
Par Front Populaire, La Rédaction.
COMMENTAIRE – Les échanges « internationaux » remontent à la nuit des temps. Autrement dit, bien avant la formation des nations, les échanges étaient déjà multiples et souvent lointains, au gré des besoins et des intérêts de chacun. Nos siècles idéologiques et révolutionnaires en ont fait un dogme, et l’Union européenne, une quasi-religion universelle. Fini le vieux principe de subsidiarité : les échanges sont devenus sans-frontières et, en théorie, sans droits de douane, comme si les nations et leurs singularités n’existaient plus. Un seul grand marché mondial : telle fut – il faut sans doute désormais l’écrire au passé – la politique et la foi de l’UE. On ne peut pas dire que la France en ait tiré bénéfice, avec un commerce extérieur déficitaire d’environ 100 milliards d’euros par an, quand l’Allemagne en tire plus du double de gains. L’Union Européenne persiste pourtant dans son libre-échange à tout prix et à tout risque, malgré le basculement du monde imposé par l’Amérique de Donald Trump, comme le montre, s’agissant de notre malheureuse agriculture, cet article de Front Populaire daté d’hier. JSF
ARTICLE. Bien qu’elle soit censée être l’un des derniers points fort commerciaux de la France, l’activité agricole française suit une dynamique inquiétante. Pour l’agriculture française, 2025 pourrait bien être la première année rouge depuis près de cinquante ans.
Y a-t-il un seul secteur d’excellence française qui ne montre pas des signes inquiétants de déclin ? La balance commerciale française en matière d’alimentation vient agrandir cette liste sinistre. Une note publiée en septembre 2025 de l’Agreste, institut rattaché au ministère de l’Agriculture spécialisé dans les stratistiques sur le monde agricole, révèle une situation alarmante : sur les sept premiers mois de l’année, la France affiche un déclin.
Si les importations ont fortement progressé en juillet (hausse de 473 millions d’euros), les exportations, elles, n’ont pas suivi la même tendance, avec seulement 24 millions d’augmentation – accentuant de fait le déséquilibre. Sur le cumul entre août 2024 et juillet 2025, le solde n’est plus positif que de 1,225 milliard d’euros. C’est 82 % de moins que l’exercice précédent, et à des années-lumière de l’excédent de 2011, qui était à 11,9 milliards d’euros. Dans un contexte international morose et incertain, avec les droits de douane prohibitifs mis en place par l’administration américaine, les comptes pourraient tomber dans le rouge à la fin de l’exercice 2025.
Deuxième exportateur mondial de produits agricoles dans les années 1990, la France a progressivement régressé dans le classement pour finalement être relégué au sixième rang en 2023. Si certains secteurs parviennent à tirer leur épingle du jeu (comme les vins et champagnes dont le solde commercial augmente de 1,8 % cette année), la plupart des autres produits voient leur balance se dégrader nettement. C’est le cas des céréales (-24 %) ou des produits laitiers (-25 %), points forts traditionnels de la France. D’autres secteurs déjà nettement déficitaires, comme les viandes, la filière des volailles, les légumes, les fruits ou bien encore le tabac, s’enfoncent dans le rouge.
Le poulet ukrainien n’est pas un mythe
Cette inflexion de la balance commerciale était redoutée de longue date et n’a rien d’une surprise. La France subit de plein fouet les conséquences des guerres commerciales qui s’ouvrent ici et là. Le secteur du cognac a par exemple pris de plein fouet les mesures antidumping imposées par la Chine en 2024, entraînant une forte diminution des ventes. Les droits de douane imposés par Donald Trump pénalisent également le secteur des vins et des spiritueux. À cela s’ajoutent les nombreux accords de libres-échanges conclus par l’Union européenne, souvent au détriment des producteurs français. La levée des barrières douanières avec l’Ukraine a ainsi provoqué une hausse des importations de volailles de 58 % en 2022 et 41 % en 2023. Aujourd’hui déficitaire (de 1,23 milliard d’euros en 2023), elle était positive en 2000 (de 1,15 milliard d’euros).
Le rapport « Balance commerciale agricole Française : Diagnostic et Stratégies de Relance » du ministère de l’Agriculture et daté de 2024 analyse les raisons de cette progression des importations. Pour faire court : la France souffre d’un déficit de compétitivité par rapport à ses concurrents. Pour les exploitations agricoles, le différentiel de coût provient du poids des consommations intermédiaires — fertilisants, produits phytosanitaires, énergie — qui représentent 58 % des recettes pour les céréales en France, contre 52 % en Allemagne et 50 % en Espagne. Si la production de pommes a baissé d’un quart entre 2000 et 2023, c’est parce qu’elle coûte – du fait du différentiel de coût de main-d’œuvre – 66 centimes de plus qu’une pomme polonaise.
Si tous les indicateurs ne sont pas encore au rouge, la situation a toutefois de quoi inquiéter. « Un solde commercial agricole dans le rouge, cela signifie un pays qui ne se nourrit plus lui-même », rappelle Dominique Chargé, patron de la Coopération agricole, dans L’Opinion. L’enjeu, c’est la souveraineté alimentaire française. Elle est en passe de disparaître, sacrifiée sur l’autel du libre-échange. ■
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