Aller au contenu

JE SUIS FRANÇAIS

Le quotidien royaliste sur la toile

Search
  • Accueil
  • Politique
    • France
    • Europe
    • Monde
    • Les Lundis de Louis-Joseph Delanglade
    • En deux mots, réflexion sur l’actualité
    • Défense nationale
    • Social, economie…
    • Chiffres en vrac sur la France actuelle
    • Grain de sel … actualité
  • Comte de Paris
    • Monseigneur le Comte de Paris, Famille de France
  • Annonces
    • Activités, Presse, Mouvement
    • Annonces à propos de JSF
  • Société
    • Immigration – Insécurité – Anti racisme
    • Education
    • Justice
    • Patrimoine, Racines, Traditions
    • Politique et Religion
    • Humour
  • Vidéo-Audio
    • Vidéos
    • Audios
  • Idées-Culture
    • GRANDS TEXTES
    • Idées, Histoire, Culture & Civilisation
    • Patrimoine cinématographique [P. Builly]
    • Ephémérides
    • Visuels
    • Nos lecteurs ont la parole…
    • Aux nouveaux lecteurs qui nous découvrent…
    • Journal d’un royaliste français au Maroc
  • République ou Royauté
    • République ou Royauté ?
    • Révolution – Terrorisme – Totalitarisme
  • Dossiers
    • Lire Jacques Bainville
    • Bainville : Journal année 14
    • Pierre Debray – Une politique pour l’an 2000
    • Pierre Debray – Maurras et le Fascisme
    • L’Action française dans la Grande Guerre
    • Mai 68
  • RechercheRecherche

Rentrée littéraire ♦ Belle-de-Mai Éditions vous propose Ramuntcho de Pierre Loti

mercredi 10 septembre 2025mercredi 10 septembre 2025 sur Rémi Hugues


PIERRE LOTI CHEZ LES BASQUES, par Gaston Deschamps

Le président de la République, sur la proposition du ministre de la marine, enjoignit naguère à l’académicien Pierre Loti, lieutenant de vaisseau, d’aller prendre le commandement du Javelot, chaloupe-canonnière, qui est, de toute éternité (l’Annuaire est là pour le prouver), « en mission dans la Bidassoa ».

Quel est, au juste, l’objet de cette mission? Les voyageurs qui vont de Hendaye à Saint-Sébastien se posent cette question les uns aux autres, lorsqu’ils voient le Javelot perpétuellement embossé devant l’île des Faisans, sous le pont du chemin de fer.

Les uns disent : « C’est pour la contrebande ». Les autres insinuent : « C’est pour surveiller la côte ». Les malins pensent qu’il s’agit peut-être de régler certaines questions de frontières, qui sont irrésolues depuis le traité des Pyrénées, et pour lesquelles une commission diplomatique (voyez l’Annuaire des affaires étrangères) « fonctionne » encore à Paris.

Je croirais plutôt que M. le président et M. le ministre, en signant et en contresignant cet ordre ingénieux, ont obéi à une arrière-pensée de littérature. Ils ont pensé sans doute que le paisible Javelot est un observatoire commode pour étudier l’âme basque. Pourvu de ce commandement, qui n’exige pas une application soutenue ni une attention de toutes les heures, Loti, dans sa chaloupe, a pu rêver, méditer, écrire, corriger des épreuves. Et il nous a donné ce qui nous manquait : un livre sur la Biscaye.

Une femme d’esprit me disait récemment :

— Quel dommage qu’un écrivain n’aille pas s’installer à Saint-Jean-de-Luz, à Urrugne ou aux environs de Hendaye, afin de substituer aux sèches nomenclatures du Guide Joanne ou du Manuel Bædeker, la peinture vivante de ce divin pays ! On décrit la Bretagne, encore la Bretagne, toujours la Bretagne. Personne, ou presque personne ne songe à ce pauvre coin de Biscaye.

— Et le Voyage aux Pyrénées de Taine, insinuai-je.

— Taine ? Eh bien franchement, ses descriptions sont trop violentes, trop forcenées. Il n’a vu, à Saint-Jean-de-Luz, que des spectacles épouvantables. Évidemment, il y est arrivé par un mauvais jour…

Ma gracieuse interlocutrice avait raison. Jusqu’ici, la plupart des prosateurs et des poètes n’ont parlé de la Biscaye qu’en passant, en courant, d’un ton hâtif et d’une haleine essoufflée. Théophile Gautier, en 1840, eut à peine le temps de remarquer (bien qu’il eût de fort bons yeux) le chapeau pointu, la veste brune, les guêtres de peau et la ceinture rouge du mayoral qui conduisait la voilure de Bayonne à Madrid. Il dessina, sur son carnet, deux ou trois contrebandiers qui n’étaient peut-être que d’honnêtes bouviers en béret. Aux relais, avant de payer avec des réaux, pleins de couleur locale, le propriétaire de la posada, le bon Théo improvisait des vers picaresques sur

Urrugne,

Nom rauque, dont le son à la rime répugne.

