
Par Alain Bentolila.
La langue fait partie de ces choses essentielles qui nous constituent, matérielles ou immatérielles, sans que nous les ayons choisies, qui nous sont données, à la naissance et pour la vie, en héritage des temps les plus lointains. Le français est-il un droit ou une conquête ? Pur héritage des siècles, il doit, en tout cas, aujourd’hui, être défendu comme on défend le sol de la patrie, ou le peuple, contre l’invasion et la corruption. Cette tribune d’une remarquable hauteur de vues, est parue dans Le Figaro et FigaroVox le 26 juin. JSF


Que des citoyens parlent ensemble, pensent ensemble, analysent ensemble dans une totale liberté de point de vue, dans une singularité de convictions lui est parfaitement insupportable.. .
TRIBUNE – Lors d’un colloque sur la francophonie, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que le français devrait être considéré comme une langue créole, fruit d’un mélange complexe, et qu’il ne serait plus la « propriété » exclusive des Français. Pour le linguiste, ces propos révèlent une ignorance de ce que sont les créoles et de l’histoire de notre langue.
Alain Bentolila a été directeur du département d’études créoles du CNRS. Auteur du Dictionnaire élémentaire du créole-haïtien (1976), il publiera en septembre prochain un livre sur l’école : Parents, instits, même combat (Éditions Istya).
S’il est un concept que Jean-Luc Mélenchon déteste par-dessus tout, c’est celui d’assimilation et d’intégration. Que des citoyens parlent ensemble, pensent ensemble, analysent ensemble dans une totale liberté de point de vue, dans une singularité de convictions lui est parfaitement insupportable. Qu’ils se contentent donc de marcher ensemble en beuglant des slogans ! qu’ils écoutent, béats, leur chef débiter des discours interminables ponctués de quelques imparfaits du subjonctif qui marquent bien sa haute maîtrise de la langue qu’il honnit ! Mais surtout, qu’ils ne se mêlent pas de penser par eux-mêmes, qu’ils ne se mêlent pas de mettre en mots une pensée originale. Comme tous les populistes autocrates, Jean-Luc Mélenchon veut que ses affidés marquent leur « insoumission » non pas en parlant et en pensant par eux-mêmes mais en s’inclinant devant une langue à laquelle ils n’ont pas accès et en reproduisant une pensée qui leur est imposée.
Certes, la langue française est constituée d’apports différents ; comme toutes les langues elle a absorbé et harmonieusement intégré des mots de diverses origines, mais – et c’est cela qui importe – elle n’a jamais perdu son intégrité, sa cohérence et son pouvoir de porter la pensée de ceux qui la parlent et la chérissent ; elle à su ainsi dans son développement assurer l’autonomie de pensée de chacun. La langue française n’est pas un agglomérat de mots et structures diverses ; elle accepte des différences, cultive des originalités mais prend un soin jaloux à ne jamais laisser ses singularités mettre en péril sa mission de rassemblement. Faire de la langue française une langue créole témoigne une ignorance crasse de ce que sont les créoles mais c’est aussi refuser de considérer l’histoire de notre langue, longuement forgée par son peuple et portée par la volonté de la cohérence nationale. La langue française s’est vouée de tout temps à la résistance aux mensonges et aux manipulations de ceux qui, comme Jean-Luc Mélenchon, pensent pouvoir penser pour et à la place du peuple. Car à la faiblesse d’un langage dispersé, correspond une pensée affaiblie prompte à s’enrôler derrière n’importe quel beau parleur.
« Jean-Luc Mélenchon devrait se battre pour que tous les enfants de ce pays maîtrisent une langue forte, qui porte avec précision et bienveillance leur pensée ». Alain Bentolila
Plus d’un jeune français sur dix, après une dizaine d’années passées dans les murs de l’école de la République, se trouve dans une situation d’insécurité linguistique globale à l’oral comme à l’écrit. Cette insécurité obscurcira durablement son horizon culturel et professionnel. Pour tous ces jeunes gens et jeunes filles, la défaite de la langue c’est aussi la défaite de la pensée. Et pourtant, s’il faut en croire M. Mélenchon, adoubé par quelques linguistes atterrés, unis dans un commun renoncement, tout va très bien, Mme la Marquise, tout va très bien ! Tout va très bien ! La langue française ne se serait jamais mieux portée, tous les jours un peu plus riche, tous les jours un peu plus diverse, tous les jours plus fleurie.
Les « pauvres du langage »
Les écarts à la norme n’existeraient pas, ils seraient les marques bienvenues d’une diversité identitaire ; l’illettrisme ne serait qu’une illusion portée par ceux qui veulent stigmatiser les plus fragiles ; et enfin, la langue française, par son conservatisme étroit, serait cruelle pour les plus fragiles et aujourd’hui injuste envers les femmes. Ils feignent d’ignorer qu’une langue n’est en elle-même ni riche ni pauvre ; la force d’une langue se mesure au pouvoir d’argumentation et d’analyse qu’elle donne à chaque citoyen. La richesse de notre langue ne se juge pas au nombre d’entrées nouvelles dans des dictionnaires qui, chaque année, se disputent la palme de la modernité et du jeunisme en rivalisant d’audace pour intégrer – trop précipitamment – des mots aussi nouveaux qu’éphémères.
