
Par Pierre de Meuse.

Les considérables bombardements que le premier ministre israélien a ordonnés récemment ne se justifient pas par le danger de voir ce pays se doter de l’arme atomique, dont Israël est abondamment pourvu. Comme l’a récemment signalé la directrice actuelle des services de renseignements nommée par Trump, Tulsi Gabbard, le pays des mollahs est très loin de pouvoir atteindre ce but. En fait, depuis plus de vingt ans, les recherches de ses laboratoires en sont restées au même point. Lors d’une conférence sur la sécurité à Sea Island, en Géorgie, William Burns, directeur de la CIA, avait déclaré qu’il « n’existe aucune preuve pour le moment que l’Iran ait décidé de développer une arme nucléaire. Il ajoutait que les États-Unis et leurs alliés seraient en mesure de détecter rapidement toute initiative en ce sens. S’il n’y a pas de danger, quel est le but de cette guerre ? En fait, il y a bien des motivations possibles mais aucune ne peut être exposée ouvertement. La première, que nous citons pour mémoire, est purement personnelle : tant que la guerre durera, Netanyahou sera à l’abri des poursuites pénales dans son propre pays. Cela dit, il y en a d’autres, à commencer par la nécessité de retrouver l’approbation des opinions publiques occidentales, qui se détournaient de la sympathie avec Israël, en raison des 50.000 civils tués à Gaza, de l’état d’extrême dénuement de sa population causé par les destructions exceptionnelles : 90% des immeubles rasés, anéantissement de tout ravitaillement. Alors Netanyahou propose à la place de ces victimes innocentes un ennemi « vraiment méchant », au regard venimeux, à la barbe noire : c’est l’État théocratique et cruel qui règne à Téhéran depuis 1979. Tant que les avions israéliens pilonneront les centres iraniens, le gouvernement hébreu sera moins vilipendé pour le sort réservé aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie expulsés, affamés, mitraillés, brutalisés. En prime, « Bibi » (c’est le surnom amical que lui donnent ses partisans) annonçait l’effondrement de la dictature islamique. Ce serait alors un succès total.

Oui, mais pour cela il était nécessaire que les USA entrent dans la danse, ce qui fut fait dimanche matin. Le Régime est affaibli, mais il n’est pas sûr qu’il agonise. Certes Donald Trump a désavoué les déclarations de ses services du renseignement, que nous avons vues plus haut, s’exclamant : « Je m’en fiche » semblant ainsi approuver le chancelier allemand Friedrich Merz qui déclarait ignominieusement : « Israël fait le sale boulot pour nous tous. » Par cet aveu, il donnait à entendre qu’Israël frappe, assassine, bombarde, pour défendre l’ordre mondial occidental. Israël a le droit de « se défendre », même si le droit international est bafoué. De plus, s’il est vrai que les dommages causés à l’Iran sont réels – 650 morts et plusieurs sites dévastés -, il n’en est pas moins vrai que la riposte iranienne a été également meurtrière, quoiqu’en disent les médias, et que le régime iranien ne s’est pas effondré pour l’instant. La déclaration du chef de la diplomatie israélienne Gideon Saar selon laquelle « la guerre avait « retardé d’au moins deux ou trois ans la possibilité pour Téhéran de disposer de la bombe atomique » sonne peut-être comme une justification terminale, car on ne gagne pas une guerre sans une occupation et Israël n’est pas en état de la réaliser tout seul. Or Trump estime sans doute cet engrenage coûteux et périlleux. Au demeurant, cette frappe est une bonne nouvelle pour Poutine et la Fédération de Russie car elle le met dans une position d’arbitre et détourne l’occidentalisme de l’Ukraine.

Engels disait que l’Histoire repassait toujours les plats : une fois comme tragédie, la seconde comme farce. De fait, les évènements actuels nous apportent des repères appartenant au passé : la « capitulation sans condition » de l’Iran envisagée par Trump après celle infligée à l’Allemagne hitlérienne, au Japon et à l’Irak ne s’est pas encore faite, Téhéran refusant toute reprise des négociations nucléaires avec les États-Unis tant que les frappes israéliennes contre son territoire se poursuivraient. D’autre part le mouchoir rouge des « armes de destruction massive » qui servit de prétexte à l’invasion de l’Irak paraît aujourd’hui bien délavé, et le soupçon de mensonge planétaire rend son itération actuelle peu crédible, car aucune preuve n’établit que le Guide suprême Ali Khamenei soit revenu sur sa décision de 2003, de suspendre le programme de militarisation. Il serait temps que notre pays renoue avec une véritable politique étrangère et cesse de se laisser conduire par des États méprisant nos intérêts. Bien sûr, le modèle iranien est peu recommandable, mais, vu les résultats des changements de Régime en Irak, en Syrie et en Lybie, il serait pertinent de se souvenir du propos de Carl Schmitt selon lequel un ennemi affaibli est un cadeau du ciel, qu’il faut faire durer le plus longtemps possible. ■ PIERRE DE MEUSE
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Une remarquable analyse, comme Pierre de Meuse a coutume de nous en offrir. Merci !
Oui, analyse pertinente qui mérite d’être connue. Ce sera le cas pour les membres du réseau « Moyen Orient » associé au Partenariat Eurafricain.