
Sciences-Po, fleuron de l’élitisme républicain ?
Par Jean-Paul Brighelli.

Cet article est paru dans Causeur tout juste avant-hier, 26 juin. Il se suffit à lui-même. Il dit avec le talent et l’intelligence que l’on connaît et reconnaît à Jean-Paul Brighelli, à peu près tout ce que nous pensons tous sur la chute caractérisée des plus hautes institutions de la société française et du Régime censé la conduire. Nous n’ajouterons rien. Les lecteurs commenteront s’il y a lieu. Et il aurait sûrement lieu de le faire, au-delà du sujet lui-même, sur tel ou tel point de l’actualité. Je Suis Français
Peut-être votre rejeton envisage-t-il, dans un proche avenir, d’entrer à Sciences-Po, la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume. Autant savoir ce qui l’attend : trente ans de dérives politiques et financières, des extrémistes pro-palestiniens, et des frais exorbitants pour une école largement subventionnée par l’État et par des fonds privés. Le nouveau directeur de ce bateau ivre, Luis Vassy, a du pain sur la planche, explique Caroline Beyer, journaliste-Éducation du Figaro.
A priori, Sciences-Po est une nursery de présidents de la République, de ministres premiers ou secondaires et de hauts fonctionnaires qui dans le secret de l’Inspection des Finances concoctent le destin de la France. Jolie carte de visite.
Mais c’est aussi, explique Caroline Beyer, une pépinière d’islamo-gauchistes et d’extrémistes de tout poil. Il faut bien que jeunesse passe.
C’est enfin la matrice préférée de la Caste qui dirige le pays depuis quelques décennies et se soucie avant tout, en fait d’éducation, du nid douillet où ses enfants grandiront en attendant de remplacer leurs parents, quelles que soient leurs compétences réelles.
Richard Descoings
À toute institution il faut un héros fondateur. Richard Descoings joue ce rôle. Lui-même issu de l’IEP de Paris, énarque comme il se doit (la hiérarchie implicite trace une frontière nette entre les ex-élèves qui ont accédé à l’ENA et les autres — mettons entre un Boris Vallaud et une Najat Belkacem), titulaire de plusieurs postes dans divers gouvernements, membre du club Le Siècle, rouage essentiel de la Caste, où il est parrainé par Olivier Duhamel, enseignant à Sciences-Po et violeur de son beau-fils, il est nommé à la tête de l’institution de la rue Saint-Guillaume en 1996.
Il nomme tout aussitôt Duhamel conseiller spécial, et décide de créer un « Harvard à la française ». Il étend le domaine immobilier de l’École, crée de nouveaux masters — en particulier de journalisme, afin que les maîtres futurs de l’Information sortent du même giron que les parrains à venir de la France —, et, homme de gauche (nous verrons ce que signifie dans le réel une telle étiquette), lance en 2001 une initiative qui fit du bruit : il importe à Sciences-Po la discrimination positive inventée aux États-Unis en ouvrant l’École aux lycéens des Zones d’Éducation Prioritaire, et aux sociologues, ces discoureurs de l’inutile dont la surface d’occupation est inversement proportionnelle à leur talent réel. C’est ainsi que Finkielkraut, qui y enseignait, fut rapidement mis à distance — et de surcroît, il était juif, ce qui indisposait la meute islamo-gauchiste qui aujourd’hui agite là-bas le drapeau du Hamas.
Toute générosité ayant son revers, Descoings augmente les frais de scolarité, et, tout en ouvrant l’École à l’international — son obsession majeure —, fait sur-payer les étrangers tentés par son management flamboyant. Sciences-Po gère désormais plus de 15 000 élèves, avec des droits d’entrée annuels qui dépassent les 15 000 € pour certains. Bien davantage qu’une grande école à la française, un peu moins qu’une université américaine.
Le bon roi Richard ne s’oublie pas au passage, ainsi fonctionnent les belles âmes de gauche, et s’octroie un salaire de 25 000 € par mois — plus divers avantages et superbonus, pour lui et tout le directoire de l’École — dont son épouse fait partie.
Aucune difficulté pour s’offrir les rails de coke, les poppers et les alcools fins qui usent son organisme prématurément : il meurt d’une crise cardiaque dans un hôtel de Manhattan où il venait de s’offrir deux escort boys.
Une fin épique, comme on le voit. Particularité héroïque, il possède deux tombes, à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse) et au Père-Lachaise. Il est aussi envahissant mort que vivant.
Une école élitiste ?
Sciences-Po, fleuron de l’élitisme républicain ? Pas exactement. En 2011, la composition sociale de l’École est proche de celle des classes prépas, haut lieu de l’entre-soi. La bourgeoisie de banlieue a repéré les lycées partenaires de l’opération Descoings, et a inséré ses enfants dans le dispositif — avec le même taux de boursiers. Vous ne pensiez tout de même pas qu’on ouvrirait l’École aux racailles ? Pierre Mathiot, ex-boursier entré à ce titre (mais par concours lui aussi) et ex-directeur de l’IEP de Lille, note : « Nous étions regardés comme des Mohicans par nos camarades bourgeois ! » J’ai fait un débat avec Descoings vers 2006, il m’avait confié, en vrai gauchiste qu’il était, que le dispositif CEP (Conventions d’Éducation Prioritaire) permettrait au moins aux futurs dirigeants d’observer de près le comportement de leurs coreligionnaires moins nantis. Un peu de lutte des classes, mais pas trop. Additionnés aux étudiants étrangers, ces vrais-faux héritiers offrent aux futurs dirigeants internationalisés un zoo fascinant pour apprendre à connaître leurs futures cibles.
C’est tout cela, et bien davantage, que raconte par le menu Caroline Beyer, dans un style enlevé et entraînant. Elle conclut cependant sur une note optimiste : Luis Vassy, le nouveau directeur (la saga des nominations à la tête de l’institut est en soi une épopée dérisoire, pimentée d’épisodes cocasses ou pervers), a fort à faire. Mais ses premières décisions vont dans le bon sens, par exemple le rétablissement du concours d’entrée, supprimé sous prétexte de non-sélection, en fait porte ouverte à la cooptation oligarchique.
Quant à l’activisme pro-palestinien de l’établissement, gageons qu’il ne résistera pas aux grandes vacances, comme en 1968 les clans trotskystes ou maoïstes avaient fondu après la pause de juillet-août : il y a des valeurs plus importantes que la défense des terroristes et autres damnés de la terre, et la ruée vers les résidences secondaires du Luberon, de Deauville ou de l’île de Ré l’emportera toujours sur le soutien à la croisière où est allée s’amuser Rima Hassan. ■ JEAN-PAUL BRIGHELLI
Jean-Paul Brighelli
Agrégé de Lettres modernes, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Jean-Paul Brighelli est enseignant à Marseille, essayiste et spécialiste des questions d’éducation. Il est notamment l’auteur de La fabrique du crétin (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2005).
Caroline Beyer, La Chute de la maison Sciences-Po, Cerf, juin 2025, 258 pages.

La Chute de la maison Sciences Po: La crise des élites françaises : 21,90 €

Ils finiront par « crever » et ce sont des instituts privés qui prendront le relais.
Par contre, « l’ascenseur social » sera bloqué s’il ne l’est déjà, quoique un soudeur bien qualifié va en Suisse et gagne davantage qu’un « bac + 5 » français, mais , prestige, prestige …