
Nous reprenons les informations parues aujourd’hui dans la presse, notamment dans Le Figaro, où l’on est factuels, nuancés et raisonnablement sceptiques. La supposée « fermeté » qu’entend adopter le Chef de l’État envers l’Algérie, après des années d’atermoiements et de faiblesse, n’est-elle pas surtout à base politicienne — autrement dit, une manœuvre de politique intérieure ? Faut-il seulement poser la question ? JSF

Par Tristan Quinault-Maupoil.
Dans une lettre à François Bayrou, le chef de l’État constate les « difficultés croissantes » avec Alger et charge le gouvernement de « prendre des décisions supplémentaires ».
Longtemps précautionneux avec l’Algérie, Emmanuel Macron change de ton. Dans une lettre qu’il a transmise mercredi au premier ministre, il charge le gouvernement de « prendre des décisions supplémentaires » pour « agir avec plus de fermeté et de détermination ». « Les autorités algériennes ont fait le choix délibéré de ne pas répondre à nos appels répétés au cours des derniers mois à travailler ensemble dans l’intérêt de nos deux nations. Il aurait pu en être autrement. Désormais, nous n’avons pas d’autre choix que d’adopter une approche de plus grande fermeté », se justifie le président de la République auprès du Figaro.
Un tournant depuis la dégradation de la relation bilatérale, accélérée par la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine au Sahara occidental. Jusqu’alors, et malgré les demandes répétées du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, le chef de l’État tentait de garder le dialogue ouvert avec son homologue Abdelmadjid Tebboune, dont le dernier échange direct remonte au 31 mars. Notamment dans l’espoir de trouver une issue diplomatique à la détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, retenu depuis neuf mois, et du journaliste français Christophe Gleizes, emprisonné depuis mai 2024. La France considère que ses récents espoirs de clémence ont été dissipés.
Dans le même temps, dans la missive que nous nous sommes procurée, le président de la République fait le constat de « difficultés croissantes » avec l’Algérie « en matière migratoire et sécuritaire ». « Il a toujours essayé de jouer le jeu, de laisser toute sa place au dialogue, mais si en face il n’y a pas de répondant, il est prêt à un durcissement », témoigne une source élyséenne.
Dans le détail, Emmanuel Macron demande à son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de notifier aux autorités algériennes la « suspension officielle de l’accord de 2013 » concernant les exemptions de visa sur les passeports officiels et diplomatiques. Une confirmation formelle alors que jusqu’à présent, les deux pays s’accusaient mutuellement de l’avoir mis sur pause, depuis un renvoi réciproque de diplomates en mai dernier.
Le président de la République enjoint également à Bruno Retailleau de s’assurer que les pays européens adoptent la même ligne de fermeté. Une gageure, alors que plusieurs voisins de l’Hexagone profitent de la brouille franco-algérienne pour parfaire leurs liens avec Alger. La première ministre italienne, Giorgia Meloni, a reçu chaleureusement le président Abdelmadjid Tebboune le 24 juillet dernier. Avec à la clé plusieurs accords stratégiques. L’Élysée veut donc s’assurer qu’il « n’y aura aucun contournement ou détournement » de ses décisions, prévient une source diplomatique.
Agir « sans repos et sans répit »

Au niveau national, Emmanuel Macron dit vouloir s’appuyer sur la dernière loi immigration pour « refuser les visas de court séjour aux détenteurs de passeports de service et diplomatiques ». Il s’agit d’aller plus loin que la mesure déjà prise par le ministre de l’Intérieur en mars, à savoir la suspension des accords de 2007 qui permettaient aux détenteurs algériens de passeports diplomatiques de se rendre en France sans visa.
À l’égard de son ministre de l’Intérieur, le chef de l’État souffle le chaud et le froid. S’il suit effectivement le durcissement prôné de longue date par le locataire de Beauvau, il refuse d’aller au bout de ses préconisations. Dans le courrier élyséen, le sujet des accords de 1968 n’est pas abordé. « La France doit être forte et se faire respecter. Elle ne peut l’obtenir de ses partenaires que si elle-même leur témoigne le respect qu’elle exige d’eux. Cette règle de base vaut pour l’Algérie aussi », écrit Emmanuel Macron. Une invitation à dépassionner le dossier, alors que les échéances électorales politisent de plus en plus les liens bilatéraux.
Pour autant, il juge que l’État doit veiller à mieux se prémunir des « ressortissants algériens les plus dangereux, sortis de prison ou placés en centre de rétention administrative et qui ne peuvent plus être expulsés ». Après l’attentat de Mulhouse, perpétré par l’un d’eux, il faut désormais agir « sans repos et sans répit », s’impatiente Emmanuel Macron. Et ce, alors que Bruno Retailleau met régulièrement en garde contre cette menace. « J’attends du ministre de l’Intérieur qu’il mette immédiatement en œuvre ces mesures et trouve les moyens d’expulser de notre territoire les individus algériens en situation irrégulière », nous fait part le chef de l’État.
« Un appel à la responsabilité »
Malgré cette nouvelle détérioration du dialogue entre Paris et Alger, le président de la République promet que son « objectif reste de retrouver des relations efficaces et ambitieuses avec l’Algérie ». À notre journal, il explique « avoir toujours agi avec une seule boussole : l’efficacité au service de la sécurité des Français », avec pour horizon le retour « de relations fraternelles avec l’Algérie pour reprendre le chemin d’une coopération exigeante, productive et ambitieuse dans tous les domaines de coopération et au bénéfice de nos peuples ».
Cependant, il dresse déjà la liste des contentieux à régler. Questions mémorielles, dette hospitalière et ingérences, sans éluder la question des restitutions des sites d’essais nucléaires français en Algérie. Alors que Paris peut s’attendre à ce que ce tournant provoque la colère de l’exécutif algérien, l’Élysée se désole que son ambassade à Alger ne puisse pas fonctionner normalement. « Les mesures d’entrave que les autorités algériennes ont prises à son égard ont pour effet automatique, d’ores et déjà, une baisse de 30 % de la délivrance des visas », remarque le président de la République. Pour bien marquer la distinction entre le tour de vis qui doit viser les officiels, mais pas les Algériens dans leur ensemble. Une « large partie » des Français « entretient (…) un lien » avec ce pays du Maghreb, « qui ne saurait être fragilisé par ces différends », souligne-t-il, fidèle à la ligne qu’il a tenté de suivre depuis son élection. Sans succès à ce stade. Ce dernier rebondissement est « un appel à la responsabilité lancé à ceux qui ont la capacité de décider de la reprise de nos relations », espère-t-on au Palais de l’Élysée. ■