Victor Hugo, le 23 juillet 1843, par un après-midi de pesante chaleur, fut cahoté de Dax à Bayonne sur l’impériale d’une diligence dont la sellette lui parut aussi dure que les cailloux du chemin. Quelques jours après, il vit rapidement Biarritz, « village blanc à toits roux et à contrevents verts ». Se promenant, à marée basse, parmi les coquillages et les crabes, il vit « une belle jeune fille qui nageait vêtue d’une chemise blanche et d’un jupon court dans une petite crique fermée par deux écueils à l’entrée d’une grotte ». En nageant, cette baigneuse chantait

Gastibelza, l’homme à la carabine.

De là, le poète des Feuilles d’automne se rendit à Saint-Jean-de-Luz, qui lui parut « un village cahoté dans les anfractuosités de la montagne ». La Bidassoa lui sembla une jolie rivière, mais il observa que, « dans l’île des Faisans, il y a des canards ». Irun ne lui plut guère. « Irun, dit-il, ressemble aux Batignolles. » Toutefois, en regardant la carte du Guipuzcoa, il remarqua de beaux noms aux syllabes étranges et il se promit de leur faire un sort. Déjà, il avait illustré le village d’Hernani, troupeau de huttes, perdu sur la frontière d’Espagne. Plus tard, en écrivant la Légende des siècles, il se souvint de ce mont Jaïzquivel, auquel les touristes de Saint-Sébastien ne manquent jamais d’accorder un coup d’œil entre deux courses de taureaux :

Laveuses, qui, dès l’heure où l’Orient se dore,

Chantez, battant du linge, aux fontaines d’Andorre,

Et qui faites blanchir des toiles sous le ciel ;

Chevriers, qui roulez, sur le Jaïzquivel,

Dans les nuages gris votre hutte isolée;

Muletiers, qui poussez de vallée en vallée

Vos mules sur les ponts que César éleva,

Sait-on ce que là-bas le vieux mont Corcova

Regarde par-dessus l’épaule des collines ?

Ainsi, la Biscaye, effleurée par des incursions brèves, n’avait pas encore été annexée à la littérature. C’est à ce moment que Loti vint. Il était temps, grand temps. Car les Basques subtils exploitent déjà les curiosités de leur beau pays, comme s’ils étaient Suisses. Victor Hugo avait prédit ces appétits de lucre et cette invasion des Barbares. « Un jour viendra, disait-il, où Biarritz, ce village si honnête, sera pris du mauvais appétit de l’argent, sacra fames. Biarritz mettra des peupliers sur ses mornes, des rampes à ses dunes, des escaliers à ses précipices, des kiosques à ses rochers, des bancs à ses grottes, des pantalons à ses baigneuses On lira la gazette à Biarritz ; on jouera le mélodrame et la tragédie à Biarritz. Le soir, on ira au concert, et un chanteur en i chantera des cavatines de soprano à quelques pas de ce vieil océan qui chante la musique éternelle des marées, des ouragans et des tempêtes. »

Hélas ! cette sinistre prophétie est maintenant réalisée. Biarritz et Hendaye sont des « plages ». Les casinos, les hôtels (de premier ordre), les cabines, les cafés, les villas se multiplient dans les vallées de la Bidouze, de la Nive et de la Nivelle. Des chalets trop confortables guettent les voyageurs au sommet de la Rhune. Le bourg d’Ascain, où Loti aimerait à planter sa tente, ne sera bientôt plus qu’une colonie d’auberges cosmopolites. L’état lamentable de ce pays dévasté n’a pas découragé Loti. L’auteur des Japoneries d’automne est un grand conquérant. Il est sûr de vaincre, parce qu’il ne voit pas l’ennemi. Il lit les Guides, il les sait par cœur, mais il n’a, de sa vie, entrevu M. Perrichon. Heureux homme ! Son imagination l’znveloppe d’un nuage doré qui dérobe à ses yeux toutes les vulgarités et toutes les platitudes. Il est doué d’une puissance d’illusion divinement enfantine. Le pèlerin du Désert a mis un burnous pour monter au Sinaï, et là-haut il n’a pas été offusqué par la table d’hôte, établie pour les clients de l’agence Cook, à l’endroit même d’où Moïse rapporta les tables de la Loi. Pareillement, le commandant du Javelot « en mission dans la Bidassoa », élimina d’instinct tout ce qui pouvait gêner sa vue. Il se fit Basque, comme il s’était déjà fait Turc, Nippon et Bédouin. Son initiation, commencée en l’automne de 1891, par une châtelaine du pays « escualdanac » (c’est ainsi qu’il faut appeler le pays basque), vient d’aboutir à une manière de chef d’œuvre Ramuntcho.

