
« L’un des aspects les plus odieux et moralisateurs de l’idéologie woke sur le point d’être enfin mis au rebut. »
Par Lauren Smith.
Nous n’avons jamais cru que l’Histoire allait toujours dans le même sens. Les mouvements de société trop liés aux modes, à l’idéologie, vont et viennent. Et, en définitive, l’ordre naturel des choses et des gens reprend le dessus. Nous vient cette fois-ci encore des États-Unis d’Amérique un grand basculement qui tend au retour à la Tradition. Rien ne garantit qu’il triomphera du progressisme de plus en plus fou qui s’était, ces dernières décennies, emparé de la planète, ou, plutôt, de ce que l’on appelait naguère l’Occident qui n’en est plus qu’une petite partie. Mais le mouvement de basculement, de rejet que connaît aujourd’hui l’Amérique de Trump et Vance ne manquera pas, aussi, de toucher la vieille Europe en déclin. C’est ce que nous dit, au fond, cet article rassérénant publié le 24 août chez nos excellents confrères de Causeur.

La menace du véganisme est-elle enfin écartée ? Fini les prétentions qu’un burger végétal est aussi bon que le vrai. Fini le barista qui mettra du lait d’avoine dans votre café sans votre avis, comme si cela avait toujours été la solution par défaut. Et, surtout, fini les sermons insupportables de vos amis woke sur la façon dont ce cheeseburger que vous dévorez réduit littéralement la planète en cendres.
Signe des temps : l’un des restaurants végétaliens les plus célèbres au monde remet la viande à sa carte. Eleven Madison Park, un restaurant trois étoiles Michelin de Manhattan, a annoncé la semaine dernière la réintroduction d’un nombre limité de plats de poisson et de viande. Dans une publication Instagram, le chef associé du restaurant, Daniel Humm, a expliqué que le nouveau menu était axé sur le « choix ». Apparemment motivé par un désir d’inclusion, il a écrit vouloir « créer un environnement où chacun se sente bienvenu à table ».
S’adressant au New York Times, Humm a toutefois laissé échapper une autre raison essentielle à son choix : « Il est difficile de réunir 30 personnes pour un dîner d’entreprise dans un restaurant végétalien.» Le NYT souligne que le restaurant de Humm a connu « des niveaux de réussite financière variables depuis l’introduction du menu végétalien » il y a quatre ans. Rien d’étonnant : vendre des assiettes de légumes à des centaines de dollars n’allait jamais être une mince affaire, aussi artistiquement disposées et préparées avec amour soient-elles.
La chute d’Eleven Madison Park est un véritable coup dur pour le véganisme. Après tout, c’était le premier restaurant au monde à obtenir trois étoiles Michelin avec un menu entièrement végétalien, auparavant salué comme la voie à suivre pour la gastronomie. Ce n’est d’ailleurs pas le seul signe que le véganisme est en voie de disparition. Au Royaume-Uni, cette tendance est claire depuis un certain temps déjà. Le marché végan y est passé de 963,8 millions de livres sterling (plus d’un milliard d’euros) en 2022 à 523 millions de livres sterling (environ 605 millions d’euros) en 2023, et les restaurants et les fabricants ont eu du mal à continuer à générer des bénéfices sur nombre de leurs produits à base de plantes.
En conséquence, de plus en plus d’options véganes ont été retirées des rayons. En 2023, l’entreprise de produits laitiers alternatifs Oatly a cessé de vendre ses glaces véganes au Royaume-Uni. La même année, Innocent Drinks a abandonné ses smoothies sans produits laitiers, plaisantant même sur les réseaux sociaux en affirmant que seules cinq personnes les avaient achetés. La marque de saucisses Heck a réduit sa gamme sans viande de dix à deux produits, invoquant une demande insuffisante. En 2022, la chaîne de cafés Prêt à Manger a annoncé la fermeture de tous ses restaurants Veggie Pret, exclusivement végétariens, sauf deux. Les deux autres ont été converties en Prets classiques l’année dernière. Ce mois-ci, Neat Burger, chaîne de restauration rapide végane fondée par Leonardo DiCaprio et Lewis Hamilton, deux des célébrités les plus irritantes et moralisatrices de la planète, a été placée en liquidation judiciaire après la fermeture définitive de ses huit restaurants l’année dernière.
Sur le continent, le constat est similaire, mais moins dramatique. Les ventes au détail de produits à base de plantes ont diminué cette année aux Pays-Bas, bien que le pays soit historiquement l’un des marchés les plus dynamiques pour les alternatives sans viande. Ce mois-ci, la chaîne autrichienne de burgers sans viande Swing Kitchen a été contrainte de fermer tous ses restaurants en Allemagne – un autre pays auparavant très favorable au véganisme – sans préavis, en raison de contraintes financières. Les consommateurs européens semblent particulièrement délaisser les alternatives à la viande à base de plantes.
