
Par Renaud CAMUS
Ce texte superbe, comme toujours, par sa langue, sa vigueur, son érudition, apporte sur l’actuelle déchéance ou déshérence de l’Europe un éclairage glaçant – selon l’expression, elle aussi à la mode – qui ne laisse à espérer que ce grand basculement de l’histoire qu’on croit parfois entrevoir, peut-être en train de commencer à s’opérer.
La petite bourgeoisie est la première classe dominante qui, contrairement à toutes les classes dominantes avant elle, inclut de force au lieu d’exclure. La noblesse, la bourgeoisie ne voulaient surtout pas que les individus extérieurs à elles devinssent nobles ou bourgeois : la petite bourgeoisie, beaucoup plus habile, exige au contraire que tout le monde soit petit bourgeois, et elle y réussit parfaitement.
Devenue dictatoriale en Europe grâce à l’américanisation des mœurs (civilisation des prénoms, T-shirt, open space, pop music, abolition des formes et de toutes les protections autour de l’individu) et grâce à l’échec de la rivale dictature du prolétariat, il est normal qu’elle désire que le monde entier soit européen en Europe.
Pareil au Même est sa devise (et le Même c’est elle). Mais si les races sont les classes sociales de l’humanité, elles sont, par chance, beaucoup plus résistante à l’assimilation, principe moteur du remplacisme global, cet univers du simili, du fac simile, du toc, du faux, de la copie, de la contrefaçon, du monde bidon, du bidonville global, Bidon-Monde. D’ailleurs, à quoi s’assimileraient-elles ? La petite bourgeoisie, dans son haineux ressentiment de classe, a détruit tout ce qui rendait l’Europe prestigieuse et désirable. ■ RENAUD CAMUS