
« les hommes doivent désormais se fondre dans une citoyenneté aseptisée, qu’on voudra enchanter à coups de valeurs républicaines. »
Par Mathieu Bock-Côté.

Cette chronique est parue dans Le Figaro du 5 juillet. Est-elle d’inspiration libérale ou, plus simplement, anti-totalitaire, à la façon de la vieille A.F. défendant les libertés naturelles, rappelant aux « fascistes » que les familles sont antérieures à l’État et que celui-ci n’est pas destiné à s’approprier ce qui relève de leur domaine propre, à usurper leurs libertés légitimes, mais, au contraire, à les protéger, à les garantir ? Sur ce point, notre République est singulièrement défaillante. Elle ne sait qu’organiser la prédation fiscale la plus accomplie et l’insécurité civile la plus avérée. Nous conclurons que Mathieu Bock-Côté a raison. JSF

CHRONIQUE – L’accumulation des petites hausses d’impôts et de charges aboutit à une fiscalité chapardeuse, qui se donne les moyens de gratter jusqu’au dernier centime. Et la gauche est devenue l’homme de main de ce système d’extorsion fiscale.
On ne peut pas dire qu’ils sont subtils : ministres, parlementaires et communicants, avec un air mi-triste, mi-cruel, nous annoncent depuis quelques semaines qu’il faudra bien consentir à une nouvelle hausse d’impôts. Yaël Braun-Pivet, la macroniste archétypale, l’a dit : « On ne peut exclure d’emblée toute hausse d’impôts. » Traduisons : le cochon de payant, qui se fait appeler Nicolas depuis un temps, devra encore payer. Non pas qu’il s’imaginait pouvoir s’en tirer, sauf par l’exil. D’ailleurs, il se l’interdit de moins en moins.
Mais nos gouvernants ne manquent jamais d’imagination quand il s’agit de chaparder le commun des mortels, qui ne fait plus semblant de croire qu’il en tire quand même quelque chose. La révolte fiscale, ou du moins, sa possibilité, anime la rumeur publique. Et le régime s’inquiète un peu. La volaille à plumer est moins consentante que jadis et se débat un peu en se laissant conduire à l’abattoir de Bercy. Que se passerait-il si demain, elle en avait vraiment assez ?
Comment, dès lors, contenir cette masse d’hommes ordinaires qui n’en peuvent plus de payer un État qui fait les poches aux vivants et aux cadavres, qui surveille la moindre transaction, pour y prendre sa cote, qui n’en finit plus d’inventer taxes et charges, pour entretenir cet animal hybride, mi-mammouth mi-vampire, qu’on a l’habitude d’appeler l’État ? L’extrême-centre, dépassé en cela comme en toutes choses, parle le langage usé de la responsabilité, de l’effort, du petit effort de plus, sans se rendre compte qu’il exaspère et dégoûte.
Il se veut rationnel, raisonnable, sans même se rendre compte qu’il est indécent. Car l’accumulation des petites hausses d’impôts et de charges aboutit à une fiscalité chapardeuse, qui se donne les moyens de gratter jusqu’au dernier centime. L’État a ses hommes de main. Le contrôleur fiscal est un animal froid, qui approche sa proie en sachant d’avance qu’elle ne pourra pas s’en sortir, et qui se permet de la dévorer lentement, sans même l’anesthésier.
Un braquage fiscal
La gauche a plutôt décidé de ressortir la grosse Bertha rhétorique : Nicolas qui paye serait en fait un gros facho. Citons l’analyse de la semaine : «Comment la classe moyenne supérieure devient la base sociale du néofascisme libertarien. » C’est beau comme du Plenel. D’ailleurs, ça n’en est pas loin, ça vient de Mediapart ! Derrière la révolte fiscale se profilerait l’extrême droite, encore elle, toujours elle, d’autant qu’elle s’accompagnerait quelquefois d’un manque d’enthousiasme à financer l’immigration qui s’installe sans être invitée en France, et qui coûte « un pognon de dingue », pour emprunter les mots d’un autre.

Il faut pourtant reconnaître que l’État social, aujourd’hui, est intégré dans un dispositif décolonial qui pense les transferts sociaux des autochtones aux immigrés et leurs descendants à la manière de réparations tardives mais nécessaires. Zohran Mamdani, la nouvelle idole de la gauche new-yorkaise, plaide ouvertement pour une taxation visant les « quartiers plus riches et plus blancs ». La fiscalité devient dans cette logique explicitement un système d’extorsion racial. La gauche insoumise s’enthousiasme pour lui.
La fascisation du contribuable énervé ne date pas d’hier. Elle accompagne toute l’histoire du XXe siècle. En France, elle a permis de mater la première révolte fiscale d’envergure dans les années 1950. L’homme ordinaire est caricaturé en égoïste et consommateur se vautrant dans le capitalisme morbide. Et s’il parvient à épargner, c’est nécessairement parce qu’il en a trop : ce petit surplus thésaurisé, on cherchera aussi à le lui voler pour financer la technostructure et tous ceux qui en vivent.
« L’État ne se cache plus: il considère à la base que l’argent lui appartient, et qu’une fois ses opérations menées, il en laissera une part résiduelle à ce pauvre Nicolas exsangue »
Alors il faut revenir à l’essentiel : à qui appartiennent les richesses ? À ceux qui les produisent ? Ou au Léviathan fiscal ? L’État ne se cache plus : il considère à la base que l’argent lui appartient, et qu’une fois ses opérations menées, il en laissera une part résiduelle à ce pauvre Nicolas exsangue. C’est ce qui permet à ses officiers d’expliquer, avec une formule dont ils ne voient pas l’absurdité, qu’il n’a pas les moyens de telle ou telle baisse d’impôts, sans jamais se demander plutôt s’il n’a pas tout simplement les moyens de ses dépenses.
Que l’État ne doive pas par vocation planifier intégralement l’existence avec ses normes et ses règlements devient une idée subversive. Et bien évidemment, plus elle trouvera preneur, et plus on la fichera dans le registre des extrêmes. L’antifascisme devient donc l’instrument du socialisme devenu fou, du braquage fiscal, de la spoliation des travailleurs, du matraquage des méritants, de l’extorsion des braves gens. Faudra-t-il demain reconstituer le front républicain contre ceux qui aimeraient qu’on ne les tripote plus, à la recherche d’un dernier euro à piquer, d’un compte en banque à siphonner ? ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