
L’éditorial du dernier numéro de Conflits, signé de Jean-Baptiste Noé est consacré aux Droites ; plus précisément, aux points saillants qui peuvent être distingués pour approcher l’état de la droite dans le monde aujourd’hui. Nous en reprenons quelques extraits, s’agissant, plus particulièrement, de la soumission caractérisée de la droite à la gauche, en France notamment. JSF
La droite est un concept mouvant, qui évolue selon les pays et leurs traditions historiques et politiques.

Le concept de « droite » est essentiellement français. Aux États-Unis, l’opposition se fait entre démocrates et républicains, au Royaume-Uni et en Allemagne, entre conservateurs et socio-démocrates, en Italie, la vie politique est toujours un puzzle complexe. Le premier risque est donc de calquer des idées et des analyses issues du terrain français sur des scènes nationales où les enjeux sont autres. Le deuxième risque est dans la délimitation même de la droite. Si dans la plupart des pays, personne ne rechigne à se définir de « gauche », se rattacher à la droite est toujours problématique et n’est pas sans susciter des réticences. Difficile donc de mettre une étiquette politique à des personnes qui ne s’en réclament pas. Qui imaginerait le général de Gaulle se réclamer de droite, selon l’expression désormais consacrée.
[…] En France, la droite est autant socialiste que la gauche, mais toujours avec retard ; ce qui donne quelque répit à ses électeurs. Ce qu’exprimait Jean-Louis Bourlanges quand il expliquait que le rôle de la droite était d’adopter les idées radicales de la gauche, mais en arrondissant les angles. On aura en effet du mal à trouver une différence de fond entre les mandats de François Mitterrand, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
La soumission intellectuelle.
De cette adhésion au socialisme découle, pour la plupart des partis de droite dans le monde, une soumission intellectuelle à la gauche qui est souvent le résultat d’une fascination. Après avoir opéré une véritable rupture sémantique et intellectuelle avec le chiraco-mitterandisme, et s’être fait élire sur un programme de droite, Nicolas Sarkozy a ainsi mené la même politique que son prédécesseur, en établissant une politique de gauche dans tous les postes clefs. Ce qui, au vu de ses résultats en 2012, semble avoir déplu à ses électeurs de 2007. Quel intérêt y a-t-il à réunir une majorité autour de promesses précises (stratégie réussie de l’électeur médian), si c’est pour ensuite mener une politique qui convient à la minorité qui a voté contre soi ? La soumission intellectuelle fait que, finalement, la droite a souvent peu d’idées, si ce n’est de promettre de réparer ce que la gauche a cassé. C’est pourtant quand elle a eu un programme intellectuel audacieux qu’elle est parvenue à gagner les élections : David Cameron avec sa Big Society a écrasé la concurrence en 2010 et 2015, quand Boris Johnson et son national-socialisme a été vaincu ; Javier Milei avec sa tronçonneuse a été le président argentin le mieux élu de la période récente, Donald Trump avec son programme de grandeur a réussi un retour qu’aucun président battu n’avait pu effectuer avant lui, Viktor Orban et son projet d’illibéralisme a gagné quatre élections générales depuis 2010. La soumission intellectuelle, qui consiste à citer des auteurs de gauche pour espérer gagner la gratitude du camp opposé et à ne pas avoir d’autre idée que la réparation, ne parvient pas à motiver suffisamment les électeurs. […]
Éditorial paru dans le N59 Droite. La nouvelle internationale ?
Jean-Baptiste Noé, docteur en histoire, est rédacteur en chef de Conflits.
