
M. Payan ne le sait apparemment pas, il est donc de notre devoir de le prévenir : les babouches qu’il lèche avec tant d’ardeur sont les mêmes qui, le moment venu, le propulseront sur orbite.
Par Didier Desrimais*.

Cet article est paru dans Causeur le 4 de ce mois. Didier Desrimais, selon sa méthode, décortique son sujet avec grande précision : l’histoire du maire – « clientéliste » – de Marseille, de sa déconvenue, du désespoir des médias dominants, et du succès ainsi assuré à un film catho qui aurait pu rester confidentiel… et qui remplit les salles. JSF
En plus du bouche à oreille, le film catho bénéficie d’un puissant effet Streisand, explique notre chroniqueur. Et au grand désespoir des médias ou du maire clientéliste de Marseille, Sacré-Cœur attire ainsi de plus en plus de pèlerins…

Le documentaire-fiction Sacré-Cœur, de Steven et Sabrina Gunnell, est sorti en salle le 1er octobre. Personne n’aurait dû en entendre parler. Dans leur rêve le plus fou, les réalisateurs espéraient attirer 20 000 spectateurs. Mais MediaTransports, la régie publicitaire de la SNCF et de la RATP, a eu la bonne idée d’interdire la campagne d’affichage envisagée dans les métros et dans les gares, au prétexte que le « caractère confessionnel et prosélyte » de cette œuvre était « incompatible avec le principe de neutralité du service public ». Immédiatement, comme pour le film Vaincre ou mourir, également attaqué par la presse bien-pensante pour des raisons idéologiques[1], l’effet Streisand a marché à plein. Sacré-Cœur est ainsi le seul film à l’affiche qui voit le nombre de ses spectateurs augmenter semaine après semaine, pour dépasser bientôt les 300 000. Prévu au début pour être diffusé dans 150 salles, il l’est aujourd’hui dans plus de 400.
Le Monde, La Croix et Radio France se pincent le nez
On enrage dans les rédactions des médias mainstream. Il faut trouver un coupable à ce succès. Un nom brûle les lèvres des journalistes du Monde. « Le documentaire-fiction consacré à la vie d’une mystique a dépassé les 250 000 entrées après les polémiques entourant sa sortie, relayées par les médias de la sphère Bolloré », écrit-on dans le quotidien du soir en oubliant de dire à qui l’on doit ces fameuses polémiques et pour quelles raisons seule la « sphère Bolloré » en a parlé. Les journalistes de Radio France copient sur leurs petits camarades : « Plus de 278 000 entrées en quatre semaines. Le film chrétien Sacré-Cœur, objet de polémiques autour de la laïcité à sa sortie, continue de remplir les salles grâce à un bouche-à-oreille actif dans les paroisses et au soutien des médias de la galaxie Bolloré », peut-on lire sur le site de France Info. Comment ? On parle d’un film sur Jésus dans les paroisses ? C’est inadmissible. La fachosphère est sûrement derrière tout ça. D’ailleurs, un obscur « collectif catholique » composé de douze paroissiens égarés appelle à un nouveau barrage contre l’extrême droite dans une tribune[2] parue ce 30 octobre dans… La Croix : « Ne participons pas, à travers ce film, à renforcer le lien entre extrême droite et catholicisme. Il ne s’agit pas ici de faire la critique d’un film mais de montrer ce que ses soutiens disent de lui. » S’il s’agissait de freiner l’ardeur de potentiels spectateurs, c’est raté. Immédiatement après la parution de cette tribune, devant l’affluence renouvelée, des salles de cinéma qui projetaient déjà le film ont ajouté des séances, et d’autres, qui ne l’avaient pas mis à l’affiche, se sont portées candidates pour le programmer. Quant à Libération, le journal tient à faire savoir que Sacré-Cœur « a été cofinancé et largement promu par les médias du milliardaire conservateur » mais omet de préciser que le milliardaire conservateur en question co-finance chaque année, via Canal +, des dizaines de films qui n’évoquent ni de près ni de loin la vie de Jésus et seraient plutôt les relais de l’idéologie woke et de la propagande immigrationniste. Peu importe d’ailleurs, Sacré-Cœur attire de plus en plus de pèlerins.