C’est du Loti, du vrai Loti, de l’ancien. Cette histoire, très belle, se passe autour du clocher massif d’Etchezar, planté comme un donjon de forteresse au tournant d’un chemin, en face de la haute muraille des Pyrénées. Occasion, pour Loti, de nous dépeindre, avec cette précision émue dont il est coutumier, le décor des montagnes basques. Hauteurs peu élevées, mais dont les crêtes découpent sur le ciel un zigzag de lignes très nettes. Silhouettes lointaines de vieilles villes, Fontarabie, Irun, dont la physionomie âpre s’adoucit dans les vapeurs bleuâtres de l’horizon. Églises « qui ressemblent à des mosquées, avec leurs grands vieux murs farouches, percés tout en haut seulement de minuscules fenêtres ». Cimetières dont les cyprès se massent, en assemblées sombres, au milieu des hameaux disséminés. Petits sentiers de chèvres, qui semblent ramper au flanc des coteaux. Chemins ombreux et solitaires sous les vieux chênes qui s’effeuillent, entre des talus richement feutrés de mousses et de fougères. Ravins où bruissent des torrents. Pelouses inclinées, où les fleurs de digitale s’élancent partout comme de longues fusées rosés. Gorges d’ombre, où se tassent de grands chênes, et au-dessus, partout, un lourd amoncellement de montagnes, d’une couleur rousse, brûlée de soleil. Et la Bidassoa tantôt encaissée comme un gave entre deux falaises de roches, tantôt élargie en estuaire, bleue comme un lac aux heures de marée haute, ou devenue un mince filet d’argent, à l’étalé de basse mer. Tous les aspects du ciel, de la terre et des eaux, tous les moments du jour et de la nuit, tous les changements des saisons pourraient se refléter en images fixes sur les plaques sensibles que Pierre Loti, merveilleux photographe en couleurs, offre aux impressions de la fantasmagorie universelle. Il suffît, pour s’en convaincre, de feuilleter cet album-ci.

Journées de novembre, « dans un tiède rayonnement de ce soleil, qui s’attarde longtemps sur les pentes pyrénéennes. Au bord des chemins, montent de hautes graminées, comme au mois de mai, et de grandes fleurs en ombelles, qui se trompent de saison ; dans les haies, des troènes, des églantiers ont refleuri, au bourdonnement des dernières abeilles, et l’on voit voler de persistants papillons, à qui la mort a fait grâce de quelques semaines. »

Crépuscules d’arrière-saison, où « l’automne s’indique par la chute hâtive du jour, avec tout à coup une fraîcheur montant des vallées d’en dessous, une senteur de feuilles mourantes et de mousse; les brumes tristes apparaissant avec le soir; tes Pyrénées confondues parmi des vapeurs d’un gris d’encre, ou bien, par places, découpées en noires silhouettes sur un pâle ciel d’or ».

Après-midis limpides d’hivers attiédis par les brises d’Afrique. Le relief des montagnes s’avive de lumière et d’ombre. Les Pyrénées semblent s’avancer, écraser le village. Les cimes espagnoles ou les cimes françaises sont là, toutes proches, comme plaquées les unes sur les autres, exagérant leurs bruns calcinés, leurs violets intenses et sombres. Par instants, la clarté du jour est éclipsée par de grandes nuées opaques, déployées en forme d’arc. Çà et là, le voile se déchire. Et, par la déchirure, frangée de vif-argent, on aperçoit la profondeur d’un ciel bleu, presque vert…

Pluie dans la montagne. Les nuages sont descendus si bas qu’ils enveloppent les pacages de mi-côte, s’appesantissent en traînées lourdes jusqu’au fond des combes et semblent amasser un poids de tristesse sur le toit des maisons, sur la tête des hommes, sur l’âme obscure des bêtes. La bourrasque d’automne s’annonce par une demi-obscurité qui brouille l’aspect des choses, et, par de brusques coups de vent qui font frissonner les arbres. La nature semble se recueillir, attendre. « Et les premières gouttes d’eau commencent à tomber, larges, espacées, lourdes, s’étalant, avec un bruit monotone sur la jonchée des feuilles mortes. Les courlis, messagers de tempêtes, fuient vers la haute mer. Le vent, plus fort, secoue les branches. L’eau, plus drue, ruisselle à travers les herbes couchées, les chemins ravinés et les roches dénudées. Les montagnes semblent emprisonnées, comme dans un réseau, par les raies innombrables, continues de l’averse. Et, pendant des heures et des heures, la Biscaye est noyée, glacée par l’ondée refroidissante, avant que l’hiver vienne tuer les germes, arrêter les sèves, alanguir les cœurs.

