
Par Yves-Marie Sévillia.
É. Zemmour plaide pour la suspension des accords de Genève, le RN veut « reprendre les règles les unes après les autres ».
Cet article intéressant est paru le 15 juillet dans Boulevard Voltaire. Emmanuel Todd s’est demandé si nous sommes gouvernés par des gens sérieux qui travaillent, étudient, connaissent les dossiers, ou par des gens dérangés. Les uns, les bellicistes à la manœuvre, tablent sur l’invasion de toute l’Europe par la Russie, faisant prendre à la France le risque du feu nucléaire, pour sauver les Baltes ou autres Ukrainiens et surtout pour sauver l’UE, comme projet fédéral et structure technocratique. Les autres prônent l’accueil de centaines de milliers de réfugiés éligibles au droit d’asile. Dans l’un et l’autre cas, la réponse à la question d’Emmanuel Todd est claire : eh bien, oui ! ces gens sont dérangés.

Dans une décision du 11 juillet, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a octroyé le statut de réfugié, en France, aux Palestiniens au motif des « actes de persécutions » dont ils sont victimes, selon la convention de Genève du 28 Juillet 1951.
L’instance était saisie par une mère de famille ayant fui la bande de Gaza après le début de la guerre. La décision de la CNDA vient casser la position de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui, certes, avait reconnu « une situation de conflit d’intensité exceptionnelle » à Gaza, mais n’avait pas estimé que cette femme faisait état de craintes de persécutions.
Plus de 660.000 bénéficiaires du droit d’asile
Une décision lourde de conséquences, puisqu’elle ouvre grand les portes de la France aux réfugiés palestiniens. Éric Zemmour s’est insurgé contre la CNDA qui « ignore la souveraineté populaire ». Dans une tribune publiée par Le Figaro, le président de Reconquête a dénoncé une convention de Genève « surannée » dont il demande la suspension de l’« application ». Il souhaite aussi la suppression des « instances juridictionnelles qui mettent en danger la vie de nos concitoyens et la pérennité de notre peuple ». En effet, il y a de quoi avoir le vertige.

« Le candidat au droit d’asile en France ne peut être sanctionné pour son entrée irrégulière et bénéficie de droits identiques à ceux des nationaux », précisait Xavier Driencourt, ancien ambassadeur en Algérie et ex-juge de la CNDA. Or, selon le rapport annuel de l’OFPRA, 663.241 personnes bénéficient du droit d’asile, en France, un chiffre multiplié par trois en dix ans, puisqu’on en comptait un peu moins de 200.000, en 2014. En 2004, 65.600 demandes d’asile étaient enregistrées. Vingt ans plus tard, ce chiffre a doublé : on dénombrait, en 2024, 153.715 demandes d’asile. Pour la septième année consécutive, l’Afghanistan est le premier pays d’origine des demandeurs. La décision de la CNDA d’accorder le droit d’asile à « l’ensemble des femmes afghanes » en 2024 à la même époque de l’année participe de ce phénomène. Ce qui fait dire à Éric Zemmour : « La Cour nationale du droit d’asile a pris l’habitude d’attendre l’été pour fomenter ses mauvais coups. »
Reprendre le contrôle de notre politique migratoire

À l’UDR, Éric Ciotti a qualifié cette décision de « boîte de Pandore ». Au Rassemblement national, on tire l’alarme. Marine Le Pen dénonce une « folie pure ». « Quand vont-ils arrêter de fragiliser notre pays avec des décisions idéologiques et dangereuses pour l’équilibre de notre société ? », s’interroge, sur X, la députée du Pas-de-Calais.
Contactée par BV, l’eurodéputée RN Pascale Pierrat constate « un champ d’application » du droit d’asile « de plus en plus large », car « certaines institutions obéissent à une idéologie immigrationniste ». Cette ancienne magistrate, spécialiste du droit des étrangers, plaide pour un travail « crédible et sérieux » au RN. Avec une politique « réaliste ». « C’est tout un système qui est à reconstruire pour reprendre le contrôle de l’immigration. » Il ne s’agit pas pour autant de supprimer le droit d’asile en France. En revanche, il convient de « reprendre les règles les unes après les autres » pour revenir à une situation raisonnable. L’élue souhaite « inverser les flux migratoires » et désigne un principal responsable : l’Union européenne. Pour redevenir maître de notre politique migratoire, l’urgence est de « réaffirmer la primauté du droit national sur le droit européen ». Le Rassemblement national compte sur un référendum pour arriver à cette fin. ■ YVES-MARIE SÉVILLIA
Et pourquoi pas un droit d’asile universel et inconditionnel en France tant que l’on y est !