
Par Xavier Raufer.
Cette contribution de Xavier Raufer pour un bilan du quinquennat Macron en matière de sécurité est parue sur Atlantico. le 29 mars. Lucide et documentée comme toujours. ![]()
Lutte contre la criminalité, violence sociale, trafic de stupéfiants … Selon un sondage du Figaro du 7 février, une grande majorité de français sont mécontents du bilan sécuritaire d’Emmanuel Macron
Lutte contre la criminalité, en général – Les Français sont mécontents du quinquennat Macron (Le Figaro, 7/02/2022) :
– Maintien de l’ordre (mauvais, très mauvais) : 65% des Français
– Agressions des personnes (mauvais, très mauvais) : 71% des Français
– Vols et cambriolages (mauvais, très mauvais) : 68% des Français
Un symptôme de l’impunité du crime organisé : « forte hausse des règlements de comptes en France en 2021 », + 46% sur 2020. En 2021, ± 80 assassinats (entre malfaiteurs) en France, dont 40% dans les Bouches-du-Rhône et à Marseille.
En France, la violence sociale s’aggrave – Dans les nombreux quartiers hors-contrôle et alentours, parfois jusqu’au centre des villes, y compris moyennes, des bandes ou meutes ravagent leur environnement, véhicules brûlés, pneus crevés, trafics dans les rues, incendies de conteneurs à ordures et de mobilier urbain, rodéos nocturnes, agressions et menaces de passants, etc. Côté rodéos, « ils sont, sur le terrain, toujours aussi nombreux », notamment dans les « quartiers sensibles » du Nord, de la Seine-et-Marne, du Rhône, de la Gironde et de l’Isère.
Aussi, multiplications des squats et des bidonvilles, souvent criminogènes,
Enfin, dans la « zone gendarmerie » (villes moyennes et campagnes), le nombre des « coups et blessures volontaires » et des cambriolages, s’aggrave chaque année.
Lutte contre le trafic de stupéfiants – Sondage de la Commission européenne (été 2021) : 76% les Français considèrent le trafic des stupéfiants comme un problème grave et qui empire. Dans l’UE, les Français sont les 2e plus inquiets à ce sujet. Le 7 février 2022 (dans Le Figaro), les sondés estiment « mauvais/très mauvais » le bilan du quinquennat Macron en matière de drogues, à 73%.
Vanté par M. Darmanin et la préfète de police de Marseille, le « pilonnage » des lieux de trafics (ou « fours ») est futile. Exemples récents : pour les policiers de terrain, Saint-Ouen (93), est un « four » à ciel ouvert. La police y passe, les dealers restent. On en arrête un ? « 30 minutes plus tard, dit un flic de base, un autre prend sa place ». [Autre policier] « Les lieux de deal se reconstituent dès le lendemain. Ils n’hésitent pas à nous cracher au visage ». Fin 2021, « coup-de-poing » contre un gros « four » de Seine-Saint-Denis. Le lendemain, dit un voisin : « Y’a déjà des gars qui sont revenus ; c’est comme les cafards ». Les Narcos se moquent tant de l’Intérieur qu’ils font à présent la publicité de leurs « fours » sur les réseaux sociaux, avec adresse et heures d’ouverture.
Même agitation factice pour la répression de la prostitution des mineures. Le patron d’un hôtel du Neuf-Trois : « Quand la police vient, ça se calme pendant une ou deux heures. Mais les proxénètes reviennent toujours et sont très menaçants ».
Marseille « laboratoire de la sécurité du gouvernement » – Échec sévère. Malgré les visites constantes de MM. Macron, Castex et Darmanin, les règlements de comptes s’y poursuivent imperturbablement dans les quartiers nord hors-contrôle, où le prix des doses de drogue n’augmente pas, cet indice prouvant seul que le « pilonnage » fait mal aux dealers. En outre : cambriolage (logements) à Marseille, de 2017 à 2021 : + 13% ; violences dans l’espace public, + 10%.