Effets de nuit. C’est dans les montagnes que la nuit, nourricière de fantômes, évocatrice de rêves, source obscure des terreurs, a gardé le plus cette puissance des ténèbres, qui, dans les temps anciens, faisait chanceler de vertige et d’effroi l’âme religieuse de notre race. Aurores d’avril, si magnifiques et si douces, qu’on ne sait, en vérité, quelle puissance méchante a voulu, par le perpétuel rajeunissement du printemps merveilleux, rendre plus sensibles à notre cœur, plus inconcevables à notre esprit, plus implacables à notre chair les atteintes de la décrépitude, le mystère décevant de l’amour, l’aiguillon de la douleur et de la mort.

Loti, en Biscaye, s’effrayait de ces formidables antithèses, dont la hantise a poursuivi, dans les cinq parties du monde, son âme longuement songeuse et vite amusée. Il n’y a pas de coin de terre, si petit qu’il soit, où nous ne puissions apercevoir l’infinité de notre misère. Et partout aussi nous pouvons espérer de trouver un peu de ce réconfort précaire, que Pascal appelait le « divertissement ».

L’auteur de Mon frère Yves s’est « diverti » en regardant les Basques. Il aime ces montagnards chaussés d’espadrilles, parce qu’ils sont lestes et forts, résignés et braves. Attiré par l’inconnu, il se plaît à interroger l’énigme insoluble qui fait hésiter la science devant le problème de leurs origines. Je ne sais s’il comprend cette langue « euskarienne », qui a dérouté tant de philologues. Mais j’incline à croire qu’il sait l’irrintzina, le grand cri basque, signe de joie, de ralliement ou de détresse, appel des contrebandiers, si fort qu’il domine le tonnerre des gaves, si perçant que les pêcheurs l’entendent malgré le vent et les vagues, si terrible que les carabiniers d’Espagne et les douaniers de France pâlissent en l’écoutant. À l’appel de Loti, les Basques sont venus à travers la montagne. Tous, beaux garçons et belles filles, vieillards et enfants, mendiants, buveurs de cidre, bouviers sans sous ni maille ou notables villageois enrichis par des migrations vers l’Amérique du Sud, tous sont venus, d’un pas dégagé, le béret sur l’oreille, la jambe serrée par les lanières des souliers de corde. Et, dans le décor arrangé par le sortilège du magicien qui les assemble, ils se souviennent de leurs aïeux, ils font les gestes héréditaires.

D’abord, la contrebande. C’est très amusant, surtout par les nuits d’hiver, par grand vent et pluie fouettante, lorsque les rudes gars descendent vers la Bidassoa et remontent péniblement, les pieds enfoncés dans la vase, à cause de la lourdeur des caisses et des ballots. Gare au bateau-ronde, qui promène chaque nuit les gabelous d’Espagne Il faut alors ruser comme des Peaux-Rouges, faire le guet, se tapir contre les barques de pêche, veiller. L’oreille tendue, sous le ruissellement de la pluie. Quelle joie, lorsqu’on peut arriver, avec la cargaison, à la petite auberge de Zitzarry. C’est alors qu’on pousse à pleins poumons le terrible cri : l’irrintzina !

Ensuite, les parties de pelote, après vêpres, le dimanche. Ils sont là six beaux garçons, six pelotaris, en tenue de combat, le torse libre dans une chemise de cotonnade rose ou moulé par un maillot de fil — sauf les curés qui, dans ce pays sont aussi enragés que les autres, et veulent lancer la balle, malgré l’entrave de leur robe noire. Etchezar est le centre des bons joueurs, le « conservatoire de la pelote », célèbre en Espagne et jusqu’en Amérique. La « pelote » est une petite balle de corde, serrée et recouverte en peau de mouton, et dure comme une boule de bois. On la saisit, on la lance avec un gant d’osier, fabriqué en France par un vannier unique du village d’Ascain. Le pelotari vainqueur est acclamé en Biscaye, comme en Castille le toréador. Les filles, dont le joli chignon est noué d’un foulard de soie, sourient en le voyant venir.

