
François Bayrou : « Fidèle en cela à ses prédécesseurs, il souhaite seulement reporter la catastrophe de quelques années, en espérant que les mauvais jours viendront lorsqu’il ne sera plus là. »
Par Mathieu Bock-Côté.

Cette chronique est parue dans Le Figaro du 19 juillet. Faut-il la commenter ? Nos lecteurs le feront fort bien. Nous sommes nombreux maintenant à être devenus familiers des fortes analyses politiques et métapolitiques de Mathieu-Bock-Côté. JSF

CHRONIQUE – Avec ses annonces, le premier ministre, fidèle à ses prédécesseurs, souhaite seulement reporter la catastrophe de quelques années, en espérant que les mauvais jours viendront lorsqu’il ne sera plus là.
Il y a quelque chose d’étonnant et de prévisible à voir l’opinion publique se fixer exclusivement, à la suite des annonces de François Bayrou, sur la suppression de deux jours fériés. Quelque chose d’étonnant car il va de soi que cette suppression ne sauvera pas les finances publiques. Le premier ministre croit-il un seul instant qu’il redressera les finances du pays avec des économies de bouts de chandelle ? Mais il ne s’est pas assigné cette mission. Fidèle en cela à ses prédécesseurs, il souhaite seulement reporter la catastrophe de quelques années, en espérant que les mauvais jours viendront lorsqu’il ne sera plus là.
Quelque chose de prévisible, aussi, car chacun a tenu son rôle. Le gouvernement a joué la carte de l’effort partagé. Le camp national l’a accusé d’excroquer les travailleurs pendant que la droite fait des contorsions sémantiques incompréhensibles. Seule La France insoumise a fait preuve d’imagination, en voyant dans l’abolition du férié du 8 Mai une forme de concession de la macronie au RN qui permettrait de relativiser l’importance de la défaite du nazisme dans l’imaginaire collectif, pour mieux favoriser son retour. On y verra, au choix, une mauvaise foi sublime, ou un indéniable signe de débilité.
L’expertise technocratique
Revenons à l’essentiel : le dysfonctionnement de l’État social est structurel. Un peu d’histoire suffira à le comprendre. L’État social s’est d’abord présenté au XXe siècle comme un système assurantiel généralisé, centré sur l’éducation, la santé et la retraite, rendu possible par une croissance démographique soutenue. C’est une question mathématique. Le déséquilibre générationnel dérègle la machine et la condamne à la ruine. Concrètement, les retraités ont cotisé, mais bien moins qu’ils n’ont récupéré dans un contexte favorable. Ils verrouillent maintenant le système électoral pour sauver leurs avantages.
Le socialisme est aussi passé par là. L’État social pousse une part toujours croissante de la population à l’extérieur des circuits de l’économie productive, en créant les conditions d’un assistanat généralisé, fondé sur la reconnaissance à la chaîne de « droits sociaux », s’appuyant sur une politique du chèque et de l’allocation. Cette part de la population croit avoir un droit à transfert social, sans jamais s’imaginer qu’il repose sur l’extorsion de la richesse produite par ceux qui se soumettent aux exigences du marché du travail. Le travail n’est plus vraiment payant. Pour qu’il le redevienne, les avantages de l’assistanat doivent être sabrés.
« Cette administration agressive, toujours croissante, culmine dans un millefeuille administratif coûteux qu’il faut moins réformer que supprimer »
Nous n’oublierons pas non plus que l’État social s’est converti à la logique thérapeutique, en se donnant pour mission de rééduquer une société apparemment traversée par des schèmes culturels régressifs. Il fallait dès lors construire une administration spécialisée pour prendre en charge tous les domaines de la société, pour les réglementer, les normer, les encadrer. L’expertise technocratique était ainsi appelée à se substituer au sens commun. Cette administration agressive, toujours croissante, culmine dans un millefeuille administratif coûteux qu’il faut moins réformer que supprimer, ce qui ne se fera pas sans douleur.
L’État s’est retourné contre la nation
L’extension infinie de l’administration se double du problème du financement à même les fonds publics d’une société civile composée d’associations militantes à prétention humanitaire, qui constitue concrètement une forme de parti militant d’extrême gauche qui pousse toujours plus loin la logique des « droits sociaux », surtout pour les populations immigrées, dont il favorise l’arrivée. Le fameux « Nicolas qui paie » paie même ses impôts pour des militants qui le méprisent et qui cherchent à tout faire pour neutraliser ses choix démocratiques. Dans un monde normal, ces militants trouveraient un vrai travail.
Je viens de l’évoquer, la crise des finances publiques est indissociable du coût de l’immigration, qu’on ne saurait réduire à l’AME, même si elle en est devenue le symbole. Le minimum vieillesse pour les uns, le droit au logement pour les autres, qu’ils soient réguliers ou irréguliers, sans compter les allocations dont peuvent profiter les étrangers ou les plans banlieue à répétition, pèsent lourdement sur les dépenses de l’État. L’immigration n’est pas qu’une dépense sociale de plus mais fait exploser les coûts de la justice comme ceux de la sécurité. L’État s’est retourné contre la nation.
On ne saurait donc réformer l’État social avec une trop grande finesse. Quiconque veut tailler dans les dépenses, réduire la bureaucratie ou stopper l’immigration, et pas seulement convertir l’immigration illégale en immigration légale, devra moins être subtil que résolu et se rappeler qu’on ne délivre pas un pays du corps administratif qui le vampirise en demandant la permission à la caste qui en profite, de révoquer ses privilèges. Celui qui voudra s’atteler à la tâche devra moins se munir d’un scalpel que d’une tronçonneuse. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
il est bien plus confortable de lire Mathieu Bock-Côté que de l’écouter ; prestissimo et l’accent Québec : Suis souvent largué.