Toujours plus de ces infractions qui exaspèrent les Français
– Les vols par ruse ou « à la fausse qualité », surtout aux domiciles de gens âgés, explosent. Ils sont d’abord le fait de nomades, mobiles, agissant dans plusieurs pays d’Europe et peu réprimés.
– Siphonage de carburant par des gangs allogènes : poids-lourds, pipe-lines, cuves, réservoirs d’engins de chantier, de tracteurs, d’autobus ; dans des stations-services – voire braquages de camion-citerne : forte hausse. Dans l’Ain, plus de cent plaintes en janvier-février 2022.
– Vols des pots catalytiques des véhicules (contenant un peu de palladium & rhodium, métaux précieux). Des gangs des pays de l’Est déplacent ou retournent les véhicules et scient les pots. Des dizaines de plaintes dans chaque département, notamment dans l’est de la France.
– Cambriolages en série (Géorgiens, Albanais, faux « Mineurs isolés »). Nouvelle technique : ils cisaillent les câbles électriques des portails et garages pour pénétrer les domiciles ; ce, partout en France désormais.
– Pillage des chantiers du bâtiment-travaux-publics et vol de métaux, d’outils onéreux, etc. Cas les plus fréquents : les quartiers nord de Marseille et alentours dans les Bouches-du-Rhône.
– Vol en série dans les fermes et élevages : agneaux, chevreaux, poules, etc., par des nomades. En un an, pour la seule Loire-Atlantique : 340 vols d’ovins, chez des éleveurs modestes, incapables de financer de lourds systèmes protecteurs, à l’échelle d’une ferme.
Tricheries et falsifications du ministère de l’Intérieur
Promesses de renforts de policiers sur le terrain : Seine-Saint-Denis (« Rapport sur les moyens de l’État dans le 93 »). Malgré les promesses de M. Darmanin, le département passant de 1,5 million à 1,63 million d’habitants, il y avait en 2007 un policier pour 358 habitants ; en 2021, un pour 457. Côté cadres de la police, (dans le 93, toujours) en 2007, 273 commissaires et officiers ; en 2021, 138. Toutes fonctions confondues, – 15% de policiers dans le département, de 2007 à 2021.
Résultats dont M. Darmanin se vante tant : en fait, des « Infractions révélées par l’action des services » (IRAS). L’Intérieur ne mesure plus la criminalité en France, mais son propre boulot ! Comme si le médecin prend sa propre température et non pas celle de ses patients – et se réjouit ensuite de leur bonne santé…
Les statistiques de l’Intérieur reposent sur « L’État 4001 », formulaire que tout commissariat ou gendarmerie remplit à chaque infraction constatée, « zone police » comme « zone gendarmerie ». S’agissant des cambriolages, cet état 4001 comporte quatre lignes :
– Ligne 30 : lieux d’habitations, (appartement, etc.),
– Ligne 31 : locaux industriels, commerciaux ou financiers,
– Ligne 32 : autres lieux (maisons de campagne, hangars agricoles, locaux administratifs, etc.).
– Ligne 35, entrée par ruse (sans effraction).
Avant les années COVID, la ligne 30 (logements) représente 58% du total ; le reste (lignes 31, 32 & 35), 42%. Or en temps de pandémie (confinements, couvre-feux, peur des contagions, etc.) les gens restent chez eux. D’autres travaillent plus à domicile. Ainsi : Paris + Petite couronne, 2020 sur 2019, cambriolages de logements, – 23% ; lignes 31, 32, 35, + 40%. Idem dans le Nord : ligne 30, – 19% ; lignes 31, 32, 35, + 28%.
Fin 2021, l’Intérieur ne publie que la ligne 30 (logements) et ose claironner que les cambriolages ont diminué ! En fait, là ou l’Intérieur annonce 100 cambriolages, il y en a au minimum 142.
En outre, des Bordelais indignés alertent que « la police décourage les plaintes pour effractions, et recommandent les mains courantes » … absentes des statistiques. Vérification faite, cette pratique malhonnête est fréquente en province. ■
Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue.
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)












