
Murcie sans façons.
Par Jonathan Siksou.

COMMENTAIRE – Cet article intéressant jusqu’en ses détails et précisions, est paru dans Causeur ce 17 juillet. Longtemps européiste plus qu’ailleurs et européanisée en dépit de sa « différence » régulièrement affirmée jadis, l’Espagne emboîte le pas depuis un certain temps déjà, aux populismes montants que connaissent désormais tous les peuples européens. Le rejet de l’immigration de masse, incontrôlée et non consentie, est devenu général. Et l’Espagne où l’on a le sang chaud, n’y échappe plus. JSF
La petite ville de Torre Pacheco, à côté de Murcie dans le sud de l’Espagne, a été secouée par de violentes manifestations anti-migrants le week-end dernier. À l’origine de ces émeutes, l’agression d’un sexagénaire…

L’agression d’un retraité de 68 ans, habitant Torre Pacheco, a mis le feu aux poudres. Elle a eu lieu mercredi 9 juillet, en pleine rue.
L’homme a été violemment tabassé mais aucun effet personnel ne lui a été volé. Ce n’est pas le caractère gratuit de l’agression qui a suscité une vague de contestation mais l’identité des trois agresseurs : il s’agirait, selon la victime, de Maghrébins.
Torre Pacheco est une petite ville d’à peine 40 000 habitants, et parmi eux 30% à 40% sont issus de l’immigration, principalement en provenance du Maroc.
Nous sommes ici près de Murcie, dans le sud de l’Espagne, une région connue pour son activité agricole intense (on a tous en tête ces serres immenses qui s’étalent à perte de vue où l’on cultive tout au long de l’année des fraises et des tomates), et cette activité nécessite de la main d’œuvre, de préférence bon marché, que l’on trouve en face, de l’autre côté de la Méditerranée : au Maghreb. C’est ainsi que les Espagnols ont en quelque sorte inventé le concept de « saisonnier à l’année ». Chez eux comme chez nous on trouve donc une population immigrée venue faire le « sale boulot » que les locaux ne veulent pas faire.
Le problème : une question de nombre
La majorité de cette population étrangère, parfois présente depuis des décennies, ne pose aucun problème mais ne s’intègre pas. Elle vit recluse sur elle-même, se lève le matin pour aller travailler et une fois la journée finie, se replie dans ses quartiers périphériques où s’est instaurée une loi communautaire – on en sait quelque chose en France.
Mais quand cette population représente près de la moitié de la ville, peut-on encore parler d’une communauté, d’une minorité ? N’est-elle pas alors « légitime » à imposer ses codes et ses règles ? C’est la loi du nombre.
D’autant qu’à cette population s’agrègent depuis des mois des migrants de fraîche date, puisque les archipels des Baléares et des Canaries sont devenus l’une des portes d’entrée de l’Europe pour tous ceux, Maghrébins ou Sub-sahariens, qui quittent les côtes d’Afrique du Nord.
2024 a été marquée par des vagues d’afflux record, et cela continue cette année ; au mois de janvier, en deux jours seulement, plus de 600 personnes ont débarqué aux Canaries. De quoi saturer sur le champ les structures d’accueil qui n’ont pas eu d’autre choix que de laisser partir ces gens dans la nature.
Et quand on n’a rien, on se débrouille : c’est ainsi que peut se faire un lien entre délinquance et immigration.
Face à cette situation, les habitants réagissent de moins en moins bien. Les tensions sont désormais fréquentes et c’est pourquoi l’agression de ce retraité a mis le feu aux poudres, jusqu’à susciter des scènes d’une rare violence que l’on voit sur nos écrans ces derniers jours.
Une première manifestation a eu lieu vendredi 11 juillet dans les rues de Torre Pacheco. Un rassemblement à l’initiative de la mairie qui se voulait pacifique mais qui a vite dégénéré lorsque des individus ont infiltré le cortège et ont lancé des appels à ce qu’il faut bien nommer une chasse à l’homme. Des appels à traquer les immigrés maghrébins dans la ville, à incendier leurs commerces ont aussi été relayés sur les réseaux sociaux.
