « a le sens du pays », « au nom de l’intérêt de la France », « la situation du pays [étant] trop grave », sachant le niveau « d’opinions défavorables du couple exécutif », et puisque « rien ne bouge », il doit partir. « Ce serait rendre service au pays et aux Français », conclut-il. « Est-ce qu’on peut se dire que l’intérêt supérieur de la nation, c’est d’avoir un exécutif capable de faire des réformes avec un Parlement qui le suit ? »
De fait, François Bayrou a pu donner l’impression, un temps, qu’il avait sauvé le Président. Mais la France est à l’arrêt. Le Premier ministre ressemble à un cow-boy brinquebalé de tous côtés, s’accrochant comme il peut à la selle de son cheval bronco comme on appelle les canassons de rodéo au Texas : il ne prétend pas avancer, ce serait trop prétentieux ; il veut gagner du temps avant d’être éjecté.
Petite musique
Cette petite musique, Hervé Morin n’est pas seul à la faire (à nouveau) monter. Le 9 juin dernier, l’eurodéputé Christophe Gomart avait aussi demandé la démission d’Emmanuel Macron : « Il faut que Narcisse quitte le pouvoir ! ». Le général avait enfoncé le clou : « [s’il était] à sa place, c’est ce qu’il ferait », pour « redonner un souffle à la France ».
Cette pensée ne traverse pas que le milieu politique, elle habite aussi l’opinion publique.
Dans les sondages, la popularité est en berne. Ce n’est pas de la haine… c’est pire : de l’indifférence. Les Français s’en détournent. Même ses provocations n’impriment plus. Les « il n’y qu’à traverser la rue » et les « j’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés » avaient suscité l’indignation. Son « lavage de cerveau » n’a provoqué que du dédain. Vendredi soir, Philippe de Villiers, tout seul sur CNews, l’a battu alors qu’il était sur deux autres chaînes cumulées. Sa précédente intervention avait également fait un flop. Il est devenu comme transparent. Le Président passe-muraille. Un camouflet pour celui que l’on pouvait appeler jusque-là « le coup d’éclat permanent ».
Il faut dire qu’il n’a plus guère de pouvoir. Il use de quelques subterfuges pour soigner les prérogatives étroites qui lui restent. Il est chef des armées : on l’a entendu sur l’Ukraine, vous allez voir ce que vous allez voir. Il fait des voyages de représentation. Aujourd’hui, au Groenland, pour faire les gros yeux à Donald Trump, qui s’en moque sans doute royalement, tout occupé qu’il est avec le Moyen-Orient. La Cour des comptes l’a d’ailleurs épinglé, il y a un an, à ce sujet, les comptes de l’Élysée ayant dérapé, notamment en raison des frais de déplacement en hausse de 7 %. Ces voyages présidentiels permettent d’attirer les médias, il y a toujours des caméras, parfois trop, ou trop tôt, ou mal placées, comme l’a montré l’épisode de la « chamaillerie » (gardons ce mot pudique) entre Emmanuel Macron et Brigitte Macron à la porte de l’avion. Mais badbuzzer, c’est toujours exister.
Il a aussi un hochet, qu’il agite pour faire du bruit : celui du spectre de la dissolution. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, et la première dissolution ayant tout bloqué, il n’y a plus d’espérance. Les Français vivent dans la France Orange mécanique, la France Orange macronique, selon le bon mot de l’un de nos lecteurs. Emmanuel Macron persiste à la voir avec des lunettes roses : circulez, y a rien à voir ! Bah si, justement, on vient d’entendre le cri de désespoir du père d’Elias, après celui de sa mère. Et aujourd’hui s’ouvre le procès de Yassine El Azizi, le chauffard de 31 ans qui a percuté mortellement la gendarme Mélanie Lemée après plusieurs refus d’obtempérer, alors qu’il conduisait sans permis et sous l’empire de la drogue.
Emmanuel Macron n’est pas le seul responsable de tous les maux, 50 ans d’impéritie ont conduit à l’effondrement général, mais il est la cerise sur le gâteau, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, la figurine en plastique du technotable eurolâtre et schengenophile sur l’écœurante pièce montée du désastre.
LA solution
Ce serait pourtant un beau geste, il en ressortirait grandi : accepter l’idée de s’effacer, passer la main, de reconnaître avec humilité qu’il est un point bloquant et que d’autres feraient mieux que lui. Il resterait dans l’Histoire, partirait comme un prince, écrirait un bouquin. Le claquement de porte maintenant, plutôt que la pointe des pieds en 2027. Cet ultime coup d’éclat lui siérait au teint.
Mais Emmanuel Macron a déjà évoqué, il y a quelques mois, l’idée pour l’écarter. Parce qu’il est convaincu, et sa tirade sur le lavage de cerveau – qui n’était pas un dérapage, puisqu’il l’a réitérée – le montre, que les Français sont de petits êtres influençables, malléables, qu’il faut mettre sous curatelle, parce qu’il sait mieux qu’eux faire leur bonheur. Préserver les océans plutôt que leurs enfants. ■ GABRIELLE CLUZEL
Gabrielle Cluzel
Écrivain, journaliste. Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste.