Le dimanche soir, au clair de lune, on danse le fandango sur des airs de valse ancienne. Le fandango tourne et oscille… Tous les bras, tendus et levés, s’agitent en l’air, montent ou descendent avec de jolis mouvements cadencés, suivant les oscillations du corps. C’est une danse silencieuse, car les espadrilles légères effleurent à peine le sol. Le froufrou des robes se mêle, comme un bruissement indistinct, au petit claquement sec des doigts, imitant un bruit de castagnette. « Avec une grâce espagnole, les filles, dont les manches s’éploient comme des ailes, dandinent leurs tailles serrées, au-dessus de leurs hanches vigoureuses et souples. » Et, pendant la semaine, la vie habituelle reprend, dure et vaillante. Par les chemins étroits, les charrettes aux roues de bois, sans rayons et sans jantes, passent, en grinçant, traînées par des bœufs qu’active la mélopée des anciennes chansons.

Ainsi, par le caprice tout-puissant de Loti, la Biscaye ressuscite à peu près telle qu’elle pouvait être, au temps de cet Alain, sire d’Albret, dont M. Achille Luchaire a narré les aventures. On oublie qu’il y a maintenant, dans cette province, un chef-lieu d’arrondissement, des chefs-lieux de canton, des percepteurs, des maîtres d’école, des modistes, des politiciens et des agents électoraux. Le touriste profanateur a disparu. C’est une Biscaye. nettoyée, purifiée, faite à souhait pour encadrer les amours sauvages et fières de Ramuntcho et de Gracieuse.

Ramuntcho (autrement dit le petit Raymond) est le plus fin contrebandier d’Etchezar, le plus vigoureux pelotari des Pyrénées, le plus fin danseur de fandango, qui ait jamais tourné sut la place de l’église, durant les soirs d’été, tandis que la lune écornait son croissant aux cimes abruptes de la Gizune. Plus raffiné que la plupart de ses compagnons, il est Basque par sa mère Franchita (une grande femme sérieuse, pâle et droite sous ses vêtements noirs) mais son père est un étranger, qui est venu dans le pays jadis et qui est reparti vers les villes. Gracieuse est la sœur d’un garçon nommé Arrochkoa, lequel est camarade d’enfance, le rival au jeu de Ramuntcho. Qu’elle est jolie, cette Gracieuse, et qu’on aime à la regarder, soit qu’elle entre à l’église, embéguinée de noir, ses cheveux blonds serrés par l’étroite mantille des cérémonies, soit que la guitare et le tambourin basque, sonnant la seguidille espagnole, égayent d’un rire clair la fraîcheur de ses quinze ans, soit que, sous les platanes, après le fandango, en s’en allant parmi les herbes longues et les scabieuses, elle se retourne pour sourire à son ami et lui envoyer, de la main, un gentil adios !

Ramuntcho aime Gracieuse. Elle est pour lui une fiancée toujours présente, même lorsqu’elle est loin. Toutes ses bonnes pensées, il les lui dédie, comme à une image de la Vierge tutélaire et consolatrice. Toutes ces prouesses, tous ces exploits qui rendent jaloux les autres jeunes gens, il les lui offre en secret. Quand ils se promènent, au bras l’un de l’autre, ils parlent d’avenir, d’espérance, d’immortel amour. Ils songent au foyer entrevu, au bonheur espéré, à ce plus tara dont se berce et se leurre éternellement la fragilité de nos pensées. Et je ne résumerai point ces dialogues. Ils sont charmants. Je ne vois que Loti qui sache faire parler ainsi les lèvres vermeilles, les yeux adolescents et les âmes en fleur.

Amours divines, que traverse et torture, comme toujours, la survenue des intérêts humains, et cette question de « convenance », qui est pour les familles, même en Biscaye, une sorte de raison d’État.

Ramuntcho n’épousera pas Gracieuse. Cela serait trop beau, trop conforme à la loi sacrée. C’est pourquoi des gens s’y opposent.

Il quitte le pays, pour son service militaire. Quant à elle, afin de la guérir de son mal, on l’enferme dans un couvent. Trois ans après, bruni par des campagnes au soleil, très loin, dans les colonies, il revient au village natal, et il apprend que sa fiancée s’est faite religieuse. Que ceux qui ont connu quelque part, dans l’univers, un coin béni et douloureux, qui fut plein du souvenir de l’adorée, et qui, par son absence, est devenu désert, que ceux-là relisent l’histoire de ce retour. Oh ici, toute l’ironie mauvaise dont nous sommes saturés ne peut duper notre esprit ni désabuser notre cœur. Cela est beau, d’une beauté primitive et cependant contemporaine de tous les âges, d’une beauté déchirante, comme tout ce qui touche le fond de nos joies rapides et de nos longues misères.

Avant toutes choses, avant de savoir ce qu’il fera ou ne fera pas, le malheureux veut suivre, en un lent pèlerinage, tous les chemins où il marchait jadis avec elle, chemins fleuris, alors, chemins de paradis, et maintenant si âpres, malgré l’image enfuie, dont là grâce flotte encore sur leur solitude.

