
Ce long article qui retrace, à sa façon — souvent contestable — l’histoire du parti socialiste et celle, concomitante, du siècle dernier, est bien résumé par son titre : « la-trahison-adn-du-parti-socialiste ». Son objectif est d’étayer cette affirmation. Il serait fastidieux et long de soulever les points d’Histoire et les angles de vue avec lesquels nous divergeons. Mais in cauda venenum : il s’agit de l’actualité la plus claire, alors qu’Emmanuel Macron enjoint à ses maigres troupes, non encore enfuies, le rapprochement avec le Parti socialiste, dont la trahison demeure l’ADN : « Il vient encore une fois d’en faire la démonstration. La rupture, si prévisible, du “Nouveau Front populaire” est destinée à tenter de le ramener dans les salons de la République pour y sauver le macronisme dont il fut le créateur. » Sur cette stratégie inavouée, qu’elle réussisse ou échoue, Régis de Castelnau a raison.

En France, le concept de clivage gauche/droite ne raconte plus grand-chose sur la réalité des forces politiques qui composent la bouillie dont le Parlement issu des législatives de 2022 puis de 2024 donne une excellente image. Par rapport à ce que l’on entendait historiquement par gauche et droite, comment peut-on oser prétendre par exemple que Yannick Jadot candidat « vert » à l’élection présidentielle et de « gauche ». Toutes ses positions nationales sont celles du capitalisme oligarchique, quand celles du plan international sont alignées au millimètre sur les plus extrêmes des néoconservateurs impérialistes américains. Et que dire du parti socialiste, fourrier de l’installation de l’emprise du pire néolibéralisme sur notre pays ?
Force est cependant de constater que ce clivage à la vie dure. C’est celui qui a permis l’escroquerie des législatives de 2024 avec l’invention d’un « Nouveau Front Populaire » présenté comme un barrage au retour des heures sombres. Et a permis à Macron d’éviter l’abîme, et forcé la droite à la surenchère en débordant le Rassemblement national sur sa droite, mais surtout au Parti Socialiste requinqué par le choix absurde de Mélenchon, de trahir dans la demi-heure. C’était prévisible, ledit Mélenchon ancien ministre socialiste connaît son histoire et qui sont ses (anciens ?) camarades.
Cette imposture de faire du PS un parti de gauche est une tragédie pour le mouvement ouvrier français, une des causes qu’il a amené à la déchéance qu’il connaît aujourd’hui. Un petit tour par l’histoire de cette organisation s’impose pour mesurer à quel point la trahison des intérêts des couches populaires et le ralliement systématique à la bourgeoisie et aux intérêts dominants font partie de son ADN politique.
Il ne sera pas question ici d’une approche scientifique ou objective, mais plutôt d’une description de la façon dont le Parti socialiste a utilisé le concept de « parti de gauche » depuis maintenant un siècle. En tentant d’identifier un certain nombre de constantes et notamment les contradictions systématiques entre le discours revendiquant une appartenance à la partie gauche du spectre politique, pour systématiquement lui tourner le dos une fois parvenu au pouvoir politique.
Congrès de Tours : les raisons d’une scission
Le parti socialiste dont il sera question est celui né de la scission du congrès de Tours en décembre 1920, qui gardera le nom de SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) jusqu’en 1972 où il prendra le nom de « Parti socialiste » au congrès d’Épinay.
