
Ce constat de faillite, c’est, au fond, celui de la Révolution, toujours à l’œuvre dans notre histoire. Il faut saluer les efforts de ceux, redevenus nombreux et puissants aujourd’hui, qui se dressent pour en combattre les effets mortifères. JSF
Par Mathieu Bock-Côté.

Chronique parue dans Le Figaro de ce samedi 11 octobre. Alors qu’on sait depuis les quelques heures de la nuit écoulée que le Chef de l’État ne dissoudra pas, ne démissionnera pas — du moins pas encore —, et que le nouveau Premier ministre ne sera personne d’autre que le précédent… Sébastien Lecornu, un des derniers fidèles d’Emmanuel Macron, désormais en sursis. Mathieu Bock-Côté, dans cette chronique de bonne facture, dresse le constat précis d’une situation de crise au paroxysme de la vieille lutte, connue des maurrassiens les plus basiques, au moins depuis la parution de L’Enquête sur la monarchie il y a tout juste 125 ans, entre le Pays légal, de nature foncièrement totalitaire — de dissimulée à violente selon les époques —, et le Pays réel, en voie permanente d’étouffement ou de destruction plus ou moins aboutie par le Pays légal. Mathieu Bock-Côté ne décrit en fait rien d’autre, nous semble-t-il, que cette dialectique bien réelle, incarnée dans le contexte affligeant d’aujourd’hui. La montée inexorable, semble-t-il, du courant populiste est l’horizon qu’entrevoit Bock-Côté. Ce peut être, en effet, le moyen d’assurer, pour un temps, fût-il éphémère, quelques-unes des conditions élémentaires du Salut public — notamment en matière de souveraineté à recouvrer, en matière d’immigration à stopper, de fierté et d’identité nationales à restaurer. Le Salut public français, c’est, en effet, notre premier objectif. Celui de tout Français patriote. JSF

CHRONIQUE – Pour Emmanuel Macron et ce qu’il reste de ses troupes, toutes les solutions sont bonnes pour éviter un retour aux urnes.
Ce retour vers le passé, à la recherche de vieilles gloires consensuelles, est la preuve définitive que le bloc central est désormais une masse historiquement morte, électoralement inerte, en décomposition sociologique, incapable de produire du neuf, de susciter une adhésion, sauf à produire un spectacle sous le signe de la nostalgie, attendrissant le temps de sa nomination nos cœurs de pierre. N’était-ce pas d’ailleurs tout le sens de la panthéonisation de Robert Badinter, homme honorable, nul n’en doute, mais présenté à la manière d’un nouveau dieu républicain à prier de manière obligatoire, ce qui est encore la meilleure manière de jouer à la chasse aux hérétiques, en identifiant publiquement ceux qui ne prient pas, réfractaires à la révérencieuse génuflexion.

Les autres misent désormais sur un éventuel « gouvernement technique », que pourrait, ou non, on ne sait pas, on ne sait plus, diriger Sébastien Lecornu, ou peut-être même Pierre Moscovici, reconnu pour sa légendaire neutralité idéologique. Mais qui, sur cette planète ou sur ses satellites, croit qu’un gouvernement technique serait perçu par le commun des mortels comme un gouvernement composé seulement de talents neutres, sans préjugés doctrinaux, alors qu’il aurait pour fonction de poursuivre l’application d’une politique que j’assimile régulièrement dans cette chronique à l’extrême centre, qui n’est qu’une gauche un peu mieux habillée, moins brouillonne, et beaucoup plus arrogante, parce qu’elle croit avoir le monopole de la raison et de la science.
Pour l’instant, on se contentera de ne pas dissoudre l’Assemblée, ce qui est la manière la plus subtile dans les circonstances de dissoudre le peuple.
On apprenait aussi, vendredi matin, qu’Emmanuel Macron rassemblerait autour de lui dans la journée les représentants de tous les partis « modérés » et « républicains » – traduisons pour les néophytes, de tous les recalés du système qui s’accrochent à tout ce qu’ils peuvent pour rester en poste. La macronie agonisante prend les traits d’une fédération des rejetés et des restes des époques politiques antérieures. Il est difficile de ne pas se dire que le prochain gouvernement, s’il advient, donnera l’impression d’être une cabane en bois de naufrage, rassemblant des hommes et des femmes aux convictions en haillons. On le voit avec la réforme des retraites, qui revient au cœur du jeu, à la manière d’une « baballe » programmatique, hier encore essentielle, aujourd’hui remise en question pour que chacun puisse profiter d’un sursis de quelques semaines dans les palais républicains qui ne sont souvent que ceux bien « renippés » de la monarchie d’hier.
Et tout cela, bien évidemment, pour éviter d’aller à la rencontre de la bête immonde qui monte et qui monte, je veux dire, ici, le peuple français, qui a bien mauvaise réputation. Car les hommes et femmes du régime n’ont peur que d’une chose, c’est que le peuple leur tombe sur la tête. Ils le répètent ainsi sur les plateaux télés où ils défilent : s’il y a dissolution, alors le RN l’emportera. Alors il faut combiner pour que cela n’arrive pas. C’est ce qu’on appelle, je crois, la stabilité.

D’abord, je l’ai dit, en maintenant en vie comme on peut l’Assemblée actuelle, missionnée pour sauver la République contre un peuple factieux. Ensuite, en préparant une alternative « populaire » et « spontanée » qui pourrait demain battre « l’extrême droite » en créant les conditions d’un nouveau front républicain – par exemple en faisant surgir spontanément et sans manipulation sondagière aucune un effet Glucksmann, que tous applaudiront, en y voyant le plus bel anticorps contre le populisme (populisme (déf.) : nom donné aux comportements électoraux d’un peuple qui ne vote pas comme on lui dit de voter).
Enfin, en modifiant les institutions de l’intérieur pour faire en sorte que, si jamais les vilains populistes arrivaient demain au gouvernement, ils ne puissent rien faire sans être immédiatement sanctionnés par le Conseil constitutionnel, qui matera alors les rebelles au nom de l’État de droit, en programmant d’avance le caractère anticonstitutionnel des propositions qu’ils pourraient mettre en avant. Mais pour l’instant, on se contentera de ne pas dissoudre l’Assemblée, ce qui est la manière la plus subtile dans les circonstances de dissoudre le peuple. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