
Par Alexandre Devecchio, pour Le Figaro Magazine.
Cet article d’Alexandre Devecchio est paru dans le Figaro magazine et FigaroVox il y a trois jours. Nous le livrons tel quel aux lecteurs de JSF. Il devrait ébranler le camp démocrate étatsunien mais aussi les convictions de ceux qui croient en la démocratie religieuse. En sa transcendance sur le sentiment populaire. Il leur faudra en rabattre. La conclusion d’Alexandre Devecchio est pour constater la faillite de la démocratie. Nous lui laissons la responsabilité de cette assertion iconoclaste. JSF


Si Biden n’était plus qu’un pantin à la Brejnev, alors qui, durant quatre ans, a gouverné les États-Unis ?
CHRONIQUE – L’enquête de deux journalistes révèle que l’état de santé de l’ancien président américain, alors inapte à exercer ses fonctions, aurait été dissimulé.
C’est sans doute l’un des plus grands mensonges d’État de l’Histoire de nos démocraties modernes. Mais aussi un cas flagrant de déni médiatique. Dans un livre, intitulé Le Péché originel, paru cette semaine aux États-Unis, deux journalistes américains reconnus révèlent ce qui était pour beaucoup une évidence : Joe Biden n’avait plus toute sa tête durant une bonne partie, voire la totalité de son mandat.couvrir

Pour les auteurs de cette enquête, Jake Tapper, présentateur sur CNN, et Alex Thompson, du média d’investigation Axios, le déclin cognitif du président américain aurait même débuté avant son élection : dès 2015, après la mort de son fils Beau. Les deux journalistes écrivent que pendant la campagne de 2020, Joe Biden avait besoin pour mener de simples interviews d’une « assistance considérable ».
Le livre insiste notamment sur « le choix désastreux » de l’ancien président de se représenter. Selon eux, si Biden avait annoncé suffisamment tôt qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat, le Parti démocrate aurait pu organiser une primaire et faire le choix d’un candidat capable de battre Donald Trump. « Il a volé une élection au Parti démocrate », souligne ainsi dans le livre « un stratège » du parti. N’est-ce pas plutôt le Parti démocrate qui a volé une élection au peuple américain ?
En vérité, en soutenant en 2020 un Biden inapte à exercer ses fonctions, puis en dissimulant coûte que coûte son état de santé une fois celui-ci installé à la Maison-Blanche, le Parti démocrate et les médias progressistes se sont rendus complices d’une forme de coup d’État.
Questions démocratiques
Faire de Biden le seul bouc émissaire de la défaite des démocrates en 2024 est un peu facile et inélégant à l’égard d’un homme manifestement sénile qui lutte aujourd’hui contre un cancer. Ceux qui l’ont soutenu en connaissance de cause en 2020 sont tout aussi responsables, de même que la presse progressiste qui a maintenu durant quatre ans une chape de plomb sur l’état de santé du président américain.
Et se focaliser sur la seule défaite des démocrates, c’est passer à côté d’enjeux beaucoup plus essentiels pour la démocratie. Il reste, en effet, beaucoup de questions majeures sur le plan démocratique que le livre ne pose pas frontalement.
Pourquoi a-t-il fallu attendre la réélection de Trump pour que le « système médiatique » cesse de nier cette réalité ? Pourquoi tous ceux qui ont effleuré le sujet ont-ils été rangés dans la catégorie des « complotistes » ? L’appareil d’État, le Parti démocrate et la presse de gauche ont-ils participé consciemment à une entreprise de dissimulation pour empêcher le retour de Trump au pouvoir ? Enfin, si Biden n’était plus qu’un pantin à la Brejnev, alors qui, durant quatre ans, a gouverné les États-Unis ?
À l’heure où beaucoup d’observateurs dénoncent, souvent à raison, les approximations ou les « fake news » du président républicain, les révélations sur le mandat de Biden ont tout de même le mérite de nous rappeler que les trumpistes n’ont pas le monopole du mensonge. Et que le Parti démocrate n’a pas celui de la vérité. Les omissions de l’Administration et des médias progressistes, loin d’avoir empêché le retour de Trump, n’ont fait que nourrir son discours et accroître la défiance des Américains à l’égard de leurs institutions. En définitive, la dissimulation de l’état de santé de Joe Biden a moins précipité la défaite des démocrates que la faillite de la démocratie. ■ ALEXANDRE DEVECCHIO