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Par Nicolas Granié, Pierre Vermeren .
BREF COMMENTAIRE – Il faut bien le constater : dans un contexte où la presse et les médias, en général, offrent rarement – pour ne pas dire jamais – des réflexions prenant de la hauteur face aux péripéties de la crise en cours, les analyses de Pierre Vermeren font figure d’exception. Elles rompent avec la règle de médiocrité, désormais bien installée dans les grands médias. Cet entretien suscite, au contraire, un réel intérêt. Il peut ouvrir sur un sain débat. Les lecteurs de JSF le feront, s’ils le souhaitent.
Pierre Vermeren est historien, spécialiste de l’histoire contemporaine du Maghreb et du monde musulman. Sans s’arrêter à ce vaste sujet, il a notamment publié en 2022 La France qui déclasse : de la désindustrialisation à la crise sanitaire aux éditions Tallandier.
ENTRETIEN. Fruit de la convergence de grandes dynamiques sociales, économiques, politiques et culturelles, l’assise populaire du vote Rassemblement national est aujourd’hui un fait difficilement contestable. L’historien Pierre Vermeren cartographie les raisons de cette curiosité de la sociologie électorale, jusqu’à ses expressions actuelles.
Pierre Vermeren est historien, spécialiste de l’histoire contemporaine du Maghreb et du monde musulman. Sans s’arrêter à ce vaste sujet, il a notamment publié en 2022 La France qui déclasse : de la désindustrialisation à la crise sanitaire aux éditions Tallandier.

Front Populaire : Ces derniers jours, le spectacle proposé par la Macronie, le Parti socialiste et Les Républicains a semble-t-il renforcé le Rassemblement national. Si on jette un œil sur les élections législatives de 2024, le RN et ses alliés ont obtenu leurs meilleurs scores chez les ouvriers (57%) – classe sociale qui s’est le plus abstenue –, et les employés (44%). Ces catégories sociales sont-elles sensibles à un discours davantage porté sur l’immigration et le sécuritaire ou sur le social et l’économie ?
Pierre Vermeren : Ces catégories sociales populaires insérées dans la société du travail sont particulièrement sensibles à la question de l’immigration, car elle sont mises en compétition avec les immigrés récents qui les concurrencent dans de nombreux secteurs d’activités – avec des exigences salariales et de protection sociale moindres –, et parce qu’elles vivent au quotidien cette concurrence dans leur vie professionnelle (que l’on songe aux routiers concurrencés par les routiers européens de l’Est ou ibériques), leurs quartiers et villes d’habitations et dans les activités scolaires et sportives de leurs enfants. De sorte que l’immigration, le sécuritaire, le social et l’économie sont pour eux bien davantage liés que pour le reste de la population.
Pour prendre un exemple crucial, les classes populaires françaises ont longtemps vu dans le football un rêve d’ascension sociale et d’enrichissement pour les plus doués et chanceux de leurs fils : des millions de pères ont rêvé d’engendrer une star du football ! Mais entre la pression des immigrés récents, et ce qui ressemble à de jeunes mercenaires importés de l’étranger, le rêve de la réussite par le sport le plus populaire de France est stérilisé. La compétition est si rude et si violente sur les terrains que les jeunes blancs sont largement devenus hors-jeu pour accéder en Ligue 1, voire en ligue 2. La blessure est profonde et sans remède, d’autant que la bourgeoisie est déjà passée au rugby ; Bordeaux a ainsi chassé le club des Girondins en banlieue (et dans le coma) pour offrir le stade historique Chaban-Delmas à l’UBB. Or le rugby n’est « populaire » que dans le grand Sud-Ouest rural, là où l’on fait peu d’enfants depuis des générations.
Front Populaire : Il est courant de lire que l’ouvrier de gauche est petit à petit passé au FN puis au RN. Est-ce plus complexe que cela ? Donnez-vous raison à ceux qui affirment qu’il n’en est rien et que le soutien de la classe ouvrière au général de Gaulle ressemble à celui pour le RN ?
Pierre Vermeren : La gauche socialiste s’est toujours présentée comme le parti de la classe ouvrière. Ce fut le cas en Allemagne ou en Angleterre, jamais en France. La SFIO a toujours été un parti de cadres, de bourgeois de gauche et d’intelligentsias liées à la fonction publique ; en France, on est à gauche pour des raisons idéologiques plus que sociales. Jaurès l’avait compris, qui disait que la nation est le seul bien des prolétaires ; mais lui-même, agrégé d’histoire, était assez isolé sur ces positions dans son parti.
Le RN ne représente pas la somme des ouvriers du PCF et du parti gaulliste, car une large partie des classes populaires a été déstructurée et désinstitutionnalisée par la chute de l’emploi productif (…) et par le chômage de masse.
