
Leçon de politesse
Trouvé et savouré le 7/8/2025 sur E&R, par Félix Niesche :
Extrait.

« Adressez la parole à n’importe qui avec civilité, voire même avec une politesse exquise, si vous n’avez pas dit « bonjour » vous serez grossièrement rappelé à l’ordre.
– Excusez moi, Mademoiselle, où se trouve le rayon des…
– BONJOUR !
Mon dieu, je n’avais pas dit « bonjour » ! Il faut dire « bonjour », grossier personnage !
Quand vous n’êtes pas interrompu par cet impertinent rappel aux usages, on vous répond parfois d’un sirupeux : « D’abord bonjour, etc… », sous-entendu « d’abord on dit bonjour, goujat ».
« Pourriez-vous, s’il vous plaît, Madame, m’indiquer où se trouvent les lieux d’aisance ? » est impoli.
« Bonjour c’est où les chiottes ? » est poli.
« Bonjour, vos analyses sont sans appel vous avez une tumeur Plukon au stade métastatique, il vous reste tout au plus six mois, un an avec du bol » est médicalement correct.
« Asseyez-vous cher Monsieur, alors comment vous sentez vous aujourd’hui, voyons un peu ces analyses » est inconvenant.
Ainsi « bonjour » a cela de bon qu’il dispense d’être bien élevé et permet aux grossiers personnages de donner libre cours à leurs aptitudes.
De la politesse foulée aux pieds ne reste plus que son fétiche : ce « bonjour » démocratique et obligatoire qui annule et remplace toute politesse vraie.
Ainsi donc, des antiques formes de politesse ne reste que ce mot de sept lettres ; mot de passe à usage unique nécessaire pour entrer en conversation avec son prochain.
On ne dit plus d’ailleurs bonjour Monsieur, bonjour Madame, bonjour non-binaire, bonjour bigenre, on dit bonjour tout court, et cette forme elliptique pourra bientôt être remplacée par un signe, comme le salut militaire, ou le bras tendu, ou le doigt d’honneur, etc…
Naguère, nous n’étions pas tenus de dire bonjour à tous les employés d’une administration ou d’un grand magasin quand on y entrait, l’essentiel était d’être poli envers chacun.
« Veuillez m’excuser » est suffisamment courtois, mais le loquedu derrière son guichet ou sa caisse enregistreuse, ne l’entend pas de cette oreille : on lui a pas dit bonjour, c’est comme si on lui avait craché à la gueule. Un air bienveillant, ouvert, voire souriant, ne sert de rien. Aujourd’hui ne compte plus ce qui se voit, ce qui hurle d’évidence, mais ce qui se doit dire ou faire, ce qu’il est correct de dire et de penser…. » ■
poète et écrivain polémiste.

Merci à Marc Vergier pour sa transmission.