Mais à son âge, on ne souffre pas sans révolte. Avant de renoncer au bonheur, on veut le conquérir de haute lutte. Lisez, dans cet admirable poème (décidément impossible à résumer), lisez comment Ramuntcho essaya de lutter contre sa destinée et comment il fut vaincu. La scène de ta rencontre, dans le couvent, est un des drames les plus magnifiques et les plus poignants que je connaisse. Et avec des moyens si simples ! Je vous préviens que cela finit très mal, comme la plupart des nobles romans et comme beaucoup d’histoires qui sont arrivées.

Gaston Deschamps
« La vie littéraire », Le Temps, 21 mars 1897


Nombre de pages : 188.

Prix (frais de port inclus) : 24 €.

Commander ou se renseigner à l’adresse ci-dessous : commande.b2m_edition@laposte.net ■

Categories Idées, Histoire, Culture & Civilisation, Patrimoine, Racines, Traditions
Post navigation
Éphéméride du 10 septembre
Vidéo courte — Hubert Védrine : Regard sur le basculement géopolitique du monde.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

L'association Je Suis Français est la seule destinataire de vos données personnelles qui ne sont en aucun cas transmises à des tiers sous quelque forme que ce soit.

Archives

Notre marque

Peinture par un jeune artiste Prix de Rome, offerte à l’U.R.P. pour le 7e centenaire de la mort de Saint-Louis [1970] © U.R.P. [Peut être reprise sur autorisation écrite.]

Prince Jean : « Le rôle politique, je l’ai »

« Le rôle politique, je l’ai sans avoir besoin d’être élu. C’est tout à fait dans le rôle d’un prince de pouvoir sortir un peu de cet échange partisan et de s’intéresser au bien commun, à l’intérêt général de la Cité. »

_____________________________________

Direction de Je Suis Français
Yves Boulon – Sylvie Gaud-Hueber – Jean Gugliotta – Jean-Louis Hueber – Paul Léonetti – Gérard Pol.         
_____________________________________

Ce quotidien a un coût. Son audience un prix. Aidez-nous ! Faites un don ! À partir de 5 €. Merci !

Faire un don ? Le plus simple, c’est PayPal. Dons en ligne – en toute sécurité. Utiliser le bouton PayPal ci-dessous

Sinon, par chèque. Ordre : Je Suis Français – Adresse postale : Je Suis Français, 50 rue Jean Mermoz, 13008 MARSEILLE

__________________________________

Rubriques Chroniqueurs

POLITIQUE
. Les Lundis de Louis-Joseph Delanglade. Contribution â l’expression de notre ligne politique [France & Étranger].
. En deux mots, par Gérard Pol. Réflexion sur l’actualité française et internationale.
. Idées et débats par Pierre de Meuse.
. Les chroniques moyen-orientales d’Antoine de Lacoste,
. Les analyses économiques de plusieurs spécialistes.
. Dans la presse et Sur la toile. Des réactions courtes aux articles, vidéos, audios, les plus marquants.
. Les GRANDS TEXTES politiques.
CULTURE
. Péroncel-Hugoz : Journal du Maroc et d’ailleurs [Inédit]. Autres contributions : Histoire, géographie, lectures et reportages.
. Les études de Rémi Hugues ; Histoire, sociologie politique, philo et actualité. Des séries originales et documentées.
. Patrimoine cinématographique et autres sujets  : les chroniques dominicales de Pierre Builly 
. Les éphémérides.
ANNONCES DES PRINCIPALES ACTIVITÉS
du monde royaliste. Presse et revues, réunions, conférences, colloques, manifestations, etc.
COMTE DE PARIS – FAMILLE DE FRANCE
. Messages, tribunes, activités, du Prince Jean, Comte de Paris. Les événements de la Famille de France. Et complément : les récits et choses vues de Francesca.
__________________________________

L’Histoire de France  jour après jour. Personnages célèbres, écrivains, savants, artistes, religieux, chefs militaires. Événements majeurs. Œuvres d’art, monuments et sites d’un héritage exceptionnel : le nôtre.

