
Par Pierre Builly.
La terre des Pharaons d’Howard Hawks (1955).

Admirable suicide collectif.
Introduction : En Égypte, vers -2600 avant Jésus Christ, aux temps de la IVe dynastie, le pharaon Khéops, à assurer sa descendance et à faire édifier son tombeau. Il sollicite l’architecte Vashtar pour construire la sépulture la plus majestueuse jamais réalisée. Pharaon rencontre aussi la belle princesse Nellifer qui devient sa femme. Mais elle nourrit de sombres desseins à l’égard de son riche mari…

J’ai découvert le film à sa sortie en 1955 – et l’ensevelissement volontaire au fond de la Grande pyramide m’avait déjà durablement terrifié
Je l’ai revu sans doute il y a trente ou quarante ans à la télévision, avant que la magie du DVD me le propose à nouveau. Eh bien, c’est encore mieux que dans mon souvenir : c’est rythmé, coloré, bien raconté et bien filmé, ça n’est pas trop long (comme le sont souvent ces grosses machines hollywoodiennes) et c’est extrêmement bien interprété si, du moins, et naturellement, on accepte les conventions inhérentes aux péplums, dialogues imagés et un peu trop nobles, acteurs un peu emphatiques et hiératisés.

Et puis c’est terriblement cruel, ce que n’était pas toujours le cinéma américain de l’époque : on s’y tue avec abondance avec l’épée ou grâce à des moyens plus originaux et démoniaques : ainsi Nellifer-la-méchante (Joan Collins) se débarrasse-t-elle de sa rivale, la première épouse de Pharaon en faisant apprendre au petit prince Xénon un air de flûte qui attire un redoutable cobra ; n’écoutant que la voix du sang, la première épouse, avisant le serpent qui s’insinue vers le bambin mélomane, se jette sur lui pour protéger son fils et se trouve, naturellement, rayée de notre vallée de larmes (je ne sais pas si vous m’avez suivi, mais c’est ingénieux et original).

Et puis Pharaon (Jack Hawkins) n’est pas un bon géant courageux et un peu pataud, qui a les sens tourneboulés par Nellifer-la-sensuelle : c’est une sorte de brute obsédée par l’or et les pierreries, ne songeant qu’à sa propre gloire et souhaitant amasser le plus grand nombre de richesses pour pouvoir mener, aux enfers, une vie de magnificence (et de fornication, n’en doutons pas !).

Les rapports humains sont sauvages et violents et tout se termine par plein de morts atroces, alors que quitte l’Égypte, où Pharaon l’avait déporté, le peuple élu dont était issu Vashtar (James Robertson Justice), génial architecte de la pyramide et de son labyrinthe.
Est-ce le peuple juif ? Ce n’est pas certain… D’abord parce que les Écritures ne font nullement mention d’un premier (en termes chronologiques) départ des Juifs d’Égypte, avant l’Exode conduit par Moïse (revoir Les dix commandements), ensuite parce que la désinence »Sthar » n’est pas spécifiquement hébraïque (me glisse quelqu’un qui s’y connaît un peu mieux que moi en philologie). Mais il est peu contestable qu’il y ait là un clin d’œil de Howard Hawks.
Bon. Enfin c’est très bien. Du grand spectacle de l’Hollywood que l’on a aimé jadis… ■

DVD autour de 16€

Chroniques hebdomadaires en principe publiées le dimanche.