
Ce long article rétrospectif (23.9) éclaire remarquablement l’actualité de cette fin de règne macronien. Il met aussi – et peut-être surtout – en lumière la nature profonde du régime sous lequel nous vivons et déclinons. On n’est pas forcément d’accord avec tous les présupposés historiques et politiques de Régis de Castelnau. On relèvera les désaccords si besoin est. L’ensemble constitue une riche contribution à notre réflexion sur les réalités politiques d’aujourd’hui, françaises et au-delà. JSF
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Macron à l’Élysée, un coup d’État ?
L’opération judiciaire fulgurante organisée début 2017 par l’élite de la magistrature française et destinée à disqualifier politiquement François Fillon grand favori de l’élection présidentielle pour succéder au calamiteux François Hollande, a pu créer de fausses impressions. Organisée en amont après le choix de la primaire de la droite en novembre précédent, la manipulation n’était pas contestable. Mais on pouvait cependant à ce moment-là imaginer un effet d’aubaine permettant à des magistrats dévoyés d’exprimer leur aversion pour une certaine droite incarnée par Fillon. Le but étant clairement de lui barrer la route de l’Élysée. L’élection d’Emmanuel Macron n’était alors qu’un effet collatéral, même si ce candidat soutenu par l’appareil du PS convenait parfaitement à cette justice inféodée à ce parti.
Le problème est que cette hypothèse ne résiste pas à l’examen.
Tout d’abord, l’implication de la magistrature dans l’opération a obéi à un agenda parfaitement maîtrisé et organisé en concertation étroite avec la presse. Celle-ci était alimentée par les organisateurs, dont beaucoup se trouvaient à l’Élysée, par des informations qu’elle communiquait immédiatement aux magistrats comme le démontre le fameux article du Canard enchaîné concernant l’emploi de Pénélope Fillon. Qui « déclencha » trois heures après sa publication l’ouverture de la procédure… Et au fur à mesure du déroulement de celle-ci, en violation permanente et grossière de la loi sur les secrets de l’enquête et de l’instruction, le flux d’informations s’inversait de la justice vers les médias.
Ensuite, l’examen des faits comme celui réalisé par Éric Stemelen sur l’énorme opération médiatique de promotion de la candidature Macron, ou le travail de Marc Endeweld démontrent qu’on était en présence d’une entreprise de longue haleine. Rien n’a été laissé au hasard par les sponsors d’Emmanuel Macron d’Henry Hermand à McKinsey en passant par Jacques Attali, Jean-Pierre Jouyet, David de Rothschild etc. etc.
Par conséquent, la partie judiciaire apparaît bien comme l’épisode ultime et ses participants comme ayant le projet de faire arriver Emmanuel Macron au pouvoir, la disqualification politique de François Fillon n’en étant pas l’objectif, mais le moyen.
L’histoire de ce coup d’État est encore à écrire mais, cette qualification est d’ores et déjà difficilement réfutable.
Même s’il est de lecture agréable il n’est pas nécessaire de se référer au célèbre livre de Curzio Malaparte « Technique du coup d’état » pour identifier ce qui définit un coup d’État. La simple référence à l’Histoire de France suffit à identifier une méthode qui semble bien avoir été celle utilisée par les organisateurs. En 1799, face aux crises politiques successives qu’ils n’arrivaient pas à maîtriser, les dirigeants du Directoire qui avaient succédé à la Convention après l’exécution de Robespierre, cherchèrent une solution pour stabiliser la situation. L’objectif était de pérenniser les changements issus de la Révolution et de mettre fin à celle-ci. L’abbé Sieyès qui disait « je cherche une épée » après avoir pensé aux généraux Joubert, puis Moreau porta son choix sur Bonaparte. Le 18 brumaire, celui-ci se présenta devant le « Conseil des Cinq Cents » où il fut mal accueilli, Murat faisant alors intervenir ses grenadiers dans la salle, fit fuir les opposants, les restant votant alors la dissolution du directoire et l’instauration du consulat. L’opération se passa sans violence en dehors de l’irruption des grenadiers, dans la salle du Conseil. Un certain formalisme juridique fut respecté, validé quelques semaines plus tard par un plébiscite approuvant la constitution de l’an VIII.