Notre langue française, ce sont des hommes et des femmes qui entretiennent avec elle des relations de plus en plus inégales. Ceux qui n’ont connu que promiscuité, banalité et indifférence pendant leur apprentissage, voient leur horizon de parole limité, leur vocabulaire réduit et leur organisation grammaticale brouillée. Ce sont les « pauvres du langage », impuissants à défendre leurs points de vue, incapables de dénoncer la manipulation, sans défense contre l’arbitraire et l’injustice. Au lieu de s’émerveiller devant une diversité qui cache fort mal des inégalités criantes, Jean-Luc Mélenchon devrait se battre pour que tous les enfants de ce pays maîtrisent une langue forte, qui porte avec précision et bienveillance leur pensée.
Ce n’est donc pas dans le foisonnement de particularismes langagiers, qui stigmatisent plus qu’ils ne distinguent que réside la clé d’une intégration harmonieuse, respectueuse de la diversité. Tous ceux qui sont accueillis dans notre pays ont droit à une langue commune juste et précise car seule une maîtrise plus justement partagée de la langue française pourra permettre à tous les citoyens de ne considérer aucune différence comme infranchissable, aucune divergence comme inexplicable, aucune appartenance comme un ghetto identitaire.
Complaisance coupable
Pour que soit affirmée pacifiquement la richesse de sa diversité, l’identité nationale doit ainsi être portée par un engagement solennel de la République : « Nul, quelle que soit sa croyance, quelle que soit sa culture, ne sera privé de la force de la parole, nul ne sera privé de la capacité de comprendre. » Pour relever le défi de la différence, la puissance de la langue française est en effet centrale. Fondamentalement, l’identité nationale, c’est la conscience d’appartenir à une communauté rassemblant des appartenances diverses, mais dans laquelle chaque citoyen partage une volonté de dialogue grâce à une égale maîtrise, un égal respect, un égal amour de la même langue.
Nous avons depuis trop longtemps accepté avec une complaisance coupable que l’insécurité linguistique dont souffrent certains citoyens soit dissimulée sous le concept dangereux de « diversité linguistique ». Chacun pouvant ainsi parler comme il l’entend, chacun pouvant écrire comme cela lui chante, peu importe la justesse et l’efficacité de son langage. Nous devons, au contraire, à tous ceux que l’on accueille, d’où qu’ils viennent, le meilleur de notre langue. Ce n’est donc pas dans le foisonnement de particularismes langagiers, qui stigmatisent plus qu’ils ne distinguent, que réside la promesse d’une identité nationale honorable et désirée. Tous les citoyens dans ce pays auront droit à une langue commune juste, précise et… créative ; il est de notre devoir de la leur offrir, il sera de leur devoir de la chérir. ■ ALAIN BENTOLILA
Mélenchon déteste la France et tout ce qui est français. D’ailleurs, peut-être l’avez-vous remarqué, depuis quelque temps, il ne exprime plus qu’en arabe.
Alain Bentola, merci à lui, nous révèle avec précision la beauté de la langue française, sa richesse, sa diversité mais aussi ses exigences pour nous permettre de mieux nous exprimer, d’être reconnus. Elle est donc civilisatrice. Alain Bentola aime donc notre langue, mais aussi les Français notre pays, et tous ceux qui aiment aussi notre langue.
Mélenchon, lui, n’aime ni notre langue- il ambitionne de l’appauvrir et la dénaturer dans uns sabir- ni donc les Français qui tiennent à son trésor, ni tous les étrangers pour qui notre langue est une seconde patrie..
Il n’aime que lui-même. Bref, il tourne en rond …. Laissons -le! . …..
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire nous viennent aisément
Très bel article. Qui tient sa langue tient la clef de sa prison.
Le certificat d’etude d’antan, valait peut-être mieux en tant que » bagage culturel , à commencer par la bonne maîtrise de la langue » , que la bac de maintenant .
A qui la faute ?
Aux ministres de l’éducation nationale (déjà cette dénomination au lieu d’instruction publique), aux syndicats de l’enseignement, aux « pedagogistes », aux instists ( là encore devenus « professeurs d’école, à Mai 68 , aux tablettes électroniques en lieu et place du tableau noir (le bon maître sent la craie comme le bon soldat sent la poudre disait encore, à titre de souvenir, un instituteur qui se plaignait des évolutions, jadis), aux parents d’élèves persuadés que leur enfant est un petit génie à ne point contraindre : il doit « s’épanouir » ( tout simplement !) .
(Melanchon compte bien peu sinon comme épouvantail de jardin.)
Difficile à démêler, en tout cas le résultat est là, et ce n’est pas une réussite.
Il idolâtre le globish, comme Macron et les amoureux de l’american way of life ? Bentolila apporte sa petite pierre pour lapider celui que le système sionard et atlantiste hait. Peut-être a-t-il raison (mais ce type a tout fait pour obtenir son petit tabouret dans le choeur des spécialiste reconnus par le système), mais il y a des moments où il faut s’abstenir de hurler avec les chacals, les charognards.
Pour ma part, je réprouve l’injure. Surtout si elle utilise des termes qui rendent toute critique exagérée. Donc insignifiante. En l’occurrence l’auteur défend la langue française. L’histoire de tabouret ne m’importe pas. N’est pas Saint-Simon qui veut.