     _____________________________

CLIQUEZ SUR LES IMAGES   

_________________________________

Se renseigner – S’abonner

____________

S’abonner sur le site de Politique magazine : 

____________________________ 

Les principales activités royalistes annoncées ici. Revues, réunions, conférences, colloques, manifestations, etc. Image : © GAR


(Sur le site de l’Action Française)
_________________________________ 

Le site géostratégique d’Antone de Lacoste _________________________________ 

Fédération Royaliste Provençale
Fédération régionale de l’Action Française

BPM 777,  19 rue du Musée, 13001 MARSEILLE. Messagerie : urp@outlook.fr

(ATENTION : l’adresse 48 rue Sainte-Victoire, 13006 MARSEILLE, est supprimée). 
_______________________________

Livres à la une

Le dernier ouvrage de Jean-Paul Brighelli, – agrégé de Lettres, qui a enseigné pendant 45 ans :  « La fabrique du crétin – Vers l’apocalypse scolaire« , le tome 2 de son succès d’édition, déjà vendu à 150 000 exemplaires. Cliquez sur l’image.

_________

L’Action française est aujourd’hui le plus ancien et, dans sa continuelle vitalité, le plus constamment jeune des mouvements politiques, toutes tendances confondues. Elle se renouvelle à chaque génération, dans la permanence, sans cesse ravivée et adaptée, d’une doctrine, d’une vision, d’une action. Cliquez sur l’image.
__________________________________

JSF recommande à ses lecteurs d’adhérer à l’Action Française

Chers lcteurs, il ne suffit pas de nous lire. Si vous le souhaitez, si vous le pouvez, nous vous recommandons d’adhérer à l’Action Française, pour soutenir, renforcer, participer au mouvement royaliste. L’année commence, c’est le moment ! Cliquez sur l’image !   JSF
__________________________________

Bernard Lugan : Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentancePrésentation – Table des matières – Commandes  [CLIQUER]

__________________________________

Livres recommandés…

Pierre de Meuse. Derniers ouvrages parus

 

 

 

 

 

Idées et doctrines de la Contre-Révolution, préface de Philippe Conrad.  DMM – 2019.
Le dogme de l’antiracisme, origine, développement et conséquences, préface de Bernard Lugan,  DMM – 2024.
Informations – Achats : Cliquez sur les images.
Annie Laurent : L’Islam. Pour s’informer sérieusement …

Pour en savoir plus sur cette indispensable étude, pour commander : ICI

__________________________________


Envois postaux : Je Suis Français, 50 rue Jean Mermoz, 13008 MARSEILLE 
Courriel : contact@jesuisfrancais.blog

Librairie de Flore

Cliquez sur l’image pour accéder aux produits de la Librairie de Flore ! Livres, revues, boutique …

L’incontournable ouvrage de Charles Maurras enfin disponible. 15,00€, 515 pages. En stock.

Lettre de JSF : S’abonner, c’est utile et c’est gratuit !




Service quotidien gratuit, déjà assuré le matin pour les milliers de lecteurs inscrits. Si ce n’est pas encore votre cas, inscrivez-vous dès maintenant pour recevoir la lettre de JSF au plus vite et régulièrement. Inscription simple ci-dessous.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité.

Vérifiez votre boite de réception ou votre répertoire d’indésirables pour confirmer votre abonnement.

Comte de Paris : 60 ans d’héritage et d’avenir

https://youtu.be/MEl5wncXQ0M

. Comte de Paris, Site Officiel
. Comte de Paris, Page Facebook 
. Politique Magazine & Revue Universelle
. Maurras.net
. Action Française – Le bien commun

                                    
Je Suis Français (JSF) est aussi sur Twitter/X
                 
Page associée

Commentaires récents

  • mercredi 10 Sep 19:10
    France-Marie de Montbrun sur Immigration : la pétition de Philippe de…
    “Bonjour, Je vis aux Etats-Unis, j’ai essaye plusieurs fois de signer la petition de Monsieur de…”
  • mercredi 10 Sep 14:52
    JSF sur Vidéo courte — Hubert Védrine :…
    “C’est corrigé. Merci !”
  • mercredi 10 Sep 11:31
    Marc Vergier sur Le Siècle de la revanche
    “@ Cher Di Guardia : vous me surestimez beaucoup. L’Académie Française (AF) propose un intéressante rubrique…”
  • mercredi 10 Sep 09:12
    Marc Vergier sur Vidéo courte — Hubert Védrine :…
    “erratum : lire “Je pense qu’on a changé d’ Etats-Unis et non « des »”
  • mardi 9 Sep 14:25
    Henri sur Faillite d’un régime. Communiqués de l’Action…
    “Très bonne analyse, Il faut aussi agir? Comment? Au moins se poser la question.”
  • mardi 9 Sep 14:16
    Anne sur Guillaume Bernard : l’enjeu politique de…
    “Cette engeance est wokiste, diversitaire, immigrationniste de toutes les formes possibles d’immigration. C’est tout un, c’est…”
  • mardi 9 Sep 13:17
    Setadire sur Faillite d’un régime. Communiqués de l’Action…
    “Très bonne analyse, c’est le système qui est bancal, les partis politiques ne songent qu’à leur…”
  • mardi 9 Sep 12:17
    David Gattegno sur Guillaume Bernard : l’enjeu politique de…
    “Une «conspiration ancienne, bien avant l’élection», tel a bien été le cas avec le débarquement du…”
  • mardi 9 Sep 11:17
    Di Guardia sur Le Siècle de la revanche
    “Marc Vergier est sans pitié pour nous tous qui écrivons peu ou prou. Il devrait écrire…”
  • mardi 9 Sep 11:14
    Pierre Builly sur Guillaume Bernard : l’enjeu politique de…
    “Je ne dis pas du tout que ceux qui ont écrit là-dessus sont des sots !…”
  • mardi 9 Sep 09:34
    Marc Vergier sur Le Siècle de la revanche
    “Je préfère les style de M. de Lacoste. Quelle fricassée ! Parmi les morceaux de choix,…”
  • mardi 9 Sep 09:27
    Cincinnatus sur Pertes et profits
    “L’Europe des nations est une belle et bonne idée mais pas la cacophonie actuelles avec ses…”