La SFIO sera créée en 1905 sous l’impulsion de Jean Jaurès par la fusion de cinq partis du mouvement ouvrier. Ce sera surtout un parti d’élus qui choisira le 2 août 1914 au lendemain de l’assassinat de Jaurès, la voie de « l’Union sacrée » en rentrant au gouvernement et en votant les crédits de guerre. Très minoritaire au départ, l’opposition à cette stratégie ne cessera de grandir durant le conflit, puis devint majoritaire après l’armistice. C’est dans ces conditions que va se dérouler en décembre 1920 le fameux congrès de Tours qui va voir une majorité écrasante se prononcer pour l’adhésion à la troisième internationale créée par les bolcheviques après la révolution d’Octobre. On présente toujours ce congrès comme une adhésion au modèle bolchevique pour le passage au socialisme, ce n’est pas la réalité. C’est bien l’affrontement entre deux lignes politiques nationales qui s’y est déroulé, les tenants de la IIIe internationale voulaient d’abord et avant tout prendre le pouvoir sur l’organisation au détriment de ceux qui étaient considérés comme complices de la catastrophe avec la stratégie « d’Union sacrée ». De façon significative, le parti ne deviendra « communiste » qu’en 1924 et les dirigeants à l’origine de l’adhésion finirent par être tous épurés pendant les années 20 qui virent la mise en œuvre de la « bolchevisation » menée en parallèle de la mainmise de Staline sur le parti soviétique et l’internationale communiste. Léon Blum fut le minoritaire qui acta la scission et la création du nouveau parti socialiste. Qui termina son admirable discours par les phrases suivantes : « Nous sommes convaincus, jusqu’au fond de nous-mêmes, que, pendant que vous irez courir l’aventure, il faut que quelqu’un reste garder la vieille maison. Nous sommes convaincus qu’en ce moment, il y a une question plus pressante que de savoir si le socialisme sera uni ou ne le sera pas. C’est la question de savoir si le socialisme sera, ou s’il ne sera pas. » Cent ans plus tard, le parti socialiste ayant rejoint le parti communiste dans l’effondrement, force est de constater le double échec. D’aucuns diront qu’il trouve sa source dans le fait que le PCF était « plus à l’est qu’à gauche », et que le PS quant à lui a toujours évité d’être réellement de gauche.
Prendre le pouvoir ou l’exercer ?
La SFIO conservera essentiellement le tissu d’élus locaux et deviendra un parti de notables essentiellement tourné vers le parlementarisme qui s’impliquera dans presque toutes les combinaisons politiques des IIIe et IVe Républiques. Ce fut le cas avec le cartel des gauches de 1924 et un soutien sans participation ministérielle à une expérience qui tourna rapidement court avec une première capitulation « devant le mur de l’argent » et le rappel de Raymond Poincaré. Revenus dans l’opposition, les socialistes vont prendre la première fois la direction du gouvernement avec la victoire du Front Populaire aux élections de 1936. Léon Blum avait clairement indiqué que si le Front populaire l’emportait, seul le programme électoral de celui-ci serait appliqué. Il sera nommé Président du conseil au début de juin alors même que la France connaît depuis près d’un mois un mouvement social d’une ampleur considérable. La plupart des lois qui seront adoptées dans les semaines suivantes ne seront pas la mise en œuvre du programme mais la traduction législative de ce qui aura été obtenu par les grèves. Profitant de cette dynamique, quelques réformes furent adoptées dans les domaines économiques, de l’éducation, du sport et des loisirs. Le Front populaire fut confronté dès le mois de juillet 36 à la révolte militaire contre le gouvernement républicain en Espagne. Dans le but de conserver les radicaux dans sa coalition et de ménager la Grande-Bretagne, Léon Blum refusera d’apporter le soutien de la France au gouvernement espagnol légal. Dès février 37 il instaurera une « pause » dans les réformes, abandonnant les plus importantes. Le 21 juin suivant, un vote négatif du Sénat, et alors qu’aucune règle constitutionnelle le lui imposait, Léon Blum présentera la démission de son gouvernement, laissant le radical Chautemps lui succéder. L’échec rapide du Front populaire a obéi à un schéma expérimenté pour la première fois avec le premier cartel des gauches, qui est le fruit du raisonnement de Léon Blum selon lequel, si le Parti socialiste était destiné à « prendre » le pouvoir pour instaurer le socialisme, il ne pouvait le faire que si le rapport de force le lui permettait. Sinon il devait se contenter de « l’exercer », en tentant si possible de faire adopter des réformes. Et c’est ainsi qu’il s’engagera jusqu’en 1983 dans une dialectique de la capitulation et de la trahison dont l’effondrement politique du Front populaire est l’illustration. En moins d’un an, celui-ci était consommé, le problème étant qu’il fut suivi d’une série de trahisons qui trouveront leur aboutissement d’abord avec le soutien affirmé aux accords de Munich, puis la participation approuvée par Léon Blum de ministres socialistes au gouvernement de capitulation formée par Pétain le 16 juin 40. Enfin avec l’abolition de la république et les pleins pouvoirs au même Pétain voté par la majorité du groupe socialiste à Vichy 10 juillet suivant.
