
la laïcité est impuissante à fédérer une nation car elle ne comporte pas de dimension substantielle à l’image d’une culture commune.
Par Benoit Dumoulin.

Cet article, fruit d’une pensée construite et qui va bien au-delà de la question des crèches de Noël, sans s’en désintéresser pour autant, est paru dans Le Figaro le 9 décembre. Nous dirions, quant à nous, que nous y voyons l’un des nombreux signes actuels d’un grand retournement des idées, des politiques, des philosophies, se dépassant dans ce souci spirituel et religieux qui frémit et se lève un peu partout dans le monde, notamment dans ses parties les plus infidèles à la Tradition, les plus déréglées, en particulier dans l’Occident décadent. Ce retournement s’opère, grandit, s’affirme, prend de l’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique. Les vieux messieurs attardés dans les charmes — à leurs yeux bien établis — de la modernité tardive et de ses poncifs, de ses modes les plus médiocres, feraient sans doute bien de se rendre compte que leur cycle est probablement en train de finir, et que des principes de vie plus substantiels, plus naturels, plus ancrés dans le meilleur de la Tradition, sont aujourd’hui recherchés à tâtons par une époque lassée de son propre vide. Ce mouvement, déjà puissant en Amérique et encore minoritaire en Europe de l’Ouest, ira-t-il jusqu’à son terme, jusqu’à rétablir un ordre légitime et vrai ? Mais y a-t-il une autre espérance ? Cet article est, nous semble-t-il, écrit dans ce sens. o ■ JE SUIS FRANÇAIS
TRIBUNE – L’arrivée de Noël signifie le retour des différentes polémiques sur l’installation de crèches dans les bâtiments publics. Pour Benoit Dumoulin, enseignant en histoire, la laïcité a été transformée en une idéologie, au lieu de garantir la paix civile.
Benoît Dumoulin enseigne l’histoire des idées politiques à l’Institut catholique de Paris.