Il ne s’agit pas bien sûr de se livrer à une comparaison mais de rappeler cet épisode de l’histoire de France qui peut fonctionner comme une référence. Et il n’est pas aventureux de prétendre qu’au milieu des années 2010, alliance politique circonstancielle s’est formée. Comprenant des personnages issus de la haute fonction publique d’État, des dirigeants du parti socialiste et des représentants grands intérêts oligarchiques, elle s’est employée à préparer l’élection présidentielle de 2017 après les catastrophes successives des présidences Sarkozy et Hollande. Ce n’était pas la recherche « d’une épée » et la réalisation d’un « pronunciamento » militaire, mais bien de trouver un personnage à qui serait confiée une mission particulière.
Pour identifier cette mission, quel mandat devait lui être confié, deux hypothèses se présentent.
Première hypothèse : la fausse alternance ça suffit, le pouvoir doit revenir au centre.
Tout d’abord, et c’était l’opinion initiale de l’auteur de ces lignes, la bourgeoisie et ses soutiens avaient intégré que le système de fausse alternance qui existait en France depuis 1983 avait fini par toucher ses limites. On se souvient de la phrase meurtrière de Philippe Séguin qualifiant la « gauche » et la « droite » françaises se succédant au pouvoir, « d’épiciers se fournissant au même grossiste ». Le mandat de Nicolas Sarkozy aussi ami soit-il des grands intérêts oligarchiques est soumis aux États-Unis avait été décevant puisqu’il fut sèchement battu à son échéance en 2012. Prétendre que c’est François Hollande qui y a gagné cette élection n’est pas sérieux, c’est Nicolas Sarkozy qui l’a perdue. La présidence Hollande fut pour les Français humiliés, une épreuve quotidienne. À tel point qu’il ne put même pas se représenter, les vrais patrons lui ayant vivement conseillé de dégager. Il fallait donc trouver une solution puisque fausse gauche contre fausse droite, cela ne fonctionnait plus. Va donc pour le centre.
Aux élections européennes de 2014, avec 25 % des voix le Front National de Marine Le Pen caracolait en tête, 5 points devant l’UMP et le parti du président en exercice se retrouvait brillamment à moins de 15 %. À l’évidence, Marine Le Pen serait présente au deuxième tour de la présidentiels trois ans plus tard et l’enjeu devenait donc simple : savoir qui qui lui opposer. Qui serait garanti, même avec une 2e place au premier tour, d’entrer à l’Élysée. Emmanuel Macron cochait toutes les cases : young leader, énarque, néolibéral, étroitement lié aux milieux d’argent, étrangers à l’intérêt national, n’ayant jamais travaillé, ni milité, sans le moindre passé politique, c’en était une caricature. Pour des gens comme Attali, Minc ou Jean-Pierre Jouyet ayant passé toute leur vie à trahir, à pantoufler, et à s’enrichir, il était le candidat idéal. Ce qui explique pourquoi dès qu’ils l’eurent repéré, ils en prirent grand soin.
Lorsque l’on regarde la trajectoire d’Emmanuel Macron à partir de 2012, on voit que tout se met en place, et que tout s’organise pour qu’il soit au rendez-vous. Chez les hauts fonctionnaires socialistes la décision est prise, il sera le successeur de la catastrophe Hollande que l’on poussera vers la porte. Les oligarques propriétaires de la presse française l’adoubent, le financent et font sa propagande.
Dans ces conditions, le désastre des deux mandats aurait pour origine l’incompétence politique béante d’un Macron sans expérience, et la nullité de ses équipes conduisant à l’incapacité de conduire efficacement le pays. Des traits de caractère flirtant avec des troubles psychologiques lourds n’arrangeant rien. Selon cette hypothèse, l’expérience Emmanuel Macron serait un échec politique.
Est-ce si sûr ?
Deuxième hypothèse : poursuivre et parachever la destruction de la France et sa dissolution.
Lors de l’élection d’Emmanuel Macron, un de mes amis, politologue hexagonal affûté m’avait délivré cet avertissement : « tu ne reconnaîtras pas ton pays au bout du ou des mandats de Macron ». Difficile d’être plus pertinent qu’avec cette prévision. Ce n’est pas noircir le tableau que de constater l’ampleur de la catastrophe. Avec une France en faillite financière, aux institutions qui ne fonctionnent plus, un blocage politique insoluble, une situation économique désastreuse, une immigration incontrôlable, une partie du territoire national abandonnée à la pègre, des grands services publics, justice, santé, transports à l’abandon, les libertés publiques piétinées, une France vassale de l’empire ridiculisée dans le monde etc. etc… n’en jetons plus, la coupe est pleine ! Notre pays ressemble furieusement à la Russie des années 90 qui avait succédé à la dislocation/dissolution de l’Union soviétique.