Après la Libération, le choix de l’atlantisme et le refus de la décolonisation
Le parti socialiste paya son tribut à la Résistance et joua son rôle dans la Libération du pays, ce qui lui permit de surmonter la catastrophe de 1940. Aux élections de la première constituante de 1945, le PCF doublant son poids politique d’avant-guerre est devenu le premier parti de France mais la SFIO le suivait d’assez près, et les deux organisations qui représentaient 35 % des électeurs en 1936 frôlaient la majorité absolue. Socialistes et communistes s’entendirent pour proposer au référendum, qui le repoussera, un projet de Constitution très marquée à gauche, et ce contre l’avis du MRP et du général de Gaulle. Cette convergence sera matérialisée par un « Comité d’entente » réunissant les deux partis et allant même jusqu’à envisager une réunification ! L’arrivée de la guerre froide mettra fin brutalement à cette alliance, le président du conseil socialiste Paul Ramadier renverra les ministres communistes au printemps 1947 pour une alliance exclusive avec le MRP centriste. Choix qui sera maintenu jusqu’à la signature du « Programme commun de gouvernement » avec les communistes en 1972. Dès le départ, la SFIO fera le choix d’un atlantisme sans faille et d’un refus de prendre en compte les exigences de la décolonisation et de la fin de l’empire français. Ce sera dès 1947 sous l’égide de Ramadier l’adhésion sans réserve au plan Marshall, Léon Blum signant quant à lui avec Jean Monnet le fameux « Accord Blum-Byrnes » inscrivant la France dans l’orbite économique et culturelle des États-Unis. Puis les débats, pour aboutir au vote d’un statut de l’Algérie, à l’issue desquels la SFIO abandonnant ses positions, acceptera une solution qui se révélera incapable de traiter le problème algérien pour aboutir sept ans plus tard au début de la guerre. Il en sera de même avec les débuts du conflit indochinois, avec un Léon Blum disant : « Il n’existe qu’un moyen et un seul de préserver en Indochine le prestige de notre civilisation, notre influence politique et spirituelle et aussi ceux de nos intérêts matériels qui sont légitimes : c’est l’accord sincère sur la base de l’indépendance, c’est la confiance, c’est l’amitié… ». En fait d’amitié et de confiance, ce sera la guerre sans issue, que la SFIO soutiendra jusqu’à la catastrophe de 1954. On retrouve là cette mécanique politique propre au parti socialiste qui le voit élaborer et défendre des positions que l’on peut qualifier « de gauche » lorsqu’il n’est pas au pouvoir pour leur tourner le dos dès qu’il y accède. Il n’est bien sûr pas le seul à pratiquer cette dialectique perverse, mais elle prend chez lui une dimension particulière. Car non seulement il trahit ses engagements et ses promesses, mais il le fait par un refus d’assumer sa nature revendiquée de parti ouvrier, en ralliant les forces qu’il prétendait combattre. La tragédie algérienne va malheureusement en être une illustration paroxystique.
Comment amener la France au bord de la guerre civile
En janvier 1956, les élections législatives donnent une victoire électorale à un « Front républicain » au sein duquel la SFIO dirigée par Guy Mollet est dominante. Pendant la campagne marquée par la tragédie algérienne, il affirme que pour lui la guerre d’Algérie est pour lui « imbécile et sans issue » ; l’indépendance étant dictée par le bon sens. Il nomme Georges Catroux, seul général d’armée à avoir rallié Charles de Gaulle en 1940, au poste essentiel de Ministre résidant en Algérie. Puis se rend le 6 février à Alger où il est accueilli par une manifestation d’Européens excités qui jettent des tomates sur le cortège officiel. La capitulation est immédiate, Georges Catroux est écarté de façon humiliante. La trahison suit immédiatement quand Mollet nomme le socialiste Robert Lacoste partisan de la répression la plus brutale. Politique qu’il conduira en donnant dans ce domaine tous pouvoirs à l’armée, avec deux conséquences tragiques. D’abord avec le dévoiement déshonorant qu’une partie de l’armée acceptera de mener notamment pendant la répression de « la bataille d’Alger ». Ensuite en laissant basculer celle-ci dans une dérive factieuse qui mettra la France au bord de la guerre civile. La SFIO n’eut plus d’autre choix que d’appeler au pouvoir le général de Gaulle car c’était selon Mollet, le seul moyen d’éviter « une guerre civile sans armée républicaine ». Entre-temps, adepte de la politique de la canonnière, en novembre 1956, Mollet avait quand même trouvé le moyen d’engager la France dans une expédition militaire absurde contre l’Égypte à la suite de la nationalisation du canal de Suez. Malgré ce bilan calamiteux il restera premier secrétaire de la SFIO jusqu’en 1969, juste avant le congrès d’Épinay en 1971, quand François Mitterrand qui n’avait jamais été socialiste s’empara de ce parti.
