
En vertu du en même temps, on fera le contraire de ce qu’impliquent les grands principes affichés
« La gauche radicale et l’extrême centre ont la passion commune de la censure.«
Par Mathieu Bock-Côté.

Cette chronique est parue dans Le Figaro du 12 juillet. Faut-il la commenter ? En attribuant la source et l’origine des dérives liberticides du Régime au « souvenir ardent de la Terreur » Mathieu Bock-Côté va au fond des choses et il a raison. JSF

CHRONIQUE – La ministre a annoncé la mise en place d’une coalition d’associations, soutenues financièrement par l’État, afin de signaler à l’Arcom les propos « haineux » et faciliter leur retrait des plateformes numériques. Mais est-ce à elles de juger ce qui relève ou non de la liberté d’expression ?
Apparemment, l’État n’a plus d’argent dans ses coffres. Mais nous avons appris cette semaine qu’Aurore Bergé, la ministre en charge de la Lutte contre les discriminations, a fouillé dans ses tiroirs et trouvé les euros nécessaires pour financer des associations déjà subventionnées qui auront pour mission de signaler à l’Arcom les propos jugés antisémites, racistes, antimusulmans, homophobes et misogynes, pour faciliter leur retrait des plateformes numériques. Ces associations ont manifestement été triées sur le volet. On y trouve le Crif, la Fédération des centres LGBTI+, Flag !, la Licra, M’endors pas, le Mouvement du nid, Osez le féminisme !, le Planning familial, Respect Zone, SOS Homophobie, SOS Racisme et Addam.
Parmi celles-là, l’une d’entre elles a poursuivi Georges Bensoussan pour avoir soutenu que l’antisémitisme se transmettait d’une génération à l’autre dans le monde arabe. Une autre considère qu’un homme peut être enceint et qu’il est haineux de penser le contraire. Une association sœur juge qu’un gynécologue qui refuse d’examiner les parties génitales d’un homme biologique qui se présente comme une femme trans fait preuve de transphobie. Elle considérait, plus exactement, qu’un gynécologue distinguant les vraies femmes des femmes trans tient des propos transphobes. Une autre traîne actuellement en justice ceux qui osent faire un lien entre l’immigration et l’insécurité.
Je donne ces éléments à titre d’exemples pour illustrer la définition de la haine qui animera cette prochaine croisade. On peut la définir à peu près ainsi : un propos haineux est un propos résolument critique des transformations sociétales du monde occidental sous le signe de l’idéologie diversitaire. La haine, ici, n’est pas considérée comme le contraire de l’amour, mais comme le contraire du progressisme. Le refus de l’immigration massive, du multiculturalisme, le constat de la très difficile intégration de l’islam en Occident ou de la surreprésentation de certains groupes dans la délinquance et le grand rire devant les théories expliquant qu’on peut être d’un autre « genre » que son sexe biologique seront inévitablement ramenés à la haine.
Héros ordinaire du régime diversitaire
Ces patrouilleurs numériques à la recherche du moindre « dérapage », du moins propos à signaler, seront donc rémunérés en tant que délateurs officiels du régime diversitaire. Ils scruteront les échanges des uns et des autres à la recherche de pensées ou d’arrière-pensées coupables, et nul doute qu’ils auront l’imagination pour les trouver, car leur rémunération dépendra fondamentalement de leur zèle. Le délateur devient le héros ordinaire du régime diversitaire, car il ne laisse rien passer, et en est fier. La stasification de la vie publique va bon train – et pas seulement de la vie publique, mais de l’existence tout court, quand on se rappelle que le pouvoir entend désormais réguler les conversations privées, encore une fois pour y traquer la haine.
« La gauche radicale, habitée par le souvenir ardent de la Terreur, n’aime rien tant qu’éradiquer frontalement ses adversaires »
L’assimilation du conservatisme à la haine participe à l’extrême-droitisation rhétorique des opposants au régime diversitaire, qui ne s’interdit plus grand manœuvre pour en finir avec ses opposants. La gauche radicale et l’extrême centre ont la passion commune de la censure. Chaque courant la pratique toutefois à sa manière.
Effet de mimétisme
La gauche radicale, habitée par le souvenir ardent de la Terreur, n’aime rien tant qu’éradiquer frontalement ses adversaires, et pratique non seulement la censure, mais rêve aussi d’en finir avec eux, dans un grand affrontement final, d’où la violence ne sera pas nécessairement exclue. L’extrême centre, de son côté, entend lutter contre la haine au nom du pluralisme, c’est sa coquetterie jésuitique, mais brandit aussi l’étendard de la santé mentale, car la haine fragiliserait l’équilibre psychologique des plus faibles. Elle prétend aussi souvent vouloir protéger les enfants, cause noble s’il en est une, mais instrumentalisée pour commencer la construction d’un dispositif de censure qui ne s’arrêtera pas là.
On voit même, par effet de mimétisme, une partie de la droite classique plaider à son tour pour la censure, en voulant créer un délit d’antirépublicanisme – c’était le cœur d’une proposition de loi présentée par Vincent Jeanbrun et signée par de nombreux parlementaires il y a à peine un mois. A-t-on conscience de la portée d’une telle proposition qui parachèvera la judiciarisation de la vie publique ?
Devant cette rage liberticide, la défense de la liberté d’expression, la vraie, celle qui n’est pas « régulée » au nom de la lutte contre la haine, la désinformation ou la République, passe désormais pour une cause propre à l’extrême droite, qui se cacherait derrière elle pour cracher son venin ou pour servir ses maîtres étrangers. La vraie liberté d’expression, nous dit l’extrême centre, car il faut y revenir, est la liberté d’expression qui ne permet pas de tout dire. Qui n’a pas l’impression, devant cela, d’être plongé dans un univers orwellien ? ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
Mathieu Bock Côté fait un tres bon article .
L’expression de « patrouilleurs numerqies » est plaisante , l’on pourrait même parler de miliciens pour surveiller les réseaux sociaux, dénoncer et s’il le faut faire condamner .