Et si cette situation n’était pas la conséquence du coup d’État de 2017 et de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, mais son objectif ? Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de prétendre que chacun des constats ci-dessus était précisément prévu et faisait partie du plan. Mais il faut plutôt analyser une réalité, en tentant de déceler une éventuelle intentionnalité dans le processus qui y a mené. On peut aussi poser la question de la façon suivante : ce résultat catastrophique est-il le fruit d’un échec dû à l’incompétence et à la corruption de Macron et de son groupe ? Ou bien cette politique du rat crevé au fil de l’eau était-elle délibérée et la dislocation/dissolution de la France le projet ? L’analyse de ce qui est arrivé à l’URSS est obscurcie par des enjeux idéologiques. Mais clairement la catastrophe finale de décembre 1991 n’était pas le projet de Gorbatchev et de ses équipes. En revanche on peut se poser la question concernant ceux qui ont porté Emmanuel Macron au pouvoir. Un des indices qui militent en faveur de cette thèse, est l’implication des dirigeants socialistes dans l’ensemble de l’opération. Le candidat du PS en 2017 n’était pas cette triste nullité de Benoît Hamon, soyons sérieux. Avec tous les caciques socialistes derrière lui, c’était bien Macron.
Depuis 1981, chaque fois qu’ils furent au pouvoir, ils ont été les fourriers de la transformation néolibérale de la France. Dérégulation, financiarisation, privatisations, abandons de souveraineté leur bilan est impressionnant. Prétendre que leur passion européiste était le substitut à leur renoncement idéologique pour le socialisme après les échecs de celui-ci, est simplement une blague. Il ne s’agissait pas de fixer au peuple français un horizon européen exaltant, mais bien de faire rentrer, quitte en le forçant, notre pays dans le carcan néolibéral. Aquilino Morelle, conseiller rapproché de Lionel Jospin puis de François Hollande en a analysé le processus dans un livre irréfutable. Où il a décrit le ralliement des socialistes au dogme du marché, à la financiarisation et à la mondialisation dérégulée. C’est-à-dire au néolibéralisme… Allant même jusqu’à considérer que ce sont les socialistes français qui en ont été la cheville ouvrière au-delà même de la France. Avec Fabius et Beregovoy au pouvoir en France, Delors et Lamy à la tête de la commission européenne, Chavranski à l’OCDE, Trichet à la Banque centrale européenne (BCE), Camdessus au FMI et Lamy à l’OMC, tous socialistes bon teint ou apparentés. Peut-être certains ont-ils pensé de bonne foi (?) au début qu’il serait possible de « faire l’Europe sans défaire la France », mais les plus cyniques et les plus corrompus, en général proche de l’hyper-classe mondialisée savaient très bien que l’objectif principal était d’imposer aux peuples européens le carcan néolibéral et que l’UE était l’outil de leur enfermement. Pour ces gens-là, La France par pertes et profits, cela n’avait aucune importance.
L’affaire Alstom est l’exemple parfait de ce qu’est le macronisme politique voulu et installé par les organisateurs de l’avènement au pouvoir d’Emmanuel Macron. Une spectaculaire combinaison de trahison et de corruption. Dès lors qu’il s’est trouvé installé à proximité du pouvoir politique (secrétaire général adjoint de l’Élysée) celui-ci a organisé le dépeçage au profit des États-Unis d’un des fleurons majeurs de l’industrie française. S’appuyant sur la pratique des prises d’otages américaines à base d’extraterritorialité de leurs droits, le futur président de la République a monté et finalisé une opération de bradage invraisemblable au détriment des intérêts de la Nation. Ça c’est pour la trahison et la désindustrialisation du pays. Ensuite et au passage, comme l’a démontré le travail du regretté Olivier Marleix lorsqu’il présidait la commission d’enquête parlementaire sur cette affaire, près de 600 millions d’euros ont été « détournés » au profit des amis d’Emmanuel Macron, pour être semble-t-il bien utiles dans le financement de l’opération aboutissant à son élection. Ça c’est pour la corruption et l’effondrement de la morale publique.