Alors que nous célébrons le 120e anniversaire de la loi du 9 décembre 1905, nous assistons depuis quelques décennies à une véritable offensive des partisans d’une laïcité sectaire qui confine au laïcisme : recours systématiques contre l’installation de crèches de Noël dans les mairies de la part de la Ligue des Droits de l’Homme ou de la Fédération de la Libre pensée, volonté d’éradiquer le patrimoine chrétien de l’espace public (recours juridictionnels contre la statue de la Vierge Marie sur l’île de Ré, de saint Michel aux Sables-d’Olonne, ou de saint Louis à Bourbon-Lancy), invisibilisation des marqueurs culturels chrétiens de notre calendrier et remplacement de Noël par l’expression vide de sens de « fêtes de fin d’année », volonté de rallumer la guerre scolaire en remettant en question le caractère propre de l’enseignement catholique sous contrat d’association avec l’État.
Cette prétention totalitaire à vouloir effacer notre mémoire commune – qui rappelle furieusement le précédent révolutionnaire de 1793 avec l’instauration du calendrier républicain – est un détournement du principe de laïcité qui vide la société de toute dimension religieuse : « La dérive à laquelle on assiste expliquait l’historien Jean Baubérot dans les colonnes de Libération il y a quelques années, consiste à faire glisser l’obligation de neutralité de l’État vers la société elle-même ». Or, cette vision est doublement problématique : d’abord, elle dépossède les citoyens de leur propre passé. Ensuite, elle crée un vide culturel que viennent remplir, chacun à leur manière, l’islamisme et les idéologies séculières.
La visibilité de l’islam dans l’espace public devient le prétexte tout trouvé pour réactiver une laïcité de combat qui, à vrai dire, a toujours cohabité dans notre pays avec une laïcité raisonnable puisqu’on trouve la trace de cet affrontement dans les dispositions de la loi de 1905. Si l’article 1er relève d’une volonté d’apaisement en proclamant la liberté de conscience et de culte, l’article 28, en revanche, interdit tout symbole religieux sur des emprises publiques à l’exception des églises, musées ou cimetières. C’est sur ce fondement que sont introduits les recours contentieux actuels contre les statues des saints, les calvaires ou les crèches érigés dans l’espace public après 1905. Il y a quelques années, le sénateur LR Stéphane Le Rudulier a voulu modifier – en vain – cet article afin de faire obstacle à la jurisprudence du Conseil d’État sur les crèches de Noël. Quelques mois plus tard, il a proposé d’introduire les racines judéo-chrétiennes à l’article 1er de la constitution afin de sanctuariser notre culture commune et justifier la place de choix qu’elle occupe dans notre patrimoine matériel et immatériel.
Le christianisme qui a fondé la distinction des ordres spirituels et temporels, chacun d’eux fonctionnant selon leurs règles propres avec des dirigeants distincts.
En étant dirigé contre le christianisme, la laïcité fait fausse route car elle scie la branche où elle-même se trouve assise. En effet, c’est le christianisme qui a fondé la distinction des ordres spirituels et temporels, chacun d’eux fonctionnant selon leurs règles propres avec des dirigeants distincts. Par sa réflexion sur l’autonomie de la raison et sa capacité à connaître des vérités naturelles sans le secours de la foi, Thomas d’Aquin a fondé, au XIIIe siècle, la possibilité théorique d’un espace commun qui ne fait pas appel aux arguments d’autorité mais repose sur une loi naturelle mutuellement partagée entre les hommes et que la foi chrétienne ne fait que conforter dans l’ordre de la grâce. Cette autonomie des réalités temporelles – qui n’est jamais une indépendance totale – est le propre du christianisme.
De plus, la laïcité se retourne contre l’objectif qu’elle est censée servir quand elle se mue en idéologie puisque au lieu de garantir la paix civile, elle devient source de tensions. Certains voudraient qu’elle devienne le fondement ultime d’une société atomisée et multiculturaliste, en proie à la sécession et au séparatisme, sous le poids conjoint d’un islamisme conquérant et d’une culture française déconstruite. Mais la laïcité est impuissante à fédérer une nation car elle ne comporte pas de dimension substantielle à l’image d’une culture commune. Elle constitue, par essence, un exercice de soustraction en ce qu’elle consiste à retrancher le religieux d’un espace commun afin qu’il puisse être l’apanage de tous, quelles que soient les convictions religieuses de chacun.
Fruit de compromis fragiles, la laïcité doit rester une praxis fondée sur un jugement prudentiel qui vise le bien commun ; elle est un moyen et non une fin, sans quoi elle risquerait de devenir « une vertu chrétienne devenue folle » pour reprendre l’expression de Chesterton. Car, si elle peut constituer, dans certains cas, une zone tampon qui garantit la paix civile entre plusieurs antagonismes religieux, elle s’éloigne de son fondement quand elle se mue en idéologie pour devenir à elle-même sa propre justification. Et, in fine, elle ne peut pas constituer le fondement ultime d’une société qui reste toujours ancrée dans une transcendance religieuse qui dépasse l’homme et le constitue en même temps. o ■ o BENOÎT DUMOULIN












Hanoukka à Paris -7e
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1 – place Jacques Rueff – samedi 13 décembre, à partir de 20 h.
Un rassemblement dans le cadre de l’allumage public organisé à l’occasion de la fête de Hanoucca aura lieu place Jacques Rueff, le samedi 13 décembre, à partir de 20 h.
La tenue de cette manifestation entraînera la neutralisation de la circulation des véhicules motorisés place Jacques Rueff, entre 18 et 23 heures.
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2 – place René Char – Lundi 15 décembre 2025 :à partir de 20 h.
Un rassemblement dans le cadre de l’allumage public organisé à l’occasion de la fête de Hanoucca aura lieu place René Char, le lundi 15 décembre, à partir de 20 h.
La tenue de cette manifestation entraînera la neutralisation de la circulation de tout véhicule motorisé dans la partie centrale de la place René-Char, dans le sens Nord-Est vers le Sud-Ouest, entre 18 et 21 heures.
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