Contrairement à ce qui fut alors prétendu et affirmé avec constance par la suite, le Parti socialiste d’Épinay n’était que la continuation de l’organisation issue de la scission du congrès de Tours. Le changement de nom, malgré l’arrivée à sa tête d’un homme, pourtant largement compromis dans les errements antérieurs, permit de passer un large coup d’éponge et de se refaire une virginité politique à gauche.
L’union de la gauche pourquoi faire ?
François Mitterrand s’était opposé à la constitution de 1958 et à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Mais il en avait parfaitement compris le mécanisme politique et la nécessité des alliances pour parvenir à ce qui était son seul objectif, la prise du pouvoir. Les gaullistes occupant la droite et le centre du spectre, Mitterrand décida d’utiliser la gauche en construisant une alliance avec la principale force qui l’occupait. Ce fut en 1972 la signature du programme commun de gouvernement avec le PCF, support d’une stratégie électorale qui finit par se révéler gagnante. Il faut se rappeler ce que furent les discours du parti socialiste et de ses dirigeants entre 1972 et 1981, à base de lutte des classes, de transformation du capitalisme et de passage au socialisme ! Les relire aujourd’hui permet de mesurer très exactement le sens des mots de reniement et de trahison. François Mitterrand alla jusqu’à affirmer : « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut être adhérent au Parti socialiste. » Les deux premières années du mandat de François Mitterrand élu en 1981 furent celles de la mise en œuvre de quelques-unes des mesures sociales de son programme, mais comme d’habitude, cette orientation fut vite abandonnée avec le fameux tournant de mars 1983. Cette fois-ci, ce ne fut pas à cause d’un parlement rétif ou d’une bourgeoisie hostile qu’intervint la capitulation. En effet la France était confrontée à une situation économique délicate liée à la contradiction entre les politiques budgétaires et monétaires. Le choix proposé par Jacques Delors et ordonné par François Mitterrand fut celui de la rigueur et de l’austérité parce qu’il permettait le maintien de la France dans la construction européenne. Le tournant portait en lui-même la trahison, puisque les socialistes violaient leurs engagements au profit d’un premier abandon de souveraineté. Ce fut en ce qui concerne le parti socialiste une conversion au néolibéralisme dont il devint par la suite le principal fourrier pour la France. Les années 80 offrirent le spectacle d’un effondrement moral à base d’argent fou et de corruption politique ou les socialistes n’étaient pas les derniers impliqués. François Mitterrand en tête, ils poussèrent les feux d’une construction européenne dont l’objectif évident, dès le traité de Maastricht, était la mise en place d’un dispositif institutionnel visant à priver les états membres de leur souveraineté économique en la faisant échapper à la délibération démocratique. Pierre Bérégovoy fut chargé dans la perspective de la monnaie unique d’appliquer la politique du « Franc fort » et de la « désinflation compétitive » au prix de centaines de milliers de chômeurs. Ces politiques furent poursuivies par Lionel Jospin quand il revint au pouvoir, en continuant le démantèlement de l’appareil industriel français public et privé et en dirigeant le gouvernement qui aura le plus privatisé dans l’Histoire de France.
Profitant de l’effondrement et de la quasi-disparition du PCF, débarrassé de toute concurrence sur sa gauche, ayant abandonné les couches populaires, le PS est devenu l’outil de la déconstruction de l’État-providence à la française et de l’abandon de la souveraineté de la France. Il n’avait plus besoin désormais de commencer par capituler, il incarne lui-même la trahison.
François Hollande en mode liquidateur ?