Que s’est-il passé ? Il fut un temps où l’on pouvait difficilement se tourner vers des alternatives végétaliennes. Les menus des restaurants et les rayons des supermarchés regorgeaient de nuggets de « poulet » Quorn, de « porc » effiloché au jacquier, de « burgers » aux protéines de soja et de fromages sans produits laitiers à l’aspect et au goût de plastique. Cela explique pourquoi le public se détourne du véganisme : les alternatives végétales ne sont jamais aussi bonnes que les vraies. Le fromage végétalien ne fond pas correctement, la texture d’un Impossible burger est pour le moins suspecte, et le jacquier reste du jacquier, quelle que soit la quantité de sauce barbecue qu’on y trempe.
L’apparence et le goût des alternatives végétaliennes ne sont pas les seuls facteurs qui rebutent. Les consommateurs se méfient également de leurs effets sur la santé. La tendance végane dure désormais suffisamment longtemps pour que nous puissions constater les effets secondaires d’une alimentation entièrement végétale. Bien que le véganisme soit souvent présenté au public comme une solution miracle, il est extrêmement difficile de consommer suffisamment de protéines et de vitamines nécessaires au bon fonctionnement du corps humain sans viande ni produits laitiers. Les végétaliens qui ne complètent pas assidûment leur alimentation peuvent souffrir d’anémie, de fragilité osseuse, de perte de cheveux et, dans certains cas extrêmes, de malnutrition. Les enfants sont particulièrement à risque, et certains sont même décédés lorsque ce régime leur a été imposé par leurs parents.
Le prix est un autre facteur important. Devenir végétalien est, globalement, bien plus coûteux qu’une alimentation classique riche en produits animaux. L’argent d’un végétalien ne suffit tout simplement pas. Les portions végétaliennes sont 15 % plus petites que celles des non-végétaliens et 11 % plus chères au kilo. Avec la hausse constante du coût de la vie, il n’est pas étonnant que les gens préfèrent dépenser leur argent dans des aliments de base nourrissants comme le poulet, le lait et les œufs plutôt que dans des tranches de bacon au tempeh ou du brie aux noix de cajou.
Même si le véganisme n’était pas si cher, si malsain et si déprimant, il existe un autre problème flagrant avec le véganisme : les végétaliens. Ceux qui défendent ce mode de vie ne se contentent pas de manger leurs légumes hors de prix et de nous laisser tranquilles. Au lieu de cela, ils se sont lancés dans une croisade moralisatrice pour convertir le monde entier. Depuis des années, les militants écologistes tentent d’associer la consommation de viande à un manque de morale. On nous répète sans cesse que manger un sandwich au jambon ou mettre du lait de vache dans notre café détruira la planète et provoquera l’apocalypse.
N’ayant pas réussi à nous convaincre qu’un quartier de chou-fleur a le même goût qu’un steak de bœuf Wagyu, des végétaliens particulièrement zélés tentent de nous forcer à adopter un mode de vie végétalien. Dans de nombreuses universités européennes, la viande n’est plus servie dans les cantines et cafés des campus ; l’Université Érasme de Rotterdam a même instauré des réductions sur tous les repas végétaliens sur le campus et a imposé que tous les traiteurs présents lors des événements soient végétariens. Dans certains cas, des militants ont tenté d’empêcher physiquement les gens d’acheter des produits d’origine animale. En 2022, des militants d’un groupe végétalien appelé Animal Rising ont bloqué une usine de transformation de produits laitiers dans le sud-est de l’Angleterre et ont réussi à perturber l’approvisionnement en lait frais du reste du pays. Le mois dernier, une association française de défense des animaux a fermé quatre abattoirs aux Pays-Bas et six en France. Des manifestants ont même tenté d’empêcher les gens d’acheter de la viande et des produits laitiers en s’asseyant dans les rayons des supermarchés et en bloquant l’accès aux produits. Un projet particulièrement insensé visant à imposer le véganisme au monde entier est venu d’universitaires de l’Université Western Michigan, qui ont suggéré de semer une invasion de tiques susceptible de provoquer des allergies à la viande rouge, réduisant ainsi la consommation de viande.
On en a naturellement assez de se faire dicter la conduite par un petit groupe de moralistes, intolérants et qui pensent agir pour le bien de la planète et du monde entier. Comme pour tous les aspects de l’idéologie écologiste (et de la vision du monde woke en général), on ne peut pas forcer les gens à aller plus loin, ni leur demander de faire autant de sacrifices, avant qu’ils ne nous disent d’aller nous faire voir. On dit déjà aux Européens qu’ils doivent baisser leur chauffage en hiver, conduire des voitures électriques plus chères et moins économes en énergie, et partir moins en vacances à l’étranger pour « sauver la planète ». Pour beaucoup, renoncer au bacon et au fromage est une mesure de trop.
Le déclin du véganisme est un signe encourageant : les citoyens ordinaires en ont assez des sermons des fanatiques de la neutralité carbone et des militants woke. La volonté de réformer notre alimentation était une nouvelle tentative d’imposer un mandat politiquement correct à tous les aspects de nos vies. Heureusement, le public perd rapidement son appétit pour tout cela. ■ LAUREN SMITH