La SFIO était internationaliste comme son nom l’indique, et le PS a gardé cette position, une fois le mitterrandisme et ses envolées collectivistes digérés. Seul le PCF a réussi, à partir des années trente, et surtout après-guerre, à fédérer une partie importante de l’électorat ouvrier : en banlieue rouge et dans de vieilles régions révolutionnaires françaises (Côtes d’Armor, Puy-de-Dôme, Languedoc…). Mais même au plus fort de son expansion, il ne rassemblait qu’une moitié des ouvriers, et peu de paysans.
Dans les années soixante, le gaullisme populaire taillait en effet des croupières à la gauche et au PCF dans les classes populaires. Or les deux grands partis populaires de France, le Parti gaulliste et le PCF, ont connu un déclin symétrique depuis les années soixante-dix, au profit des centristes bourgeois de l’UDF, et du PS, le parti des syndicalistes et des fonctionnaires. Les deux ont communié en fin de cycle dans le parti d’Emmanuel Macron. De sorte que le RN (anciennement FN) est devenu par défaut le parti des ouvriers de France, et des classes populaires en général, notamment rurales (les ouvriers ayant été chassés des métropoles vers les bourgs au tournant du XXIe siècle). Mais le RN ne représente pas la somme des ouvriers du PCF et du parti gaulliste, car une large partie des classes populaires a été déstructurée et désinstitutionnalisée par la chute de l’emploi productif (agricole et industriel) et par le chômage de masse (6 millions de sans-emplois officiels, outre des millions d’inactifs en âge de travailler). Ces catégories – avec les jeunes et les immigrés récents – nourrissent le plus grand parti de France, le parti abstentionniste.
Front Populaire : Au-delà de la classe ouvrière, le RN reçoit le soutien des employés mais aussi d’une partie paupérisée des fonctionnaires, du tertiaire et des mères célibataires. Les motivations de cet électorat rejoignent-elles celles des ouvriers ? Peut-on affirmer que le RN est le parti des classes populaires ?
Pierre Vermeren : Oui c’est un fait, il n’est qu’à regarder ses points d’ancrage dans la France post-industrielle et post-productive du Nord et de l’Est, dans les régions rurales en général, surtout si elles sont économiquement appauvries ou déclassées (vallée de la Garonne hors métropoles ou DROM). Il existe une autre France où le RN est puissant, et où il touche d’autres catégories sociales : l’ancien Midi-rouge en crise structurelle, les campagnes et banlieue du Sud-Est (qui ont recueilli une forte immigration prolétarienne intérieure en provenance du Nord et de l’Est) ; s’y ajoutent les villes du midi, transformées par l’arrivée des pieds-noirs, des harkis et des vagues d’immigrés d’Afrique du Nord, qui ont changé le Languedoc et la Provence, ce qui a d’autant plus radicalisé son électorat que la population y est historiquement malthusienne et âgée. L’héliotropisme des retraités issus du Nord de la France accentue ce trait.
Enfin, la montée en puissance de l’insécurité et de la délinquance joue un rôle majeur, l’État ayant démontré une stupéfiante impuissance : à Marseille dans les années soixante, à l’époque de la French connexion, il y avait un mort par balles tous les deux ou trois ans ; on est maintenant à près de 50 voire 100 morts par an en intégrant les villes proches. Un tel déchaînement n’est pas sans conséquences politiques et électorales.
Front Populaire : Quant aux retraités et aux revenus les plus élevés (supérieurs à 3 000 euros nets), ils sont de plus en plus nombreux à voter pour le RN. Est-ce dû au lissage du discours porté par l’état-major du RN ou à un mouvement de fond irrémissible de demande d’ordre et d’autorité ? Est-ce à dire que le plafond de verre est une histoire ancienne pour le RN ?
Pierre Vermeren : Je pense qu’il ne s’agit pas tant de cela que d’une mutation de l’électorat par son renouvellement générationnel. La génération qui a vécu la guerre (même dans l’enfance) et les guerres coloniales est aujourd’hui résiduelle ; la génération suivante, les boomers (nés entre 1942 et 1962) a été politisée et socialisée dans le rejet absolu de la guerre, du vichysme, du militarisme, du nationalisme et de ce que l’on appelle l’extrême droite. L’assimilation entre Le Pen père, l’extrême droite, Vichy et les guerres coloniales a joué à plein régime sur ces générations, comme un antidote politique, diffusé sans modération par les élites, les médias et les institutions (Églises, partis, école) depuis les années 80. Ce cycle s’épuise.
Pour la génération de la crise (née entre 1963 et 1985), la deuxième guerre mondiale et les guerres coloniales n’ont pas été vécues mais apprises… D’autres réalités l’ont socialisée : la chute du communisme, la crise économique, le chômage de masse, la montée de la délinquance, la crise de la laïcité sous le coup de l’islam politique, le terrorisme et les guerres au Moyen-Orient, l’impuissance politique, etc. Cette génération est d’après les sondages sortis des urnes la plus favorable au RN.
Enfin, chez les jeunes générations d’électeurs, vingtenaires et trentenaires, la ligne de fracture semble être un mixte entre le monde du travail et le niveau d’étude : l’extrême gauche y fait son miel chez ceux qui ne travaillent pas encore, les étudiants et les plus diplômés ; tandis que les autres sont polarisés par le RN. Le centrisme des « anciens » (républicain, socialiste ou macronien) y a presque disparu.