Ainsi, malgré les vicissitudes, le chaos politique, la faillite financière, l’effondrement de l’État-providence, la France ridiculisée à l’international, peut-on considérer qu’Emmanuel Macron est en échec ? Qu’il n’a pas respecté la feuille de route des grands intérêts qui l’ont choisi ?
Pourquoi Macron s’accroche ?
L’acharnement du psychopathe de l’Élysée à rester à son poste alors même que le simple bon sens et un minimum de conscience républicaine devrait l’amener à faire le constat du blocage auquel il est confronté et quitter son poste. La Constitution de la Ve République est certes en lambeaux, mais les résidus de fonctionnement républicain d’un système présidentiel flanqué d’un parlementarisme « rationalisé » imposeraient normalement de faire le constat du blocage et d’en tirer les conséquences. Cela n’arrivera pas.
Soutenu par un système totalement verrouillé, des médias mainstream asservis, par les journalistes les plus lâches du monde, une oligarchie dont il est l’employé, porteur de traits de caractère relevant pour certains de la psychiatrie, il considère qu’il n’a aucune raison de le faire. Et surtout aucune intention de le faire. Au point que ses affidés agitent sous le nez de l’opinion publique le grelot de l’utilisation de l’article 16 de la Constitution pour faire peur et le maintenir au pouvoir. Alors on pourrait penser que devant l’ampleur du désastre, les grands intérêts qui l’ont installé l’Élysée, finiraient par le rappeler à l’ordre. Sauf en une occasion au début du mouvement des gilets jaunes, ils ne l’ont jamais fait. Et ils ne le feront pas.
Et si la bonne réponse à la question de ce maintien n’était pas justement, que jusqu’à présent, malgré les chaos, les embardées et les vicissitudes, les choses se déroulent selon le plan ? Celui de l’affaiblissement de la France, peut-être jusqu’à sa dislocation, la destruction finale de sa souveraineté au profit d’une Union Européenne que l’on pousse sans désemparer vers la transformation en un système fédéral au néolibéralisme inexpugnable. Nous l’avons dit, en violation grossière des traités existants, Ursula von der Leyen s’est d’ores et déjà emparées de prérogatives qui n’appartenaient pas à l’Union. Accompagnée par le mantra, « il faut plus d’Europe, il faut plus d’Europe ! » que glapissent les nullités que le système envoie au Parlement de Bruxelles.
Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter à l’élection présidentielle de 2027 pour un troisième mandat ? La belle affaire. La suite du plan est claire.
Friedrich Merz le très inquiétant nouveau chancelier allemand, vient de nous en donner à voir la suite. Avec l’annonce de la candidature d’Ursula von der Leyen à la présidence de la République Fédérale d’Allemagne à l’échéance de son deuxième mandat de présidente de la Commission européenne en 2027. Libérant ainsi la place pour… Emmanuel Macron… Prenant la tête d’une UE passant au fur et à mesure en mode « structure fédérale » pour diriger des États-nations territoriaux vidés de leur substance.
Nul besoin d’invoquer l’intervention des Illuminatis, voire des reptiliens adeptes de la terre plate, pour essayer de comprendre ce qui arrive à notre malheureux pays. Simplement se référer à Hegel qui dans la « Philosophie de l’Histoire », insistait sur le fait que ce sont les individus, les peuples, et les « grands hommes » qui la font. Non qu’Emmanuel Macron soit un grand homme, soyons sérieux, mais parce qu’il ne s’est pas installé à l’Élysée par hasard. À partir d’une analyse stratégique, cette arrivée était l’objet d’un choix, l’expression d’une intentionnalité et la mise en œuvre d’un plan. Rien de « complotiste » dans cette approche. Pas plus qu’il ne serait possible de qualifier de « complotiste » la présentation du retour de de Gaulle au pouvoir en 1958 comme la mise en œuvre d’un plan.
Cela étant, si l’on retient la deuxième hypothèse avancée dans cet article, et quel était l’objectif proposé pour « l’opération Macron », son succès final par la dissolution de la France dans un ensemble néolibéral verrouillé à Bruxelles, dépendra de la marche de l’Histoire.
Où selon Hegel, mais aussi et surtout Marx, les peuples ont encore leur mot à dire. ■ o RÉGIS DE CASTELNAU
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