On ne s’étendra pas sur le mandat présidentiel calamiteux de celui dont il faut quand même rappeler qu’auparavant, en tant que premier secrétaire du Parti socialiste, il fut un des principaux acteurs de la forfaiture politique de la violation de la décision référendaire de 2005 et de l’adoption du traité de Lisbonne auquel il apporta son appui et celui de son parti. Son passage à l’Élysée fut une humiliation pour le pays devant lequel il ne put même pas se représenter, préférant favoriser l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée et prêtant probablement la main au coup d’État judiciaire qui l’a permis. Le parti socialiste semblait avoir entamé une dérive groupusculaire que la candidature d’Anne Hidalgo aurait dû précipiter. Jean-Luc Mélenchon l’en a préservé en lui restituant une fois de plus le label.
Il faut quand même noter, que pendant la campagne électorale de 2022,, outre la maire de Paris, deux autres candidats sont d’anciens membres du PS et ont été peu ou prou associés à tous les reniements et les trahisons que nous venons d’évoquer. Comme Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg. Qui sera contraint de renoncer et joue aujourd’hui les souverainistes résolus avant le prochain virage. Tout ceux-là n’assument rien, ne reconnaissent rien de leurs responsabilités pourtant lourdement engagées. C’est Anne Hidalgo enfilant les phrases creuses à base de vœux pieux sans prise avec la réalité. C’est Jean-Luc Mélenchon vitupérant le bilan du PS en oubliant le rôle qu’il y a joué comme par exemple avec son soutien au traité de Maastricht. Précisément celui qui a décidé la création de la monnaie unique, véritable boulet, rendant quasiment impossible la mise en œuvre du programme qu’il propose. C’est Arnaud Montebourg qui fait semblant d’être souverainiste en préconisant une réindustrialisation de la France, alors qu’il a contribué à l’arrivée à la présidence de François Hollande, et à celle de Manuel Valls au poste de premier ministre, pour déplorer aujourd’hui les conséquences des politiques de ceux qu’il a servis.
Aquilino Morelle n’est pas candidat, ce qui ne l’empêche pas de procéder de la même façon en publiant un livre extraordinaire. Violent réquisitoire contre les socialistes qu’il accuse, excusez du peu, d’avoir « permis au libéralisme de conquérir la planète », d’avoir commis un « coup d’Etat fédéraliste » en 1983, et « d’avoir défait la France sans faire l’Europe ». Touché par la grâce souverainiste il affirme « La réhabilitation de la Nation, réalité anthropologique et politique indépassable, s’impose ». On se frotte les yeux en se rappelant que cet homme a fait toute sa carrière au Parti socialiste, qu’il fut conseiller de Lionel Jospin premier ministre et de François Hollande à l’Élysée. Est-il possible de mieux se moquer du monde ? Cet exemple révèle finalement un des aspects de la nature profonde du Parti socialiste. Fruit de la scission du congrès de Tours il est devenu une organisation de notables sociologiquement liée aux couches moyennes. Son lien avec les couches populaires était celui d’une représentation alors que le PCF dans sa composition, sa direction et ses élus était une organisation authentiquement ouvrière. Cette concurrence contraignait la SFIO d’abord et le PS ensuite, à afficher des engagements « de gauche » pour arriver au pouvoir, et prestement les abandonner une fois installés. La disparition de la concurrence du PCF lui a permis de se débarrasser autant que faire se peut, du préalable des engagements de gauche, et d’assumer ce qui est finalement son ADN politique celui d’un banal parti de droite. Suivant la distinction de Léon Blum, le Parti socialiste n’a jamais voulu « prendre » le pouvoir mais « l’exercer », au service des intérêts dominants c’était plus confortable.
Il vient encore une fois d’en faire la démonstration. La rupture si prévisible du « Nouveau Front Populaire » est destinée à tenter de le ramener dans les salons de la république pour y sauver le macronisme dont il fut le créateur. ■ o RÉGIS DE CASTELNAU
Avant de partir, merci de m’offrir un café.
Regis’s Substack est une publication soutenue par les lecteurs. Pour recevoir de nouveaux posts et soutenir mon travail, envisagez de devenir un abonné gratuit ou payant. S’abonner
Vu de gauche, mais lucide. Le parti socialiste court après son ombre. N’est-il pas au cœur du système, notre république. Il a fallu un François Mitterrand, qui n’en n’est pas spécialement issu, pour s’en saisir et lui donner une ossature qui s’effondre une fois de plus, en miroir de notre régime. Qui nous a trahis le plus? Et si on regardait ailleurs?