Censure municipale
Nous atteignons le summum de la bêtise avec l’impayable Benoît Payan. Le maire de Marseille a en effet fait interdire la projection du film dans le cinéma du château de la Buzine régi par la commune en invoquant la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 et la laïcité. La justice, saisie par le sénateur Stéphane Ravier et les réalisateurs du film, a immédiatement annulé la décision de M. Payan en estimant que « la seule diffusion d’une œuvre cinématographique susceptible de présenter un caractère religieux dans un cinéma municipal exploité en régie ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de laïcité », et en bottant les fesses du censeur : « Le maire de Marseille a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques. »
La gauche a toujours aimé censurer. M. Payan et ses adjoints n’échappent pas à la règle. Rappelons cet épisode édifiant : en 2021, la municipalité de Marseille dirigée depuis quelques mois par M. Payan supprimait du site internet de la ville la dizaine de podcasts historiques réalisés par Franck Ferrand à la demande de l’ex-municipalité de droite et portant sur Marcel Pagnol, l’invention du savon de Marseille ou la peste de 1720 qui avait touché la ville. « Ce n’est pas le contenu de ces podcasts qui pose problème, c’est leur auteur », avouait-on dans l’entourage de Jean-Marc Coppola, l’adjoint chargé de la culture, un communiste de pure obédience jdanovienne. Que reprochait-on à Franck Ferrand ? D’avoir une chronique hebdomadaire dans Valeurs Actuelles et d’intervenir sur Radio Classique et sur CNews dans des émissions portant sur l’histoire. La mairie de gauche aurait préféré que soit embauché un journaliste plus ou moins féru d’histoire écrivant pour Libé ou L’Humanité et animant une émission historique de tendance boucheronnienne sur l’audiovisuel public. Le contenu des podcasts aurait sans doute été de médiocre qualité mais au moins le maire de Marseille et son adjoint communiste n’auraient pas eu à demander à cet auteur : « D’où tu parles, camarade ? », tant il aurait été évident qu’il parlait de la gauche médiatico-culturelle la plus sectaire et la plus doctrinaire.
Proche d’Olivier Faure et membre du parti socialiste jusqu’en 2020, soutien de Benoît Hamon lors des présidentielles de 2017, allié des écologistes, des communistes et des insoumis lors des dernières élections municipales, M. Payan est très strict sur la séparation des Églises et de l’État. Enfin, surtout sur la séparation de l’Église catholique et de l’État… Car pour ce qui concerne une certaine religion d’amour, de paix, et de tolérance, il semblerait bien que M. Payan soit plus souple, beaucoup plus souple, beaucoup, beaucoup plus souple…
Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau
En avril 2024, le maire de Marseille s’est en effet rendu dans une des 71 mosquées que compte la ville, celle de Frais-Vallon, dans les quartiers nord, pour rompre le jeûne du ramadan avec les fidèles et participé aux prières. Il a pris la parole pour évoquer le Coran : « Ce qui est écrit dans ce livre est quelque chose de très beau. Il nous permet de partager des choses, de penser aux vivants, de penser à ceux qui ne sont plus là, de faire circuler des choses, des bonnes actions, des bonnes paroles. » L’ambiance étant au partage, à la bienveillance et au cirage de babouches, il a promis de « céder le terrain à côté de la mosquée » – par le biais d’un bail emphytéotique avantageux – afin de faire une « belle et grande mosquée ». Les électeurs musulmans applaudirent avec des sourires en coin.
En mai de la même année, le premier voyage officiel de M. Payan a eu pour destination Alger. Là, il a été reçu par le président algérien, M. Tebboune, avec lequel il s’est entretenu pendant trois heures. Sur quels sujets ? Nul ne sait, l’entourage du maire se contentant d’affirmer que « le président Tebboune a bien saisi l’intérêt de faire discuter Marseille et Alger ». Le président Tebboune savait surtout à qui il avait affaire ; il avait sûrement lu la presse algéroise qui rapportait les propos tenus par Benoît Payan le matin même sur la terrasse de l’hôtel El Aurassi où il logeait : « Quand je me suis réveillé ce matin, j’ai cru que j’étais chez moi, à Marseille. » Il a dû sourire, convaincu que M. Payan était bien ce qu’il semblait être, un politicard de la pire espèce, un combinard sans aucun scrupule, prêt à tout pour se faire réélire, et donc peu enclin à venir l’embêter en évoquant par exemple, pour les remettre en cause, les accords franco-algériens de 1968. Il ne s’était pas trompé. À la suite de cette visite, M. Payan et ses alliés politiques et culturels marseillais ont multiplié les gestes en faveur de l’électorat musulman marseillais issu majoritairement d’Algérie.
