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Par Charles-Christian Bouvier.
Il y a des tendances lourdes difficilement arrêtables. Le rejet grandissant, en France – mais aussi partout en Europe – de la structure technocratique de Bruxelles, plus précisément de l’U.E., semble être de ces tendances-là. Un slogan assez stupide, qui nous était proposé naguère dans notre propre mouvance, consistait à réclamer « Moins d’Europe ! ». Il a fait long feu, dépassé par la montée des populismes à travers tout le Continent. De l’Europe bureau-technocratique de Bruxelles, il est évident qu’il ne faut pas discuter en termes de degrés. Il n’en faut pas « moins » ; il n’en faut « pas du tout ». C’est, en tout cas, le sentiment qui monte parmi les Français comme chez leurs voisins, plus censés qu’on ne le croit parfois. Et c’est le sujet de cet article, simple reflet de l’opinion montante, daté de ce 18 novembre dans Front Populaire. o JSF
CONTRIBUTION / OPINION. Sous couvert d’humanisme, l’Union européenne encourage une immigration massive qui sert d’abord les intérêts du capital. Migrations, dumping social, déracinement… ce « nouvel impérialisme » transforme peuples et migrants en variables d’ajustement d’une mondialisation prédatrice.
« Sommes-nous entrés dans une nouvelle phase de l’histoire coloniale », conduite, non « comme jadis, par des Etats, mais par des firmes transnationales géantes », s’interrogeait le philosophe Edward Goldsmith, dans les colonnes du Monde diplomatique, en avril 1996, dans un texte intitulé : « Une seconde jeunesse pour les comptoirs coloniaux ».
Les migrations, ou, en des mots aseptisés, les « mouvements de personnes », sont, nous dit l’« Europe », essentielles à notre survie. Pour les justifier, on évoque un devoir moral, la solidarité, la liberté d’aller et de venir dans un monde ouvert. D’après la Commission européenne, le pacte sur les migrations permettra de gérer ces dernières dans le respect des droits de l’Homme (Ylva Johansson, discours à l’ONU, le 19 mai 2022). Mais la morale est souvent la justification des conquêtes impériales. Hors les penseurs à gages, les doctrinaires, et les béats subventionnés, nul ne croit encore à ce discours lénifiant. La tradition d’accueil, la compassion, la repentance, l’évolution du monde et des mentalités, ne peuvent masquer la manoeuvre qui est au fondement de cette « oeuvre » : les migrations sont le fruit d’un calcul cynique et opportuniste, à mille lieues de l’antiracisme, de l’angélisme et de l’humanité.
Il n’y a pas d’humanisme à géométrie variable. On ne peut, sans se parjurer, défendre les droits de l’Homme et « tolérer » la barbarie. L’« Europe » sait que la route des migrants est un calvaire parsemé d’épines, de clous, et de croix ; elle sait que des réseaux mafieux y imposent leur loi, organisent des trafics condamnables, plongent des populations fragiles dans un climat de terreur. Le travail forcé, la prostitution, le trafic de drogue, les vols d’enfants, les viols, la violence et les meurtres, miroirs véritables des temps à venir, démasquent l’imposture : infiltrée par « l’Etat profond », amorale et corrompue, la bureaucratie de « Bruxelles » ignore la souffrance des migrants, elle ferme les yeux quand, au coeur de l’« Union » elle-même, l’insécurité, la faim, le froid, le désespoir, tuent des vieillards, des femmes, et des enfants ; elle se rit de la guerre en Ukraine qui, financée par elle, arrache des vies par centaines de milliers ; elle ne s’émeut guère quand, à Gaza ou ailleurs, des innocents sont massacrés à la manière d’un génocide. Pour les technocrates de « Bruxelles », les damnés de la terre ne sont qu’un remou dans le flot de misère qui nourrit les puissants.
Synonyme de déracinement, les migrations constituent le stade final de la « globalisation ». Le capital exigeant un prolétariat mobile et servile, l’« Europe » organise « le grand remplacement », non d’une race imaginaire par une autre, mais des peuples, au sens du latin populus, qui, à travers l’Etat social, redoutent les excès d’un capitalisme sauvage. Telle une délocalisation inversée, elle « importe » une main-d’œuvre exploitée dans les anciennes colonies (lire Saskia Sassen, Mais pourquoi émigrent-ils ?, in Le Monde diplomatique, novembre 2000) pour imposer aux Européens eux-mêmes le statut précaire des populations asservies. Car il n’y a pas d’accueil, au sens généreux du terme, pas d’avenir, d’emploi stable, de salaire décent, de protection sociale, de retraite assurée. Puissance coloniale hier, colonisée aujourd’hui par des firmes prédatrices, la France sombre dans le sous-développement qu’elle infligea, au temps d’une gloire peu glorieuse, à ses anciennes possessions, et sa population, déclassée par un dumping social sans pitié, devient, comme les migrants, étrangère au pays de ses ancêtres. Écrite en lettres de vertu, la « mondialisation heureuse » (Alain Minc) est l’histoire d’une domination nouvelle, d’un colonialisme informel, post-national et planétaire. Présentées comme une chance pour l’Europe, les migrations – on ne dit plus immigration – sont une chance pour les marchands et les marchés.
À la différence des colonies d’antan, où tout était à construire, les pays « d’accueil » disposent d’un outil industriel performant qu’il s’agit de rentabiliser. Démunis de tout, de l’élémentaire, du nécessaire, et du superflu, les migrants assurent à la grande distribution, aux télécommunications, aux transports, au secteur immobilier, un débouché massif créé ex nihilo, financé un temps encore par des Etats surendettés, derniers bastions de l’état de droit. Ainsi, exigée par le patronat allemand, l’« importation » programmée en 2015 de quelque huit cent mille âmes devait permettre la construction d’entre trois cent et quatre cent mille logements, une manne pour les secteurs de l’acier, du béton, et des équipements. Cela signifie que, sous couvert d’humanité, les « mouvements de personnes » se justifient par le seul profit escompté. Et si les chiffres ne satisfont pas les investisseurs, l’outil industriel se délocalisera vers des cieux plus cléments, et les populations désormais confondues – immigrés, indigènes ou primo-arrivants – seront condamnées à une errance nouvelle, à la pauvreté ou, au mieux, à la précarité, comme dans l’Amérique des empires décadents.
Conséquence de la « globalisation », le « citoyen du monde » est désormais de nulle part. Dans la France en liquidation, demain société anonyme, il n’y a plus d’état de droit, de cohérence sociale, d’enracinement, territorial, culturel, et moral, plus de liens solides et solidaires, qui fondent les nations et les civilisations. Il n’y a que des firmes privées et des rapports marchands, des loups assoiffés de puissance et quantité d’affamés, main d’oeuvre précaire sans racines ou Français d’origine, blanche ou noire, sans espoir et sans droits, comme au « temps béni des colonies ». Dans l’« Europe de la paix », qui réclame la guerre, l’Etat implose, la violence explose, le chaos menace, les « migrants » débarquent en hordes et en masse, les voyous colonisent le monde. Et le peuple démissionnaire, aliéné par l’État-providence, dépose les armes sans combattre… o ■ o CHARLES-CHRISTIAN BOUVIER












