
Par Alienor de Pompignan.
Cet article est paru le 24 juin dans Boulevard Voltaire. Ce sont seulement des « choses vues », Bien réelles, bien vraies, plus que des impressions, plus qu’un sentiment. Et elles donnent une image accablante de notre société, de ses institutions, de sa population, de son régime politique, au dessus de tout, gérant l’incurie, la chute. On mesure là qu’il faudra bien plus que des mesurettes budgétaires, ou autres, bien plus qu’une « alternance » pour opérer un réel redressement national. Seul un changement de régime – national et autoritaire assuré de la durée et de sa liberté d’action – pourrait le tenter. Entre-temps, on gère le déclin et on tente de communiquer. Rien de plus. JSF

Ils comparaissent, protestent, s’indignent. La Justice, elle, semble tourner en rond…
Les prévenus se sont succédé tout au long de l’après-midi, ce lundi 23 juin, devant la 23e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Comparaissant seuls ou à plusieurs, ils attendaient que se termine l’audience dont la conclusion devait déterminer leur sort : innocence ou culpabilité, liberté ou emprisonnement.
Moins de 48 heures après les scènes d’une grande violence qui ont émaillé la fête de la Musique – 89 interpellations et 81 gardes à vue rien qu’à Paris –, on s’attendait, ce lundi, à voir défiler en comparutions immédiates quelques responsables du fiasco dont les images les plus choquantes ont largement circulé sur les réseaux sociaux. À la place, Mohamed, Adama ainsi que Rida, Djidou, Bilal et Mehdi étaient jugés pour des faits de violence sans lien avec les festivités du samedi soir. Comme un rappel du Paris quotidien, celui qui, chaque semaine, voit se croiser inlassablement sur les bancs de son tribunal les victimes face aux mêmes agresseurs.
Gare du Nord, petit havre de paix
Le dossier le plus lourd réunissait trois hommes jugés pour avoir arraché une chaîne en or dans le métro Gare du Nord. Mohamed B., trente ans, Malien, débarqué en France deux semaines plus tôt et de façon provisoire, puisqu’il vit habituellement en Italie, affirme qu’il passait là par hasard. Les caméras, elles, le montrent le poing levé sur la victime, un homme d’une soixantaine d’années. Il parle fort, coupe la parole, semble hermétique aux questions du président. Il écope de huit mois ferme.
À ses côtés, Adama D., Ivoirien en situation irrégulière, récidiviste notoire, s’amuse ostensiblement à l’audience. Il rit, s’accoude, souffle ses réponses à ses camarades. Quatorze condamnations, dont plusieurs pour violences. Il dit avoir agi sous la menace d’un « chef » absent à l’audience. Dix-huit mois ferme, interdiction d’armes et du territoire français pendant dix ans. Le président, face à son incompréhension sur cette dernière peine, tranche net : « À un moment, il faut faire un choix. »
Le troisième, Adama S., vingt ans, plaide la dernière chance. Le tribunal n’y croit pas. Dix mois ferme. Leur attitude n’a pas aidé à leur accorder le sursis, tous risquaient pourtant dix ans.
Récidives, encore et toujours !
Puis vient Jean-Paul D., un Angolais, père de six enfants, gardien d’immeuble. Avec ses huit condamnations au compteur pour conduites addictives, sans permis, rébellion, il est encore un usager quotidien du cannabis. Il filme une bagarre, refuse de s’arrêter, se fait frapper – selon son récit -, sort un couteau « de travail » et blesse à trois reprises une victime. Le juge prononcera vingt-quatre mois, dont quatorze avec sursis, soins obligatoires, interdiction de porter une arme.
Rida M., 30 ans, amuserait presque la salle, avec ses mimiques, ses ongles peints, ses cheveux rouges. Il est travailleur du sexe, toxicomane, schizophrène. En avril, il s’en est pris à une jeune fille d’origine asiatique : insultes racistes — « sale Asiatique », « Chinoise de merde » —, crachat au visage, coups. Déjà condamné pour des violences du même ordre, il écoute le délibéré en levant les yeux au ciel, en pouffant et montrant du doigt la victime. Dix mois ferme, maintien en détention, 2.200 euros de dommages à la victime.
Fin de journée sans surprise
Un trio algéro-tunisien comparaît pour avoir détroussé des touristes chinois dans le métro. Dix-sept condamnations pour Bilal L., qui se plaint de ne pouvoir s’insérer « puisqu’il est toujours en prison ». Rires discrets, dans l’assemblée. Quinze mois ferme et interdiction de territoire pendant cinq ans du côté du tribunal. Ses complices prennent dix mois ferme et huit avec sursis. Tous doivent verser 250 euros à chaque victime.
Dernier nom appelé : Djidou K., auxiliaire ambulancier français, il est accusé d’avoir mordu un pompier et frappé un policier pendant que ces derniers l’empêchaient de sauter du premier étage. Le dossier est renvoyé pour expertise psychiatrique. D’ici là, obligation de soins et pointage régulier.
Un détail ne passe pas inaperçu. Tous ceux qui comparaissent (sauf deux) sont étrangers. Ils haussent les épaules, pouffent, s’indignent. Comme si rien ne les concernait, comme si cela n’était pas leur faute. Le président l’a dit à sa manière, et son conseil pourrait s’appliquer aux Français : à un moment, il faut choisir. ■ ALIÉNOR DE POMPIGNAN