Le 4 mars 2025, l’édile marseillais qui, rappelons-le, n’hésite jamais à brandir la laïcité quand il s’agit de recadrer les cathos, s’est invité en plein ramadan dans la mosquée des Cèdres, sise elle aussi dans les quartiers nord de la ville. « Sans les musulmans, Marseille ne serait pas Marseille. Sans vous, nous ne sommes pas Marseillais », a-t-il déclaré avant d’admonester ceux qui critiquent l’islam : « Beaucoup de ceux qui donnent des leçons aux musulmans devraient apprendre de ce qui est écrit dans les sourates qui peuvent nous éclairer sur le monde. » Le président de la mosquée a eu bien du mal à retenir ses larmes… de rire : l’allégeance au texte coranique d’un kouffar est une grande source de joie, surtout lorsque celui-ci promet de faciliter l’agrandissement de la mosquée dans laquelle il se soumet publiquement. L’agrandissement en question a été débattu lors d’un conseil municipal houleux au cours duquel M. Payan a affirmé que, dorénavant, il aurait recours à un avocat pour « observer, regarder à la loupe » tous les propos concernant l’islam ou les musulmans lors des prochaines réunions du conseil municipal et de « faire condamner » les élus tenant des « propos racistes et anti-musulmans » – quand on sait que critiquer la charia constitue déjà à ses yeux un délit…
Le 8 mai dernier, M. Payan a décidé qu’il animerait une cérémonie de « commémoration de l’autre 8 mai 1945 » afin de « faire reconnaître officiellement les massacres commis en Algérie ». Cette commémoration a été instaurée par Abdelmadjid Tebboune en 2020 et n’avait encore jamais officiellement eu lieu à Marseille. Mais les élections municipales approchent. Tout est bon pour appâter les électeurs de confession musulmane, principalement ceux d’origine algérienne, de loin les plus nombreux. Dans l’entourage de M. Payan, on s’affaire. Des événements communautaristes pro-algériens ont régulièrement lieu. Du 28 octobre au 2 novembre derniers, l’association Marseille 3013, un collectif d’artistes marseillais, a par exemple mis son local à la disposition du consulat d’Algérie dans le cadre d’une « semaine culturelle algérienne » se tenant pour la première fois dans la cité phocéenne. Des élus de gauche sont venus admirer (et embrasser ?) les drapeaux algériens pavoisant les murs de la salle accueillant des animations, des expositions et des conférences à la gloire de l’Algérie et de l’immigration algérienne. Il faut noter que cet événement s’est déroulé un mois seulement après l’expulsion de 12 employés diplomatiques français d’Algérie et alors que les nouvelles concernant l’état de santé de Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie, sont de plus en plus inquiétantes. Entre parenthèses, le sort de Boualem Sansal ne semble pas non plus intéresser outre mesure notre ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, lequel vient de réussir l’exploit de donner une interview au Parisien, en partie consacrée au dossier algérien, sans jamais citer le nom de l’écrivain. S’il regrette « les conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote » à l’Assemblée nationale entérinant la résolution du RN visant à réviser les accords de 1968 avec l’Algérie, il reconnaît toutefois que jamais les relations avec les autorités algériennes n’ont été aussi mauvaises. Mais « il y a des signaux » positifs, d’après M. Nuñez : le ministre de l’Intérieur algérien lui a en effet écrit pour l’inviter… Combien de temps encore va durer cette humiliante mascarade ?
De curieux bouffeurs de curés
Mais revenons pour conclure au film Sacré-Cœur. M. Payan savait sans doute que sa décision de faire interdire la projection de cette œuvre dans le cinéma du château de la Buzine serait retoquée par un juge. Peu importe, le véritable but de cette démarche était évidemment d’afficher au grand jour une christianophobie – réelle ou feinte, peu importe – contentant nombre de ses électeurs, et pas que ses électeurs musulmans. Une grande partie de la gauche a vu en effet d’un bon œil la décision du maire de Marseille, lequel aurait « suivi la loi de 1905, sur la laïcité dans les lieux publics », tandis que la « fachosphère [qui] s’est émue de l’annulation » aurait exagéré « le trait au profit de ses obsessions idéologiques », selon L’Humanité. L’islamo-gauchisme est une réalité. Pour complaire à l’électorat musulman, une partie de la gauche, toujours à l’affût d’actes « islamophobes », fait fi des actes anti-chrétiens qui se multiplient en France – agressions, vandalisme, profanations d’églises et de cimetières, incendies, dégradations ou vols d’objets liturgiques, comportements impies dans des lieux saints (dernièrement encore dans l’abbatiale de Moissac), etc. – et se dit favorable à la suppression des noms donnés aux vacances scolaires en référence à notre histoire chrétienne ou des jours fériés liés à la religion catholique. Les bouffeurs de curés se sont transformés en adorateurs d’une religion qui les mangera tout crus lorsqu’elle sera parvenue à ses fins. M. Payan ne le sait apparemment pas, il est donc de notre devoir de le prévenir : les babouches qu’il lèche avec tant d’ardeur sont les mêmes qui, le moment venu, le propulseront sur orbite. Où il ne sera pas près d’arrêter de tourner… ■ DIDIER DESRIMAIS
[1] https://www.causeur.fr/vaincre-ou-mourir-le-film-du-puy-du-fou-effet-streisand-253926
[2] https://www.la-croix.com/a-vif/sacre-cour-ne-participons-pas-a-travers-ce-film-a-renforcer-le-lien-entre-extreme-droite-et-catholicisme-20251028