De sorte que chaque année, des centaines de milliers d’électeurs de partis modérés disparaissent en haut de la pyramide, tandis que les partis les plus polarisés élargissent leur base… La jeunesse est minoritaire dans l’électorat, mais elle imprime ainsi sa marque.
Près de dix ans après la première élection de Macron, l’électorat s’est profondément renouvelé. Le plafond de verre générationnel s’estompe mécaniquement année après année.
Front Populaire : Avec cette évolution du vote RN, quelles différences (catégorie sociale, âge, sexe, revenus) existe-t-il encore entre son électorat, celui de Reconquête! et celui des Républicains ? Peuvent-elles disparaître à moyen terme pour laisser place à un rassemblement plus large de la droite (si l’on considère le RN comme un parti de droite, ce que ses dirigeants récusent officiellement) ?
Pierre Vermeren : Sur le premier point, je relève des variations territoriales qui s’estompent, mais qui n’ont pas disparu. Il y a un survote RN dans le Nord, l’Est, les DROM et le bassin parisien hors Île-de-France. Dans cette dernière, tout se cumule contre ce parti : peu d’ouvriers et de ruraux pauvres ; un des plus hauts niveaux de vie d’Europe ; une population immigrée considérable (le tiers de la population immigrée de France), etc.
Dans l’ouest et dans les vieilles régions catholiques et sociales-chrétiennes (Auvergne, Savoie, Pays Basque…), le vote en faveur du RN est aussi moindre. Enfin, les 12 principales métropoles (1 quart de la population mais les deux tiers des cadres et des immigrés) ne sont pas – sauf exception comme Nice et Marseille – favorables au RN. A l’inverse, Les Républicains (électorat aisé et âgé) et Reconquête! (électorat jeune et bourgeois) se recrutent dans les métropoles et les régions de vieille tradition catholique. Ainsi, malgré une homogénéisation tendancielle sur le territoire national, des différences marquées subsistent sur le terrain entre ces trois forces (Paris n’est pas près de voter RN…), et rien ne dit que cela va changer. Localement, il est désormais probable en revanche que les électeurs des partis dominés votent pour celui qui est en tête : c’est ce qu’on vient d’observer dans le Tarn-et-Garonne.
Front Populaire : Après les élections législatives anticipées de 2024, les différentes enquêtes montraient que plus de 40% des 18-24 ans avaient voté pour le Nouveau Front populaire (NFP), plaçant ainsi la gauche en tête, tout comme les 25-34 ans. Est-ce à dire qu’il y a un boulevard pour les prochaines élections pour la gauche ?
Pierre Vermeren : Non car c’est un vote minoritaire pour différentes raisons : la baisse démographique qui remonte aux années 1980, le haut niveau d’abstention des jeunes dans les classes populaires, chez les jeunes inactifs en particulier – il y a en France 3 millions de NEET (personnes ni en emploi, ni en études, ni en formation, ndlr) –, et plus encore chez les jeunes issus de l’immigration ; à quoi il faut ajouter un survote des personnes âgées, dans un pays où l’électeur médian a 55 ans…
Ce n’est pas un signe de vitalité, mais l’électorat de la jeunesse est assez modeste.
Le centre est affaibli, mais il fera in fine l’élection (…).
Front Populaire : Avec l’effondrement de la Macronie, quid de l’électorat du centre ?
Pierre Vermeren : Le centre est souple et interchangeable comme l’a prouvé sa fusion dans le macronisme. Toute une frange de l’électorat, à droite, au centre comme à gauche, est rétive à LFI comme au RN. Dans une présidentielle qui s’annonce serrée, c’est pourtant ce centre, qui circule entre LR, Modem, macronistes, UDI et PS qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre : en faveur des droites ou en faveur des gauches. Le centre est affaibli, mais il fera in fine l’élection, même si aucune des deux solutions (celle dominée par le RN ou celle dominée par le centre gauche à ce stade) ne lui convient vraiment à l’arrivée. ■
Nicolas Granié, Pierre Vermeren
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Si nos anciens pour ne pas dire les vieux qui ont vécus la guerre idiote de l’Algérie sont surpris désagréablement par l’invasion actuelle continue d’étrangers islamisés qui viennent conquérir le pays aidés par nos élus, se sont les jeunes qui la subissent de plein fouet.
Ils semble que chez ces jeunes l’esprit Judéo-Chrétien se réveille. Espérons le puissant, car seul un peuple uni, des peuples unis par notre culture européenne judéo-chrétienne doit et doivent être capable d’affronter la colonisation espérée par la gauche caviar française . Le seul qui dit ceci c’est Eric Zemmour .
Jeunes Européens, c’est la culture de nos ancêtres qui nous a mené à l’I.A. Vous devez changer de formation, d’éducation, de culture afin de vous ouvrir au monde nouveau qui se présente, au lieu de vous rendre esclave de pensées dépassées.