
Par Guillaume Poingt.
Ce sont désormais des scènes, des drames, de la vie ordinaire. On se lasse à les reprendre, le scenario étant stéréotypique. En voici un, toutefois, un peu particulier, par sa localisation en plein centre de Marseille et par son déroulement dont témoigne ici l’ex-femme du tueur. Enfin, c’est le dernier en date. D’autres suivront. (Le Figaro, ce 3 septembre). JSF
EXCLUSIF – Sophie, 51 ans, s’est mariée avec Abdelkader D. en octobre 2020 en Charente-Maritime. Elle décrit un homme accro à la drogue, imprévisible et paranoïaque.

Le profil d’Abdelkader D., le Tunisien de 35 ans qui a blessé cinq personnes lors d’une attaque au couteau à Marseille avant d’être abattu par les forces de l’ordre, se précise. Le Figaro a pu échanger en exclusivité avec son ancienne femme, Sophie, 51 ans. Elle a fait la connaissance d’Abdelkader D. en octobre 2019 à La Rochelle, à une période où le Tunisien vivait chez une autre femme.
«Au départ, j’ai rencontré quelqu’un de gentil et d’agréable», nous confie Sophie. Selon sa version, l’homme, originaire d’un petit village tunisien situé non loin de la frontière algérienne, est arrivé clandestinement en France en 2018 depuis l’Italie en passant par les Alpes. Toujours selon ses dires, il serait passé par plusieurs centres de rétention administrative (CRA) en 2020 avant d’être libéré pendant la période du Covid et de revenir à La Rochelle.
Accro à la drogue
Le Tunisien entame alors une formation pour devenir plâtrier et plaquiste, puis obtient un travail. Quelques mois plus tard, en octobre 2020, Abdelkader D. et Sophie se marient, à Lagord, une petite commune de Charente-Maritime. Puis ils s’installent chez elle à Périgny, dans la banlieue est de La Rochelle. «Après le mariage, il a commencé à être violent avec moi, à me mettre des claques», relate Sophie. «Il était parfois gentil et adorable et d’un coup il devenait nerveux et agressif. Il avait des changements d’humeur imprévisibles, ça me dépassait», dépeint-elle.
Sophie découvre qu’Abdelkader fume des joints mais, surtout, prend de la cocaïne. Totalement accro aux stupéfiants, l’homme est «tout le temps parti». «Il devait aller chercher sa dose. Ses sautes d’humeur constantes, c’était le manque», estime Sophie. De tendance paranoïaque, Abdelkader l’accuse régulièrement de le tromper.
La peur d’être tuée
Un soir, alors qu’elle va le chercher en voiture au travail, l’homme se montre d’une violence inouïe. «Il m’a tirée par les cheveux et m’a craché au visage pendant que je conduisais, ça a été la fois de trop», se souvient Sophie. «J’avais tellement peur de lui que je n’ai pas porté plainte. Je me suis dit : “Ça va être pire, ça va faire monter sa haine, il va me tuer”», poursuit-elle.
Sophie élabore une stratégie pour se séparer d’Abdelkader «sans être violentée ou tuée». En avril 2022, elle lui demande de quitter son domicile tout en lui trouvant un point de chute chez son propre père : «Pendant une période, il est allé vivre chez mon papa. Mais il a encore plus sombré dans l’alcool et la drogue». Sophie tente de le mettre à distance mais l’homme la harcèle par message, la menace de mort. Il vient parfois pleurer devant sa maison.
Courant 2023, elle le conduit à l’hôpital alors qu’il fait «une crise». «Il disait qu’il entendait des voix, il délirait. Il était dépendant à la drogue et était malade psychologiquement», retrace Sophie. L’homme ressort de l’hôpital avec un traitement qu’il ne prend pas. En mars de la même année, Abdelkader aurait violemment agressé son neveu, lui aussi arrivé à La Rochelle en provenance de Tunisie. Selon Sophie, il lui aurait porté plusieurs coups de couteau car il le suspectait d’être homosexuel. Abdelkader lui aurait tendu un guet-apens au domicile du père de Sophie, alors que celui-ci était hospitalisé.
Toujours selon Sophie, Abdelkader aurait fini par partir de chez son père en septembre 2023 après avoir rencontré «une femme venue du pays». C’est seulement à cet instant qu’elle aurait enfin eu un peu de répit. Son divorce avec Abdelkader a été officialisé en juillet 2024. Sur le plan religieux, Sophie estime qu’Abdelkader était «un musulman modéré qui faisait ses cinq prières par jour». «Je l’ai croisé à La Rochelle en mars dernier. Ce n’était plus le même, il avait une barbe assez longue», nuance-t-elle toutefois. «Tout le monde disait qu’il était malade, il tenait des propos incohérents», ajoute-t-elle.
Un état psychiatrique « instable »
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué mardi soir que le suspect «avait une carte de séjour qui devait se terminer en 2032». Inscrit au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ, fichier de police judiciaire), Abdelkader D. était convoqué devant un tribunal dans une affaire de provocation à la haine après des propos antisémites tenus devant la mosquée de Sète, près de Montpellier. «Il était suivi, le préfet de l’Hérault a activé l’article 40 et saisi l’autorité judiciaire le 20 août», a confirmé le ministre de l’Intérieur mardi soir.
Selon nos informations, il avait été évalué par le renseignement territorial (RT) comme non radicalisé mais nécessitant un suivi psychiatrique à cause de son état «instable». De source policière, il n’était pas fiché S ou inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Rien ne permet en l’état de l’enquête de le rattacher à une mouvance de l’islam radical.