
Le durcissement des politiques migratoires s’est beaucoup accentué ces dernières années : en Allemagne, dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas, et même en Italie dans une certaine mesure. La France, elle, n’a pas bougé sur les grands aspects de sa politique migratoire.
Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas

Cet entretien, qui se veut « factuel », est paru ce 13 octobre dans le JDD. Le régime est en crise, la République aux abois, et l’immigration continue de submerger le pays. Les Français sont-ils capables d’en imputer la responsabilité au régime ? Les faits, l’aggravation du phénomène, l’insécurité grandissante jusqu’au chaos et aux émeutes se chargeront de créer des situations de crise d’une autre importance que la valse des ministères et les affrontements politiciens. Des situations dont il faudra bien sortir, pour le meilleur ou pour le pire. Et, comme on disait autrefois à l’Action française et au-delà de l’Action française : « Par tous les moyens, même légaux. » Aura-t-on un autre choix ? JSF
FACTUEL. La dernière étude de l’Insee sur les étrangers et immigrés en France révèle une pression migratoire en constante augmentation, décrypte le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie.

Le JDD. Que faut-il retenir des chiffres livrés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) cette semaine sur les populations immigrée et étrangère ?
Nicolas Pouvreau-Monti. Trois choses. La première, c’est que nous battons encore des records. Nous avons désormais 7,7 millions d’immigrés et 8 millions de descendants d’immigrés de deuxième génération. Au total, 23 % de la population est d’origine immigrée. La deuxième chose, c’est que la pente s’accélère : la population immigrée a augmenté de 434 000 personnes en 2024. Certains immigrés étant morts durant l’année, d’autres étant repartis, il y a eu au moins 500 000 personnes qui sont entrées en France en 2024. Chiffres absolument inédits.
« En un an, la population immigrée a augmenté autant que durant les trois années précédentes »
En un an, la population immigrée a augmenté autant que durant les trois années précédentes. Et cette hausse annuelle est quatre fois supérieure à la moyenne de la décennie 2000 et 25 fois supérieure à la moyenne des années 1990 ! La troisième chose à retenir, c’est l’évolution des origines géographiques dans cette immigration, qui s’amplifie depuis les années 2000 : nous avons un déclin de l’immigration européenne au profit de l’immigration originaire d’Afrique. Sur les 434 000 immigrés en plus, 300 000 sont originaires d’Afrique – 150 000 du Maghreb et 150 000 d’Afrique subsaharienne. Et 31 000 seulement sont européens. En 1968, les trois quarts des immigrés étaient européens. Désormais, les deux tiers sont d’origine extra-européenne.
L’Insee a largement communiqué sur le nombre d’étrangers – de nationalité étrangère – et non d’immigrés – nés étrangers à l’étranger. Quel est l’angle mort de cette présentation ?
Cela permet de ne pas prendre en compte le caractère massif de l’acquisition de la nationalité française ! Ce sont 3 millions de personnes depuis 2000, qui ne sont donc plus dans la catégorie « étrangers ». Ensuite, leurs enfants naissent français, et disparaissent également des statistiques d’acquisition de la nationalité. Enfin, 15 % des étrangers d’aujourd’hui sont nés en France, dont la plupart sont mineurs : ils deviendront très largement français de manière automatique.
La question de la natalité est-elle significative sur ce terrain migratoire ?
L’Insee livre également ces données-là, et nous enregistrons un nouveau record de la part des naissances extra-européennes en France. 31 % des naissances, en 2024, sont issues d’au moins un parent né en dehors de l’Union européenne. Si l’on prend l’an 2000 comme repère, nous avons perdu 30 % de naissances de deux parents français, alors que l’augmentation des naissances issues de deux parents nés hors-UE est de 74 %. Notre crise de la natalité est « native », mais cache des dynamiques contradictoires.
Comment analyser la politique française par rapport à celle de ses voisins devant cette réalité ?
Le durcissement des politiques migratoires s’est beaucoup accentué ces dernières années : en Allemagne, dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas, et même en Italie dans une certaine mesure. La France, elle, n’a pas bougé sur les grands aspects de sa politique migratoire. Notamment sur son attractivité sociale différenciée – hébergement, soins, prise en charge… Et pourtant, elle a aussi l’une des immigrations les moins au travail d’Europe : le taux de chômage de la population immigrée est deux fois supérieur à la population sans ascendance migratoire – un chiffre qui augmente encore à la génération suivante dans certaines origines. Pas étonnant, puisque l’Insee nous apprend que la principale raison déclarée d’immigration est la famille, 18 points devant le motif travail. ■