La police a dû intervenir pour stopper le mouvement mais au prix de violents affrontements qui ont duré une partie du week-end. Jusqu’à ce que des unités spéciales de la Guardia Civil aient été déployées pour ramener un semblant de calme.
Près de 80 personnes ont été identifiées, la plupart ont des « antécédents pour des faits de violence » et ne résident pas à Torre Pacheco. Moins de dix personnes ont été interpellées : un Marocain et six Espagnols. Ils sont poursuivis pour les chefs de « troubles à l’ordre public », « haine » et « blessures volontaires ».
D’autres arrestations ont eu lieu dans le cadre de l’enquête sur l’agression : il s’agit de « deux immigrés » dont l’origine n’a pas été précisée. On sait uniquement qu’ils ne résident pas à Torre Pacheco et qu’ils sont soupçonnés d’avoir « collaboré et couvert l’auteur » des coups. Un troisième suspect a été appréhendé au Pays basque alors qu’il cherchait à gagner la France. Il pourrait donc s’agir de l’agresseur principal. Mais, cette annonce n’a pas fait retomber la tension sur place.
Très vite, voire immédiatement, l’affaire a pris un tournant politique. Dès samedi, le parti Vox a organisé un rassemblement dans la ville sous le slogan : « Défends-toi de l’insécurité ». Son président régional a déclaré à cette occasion : « Nous ne voulons pas de gens comme ça dans nos rues ni dans notre pays. Nous allons tous les expulser : il n’en restera pas un. » Ces déclarations ont évidemment déclenché de vives critiques dans les rangs de la gauche. Un porte-parole du parti Podemos a dénoncé « la chasse raciste qui se déroule à Torre-Pacheco », accusant « des groupes néonazis et Vox » d’instrumentaliser l’agression du retraité pour « encourager la violence contre la population étrangère ». Quant à la ministre socialiste de la Jeunesse, elle a dénoncé « l’ultra-droite et la droite [qui] désignent des cibles, et leurs nervis [qui] passent à l’acte ».
Souvenir anglais
Ces manifestations espagnoles ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé l’été dernier en Angleterre. Fin juillet 2024, un homme de 18 ans d’origine rwandaise avait sauvagement poignardé à mort trois fillettes de six ans et blessé huit autres alors qu’elles prenaient leur cours de danse à Southport, dans le nord-ouest du pays. L’abjection de cette attaque avait suscité une vague d’émotion qui s’était rapidement muée en vive contestation de la politique migratoire britannique. Le mouvement avait ensuite pris la forme de manifestations violentes contre les immigrés. Un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile avait notamment été pris pour cible. Les manifs avaient duré plusieurs jours et des dizaines d’hommes avaient été arrêtés manu militari, traduits devant la justice et condamnés à de la prison ferme de façon tout aussi expresse. Le Premier ministre Keir Starmer avait alors promis que « les auteurs de ces violences regretteraient d’avoir participé à ces désordres ». Cette diligence et ce ton martial n’ont jamais été appliqués contre les auteurs des viols collectifs sur mineures (blanches) de Rotherham –1400 victimes. Les membres du réseau pédo-criminel d’origine pakistanaise qui ont sévi des années 1980 à 2010 sont toujours dans la nature quelque part au Royaume-Uni. Si l’on se doit de condamner la violence, toutes les violences, et même s’y opposer avec fermeté, on se doit aussi de s’interroger sur le désœuvrement de ces peuples européens qui appellent à l’aide face à des flux migratoires incontrôlables aux conséquences parfois tragiques, et qui ne sont pas entendus par leurs dirigeants. Que peuvent-ils faire quand la voix des urnes ne suffit plus ? La question reste ouverte. ■ JONATHAN SIKSOU


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