EXPLOREZ LES TRÉSORS DE NOTRE HISTOIRE

EXPLOREZ LES TRÉSORS DU CINÉMA…

____________________________________

Une collection de vidéos dont un grand nombre exclusives réalisées par l’Union Royaliste Provençale. © URP/JSF – Reproduction autorisée à condition de citer la source.

Chaîne YouTube Je Suis Français. Pour une plus large audience.  (Création récente)

_____________________________________

Péroncel-Hugoz dans JSF

Retrouvez ici..

Et aussi…

_______________________________

Appel aux lecteurs de Je Suis Français : Pour la sauvegarde du patrimoine matériel de l’Action Française !

Participez à l’opération nationale de sauvegarde du patrimoine historique de l’Action Française, lancée par le Secrétariat Général du Mouvement. Tous documents ou objets divers nous intéressent : photos, films, livres, journaux, correspondance, insignes, drapeaux etc. Ecrire à Michel Franceschetti : chetti133@sfr.fr .   

PEUT-ON SORTIR DE LA CRISE ? Une étude intégrale de Pierre Debray dans JSF

Une contribution magistrale à la réflexion historique, économique, sociale, politique et stratégique de l’école d’Action Française. Étude intégrale à la disposition des lecteurs de JSF, notamment étudiants, chercheurs et passionnés d’histoire et de science économiques.  ENTRÉE

Les créations de JSF : Séries, dossiers, études

 

Etudes, séries, dossiers regroupés pour être en permanence disponibles et directement consultables   © JSF – Peut être repris à condition de citer la source Pour y accéder, cliquez sur l’image.

A lire dans JSF : Le clivage du « nouveau monde » par Rémi Hugues.

Un mini-dossier en 6 parties. Analyses et propositions. Une manière d’appréhender la situation française réelle et ses évolutions afin de fixer nos positions. A lire, donc.  Suivre les liens.  JSF     I   II  III   IV   V   VI

Quatre livres fondamentaux de Charles Maurras réédités par B2M, Belle-de-Mai éditions

Enquête sur la monarchie. (Édition de 1925), 39 €, 836 p.

Le manifeste royaliste en ouverture du XXe siècle ! (Parution courant 1900). Maurras y pose la célèbre question : « Oui ou non, l’instauration d’une monarchie héréditaire, antiparlementaire traditionnelle et décentralisée est-elle de salut public ? » !   

L’Avenir de l’intelligence, 25 €, 244 p.

Une étude de l’histoire politique et intellectuelle du XVIe au XXe siècle, où Maurras à montre comment les intellectuels et artistes attachés à produire des œuvres de l’esprit sont passés « de l’autorité des princes de notre Sang sous celle des marchands d’Or », les immenses fortunes industrielles et bancaires qui limitent la liberté de l’esprit. Maurras en appelle à une alliance entre les intellectuels et le patriotisme des Français pour renverser cette mécanique.

Kiel et Tanger, 29 €, 428 p.

Maurras y constate la tragique infériorité du régime républicain en matière de politique internationale, spécialement face à la menace allemande de l’époque. Prévoyant la guerre à venir il conclut à la nécessité de remettre un roi à la tête du pays. Prolongeant le réalisme de la pratique capétienne des relations internationales, ancêtre de la pensée géostratégique française.

La Démocratie religieuse, 31 €, 620 p.

Parution en 1921, compilant trois textes préalablement écrits par Charles Maurras : Le Dilemme de Marc Sangnier (1906) – – La politique religieuse (1912) – – L’Action française et la religion catholique (1914). Cet ouvrage voit dans la démocratie une religion nouvelle qui vide le politique de sa puissance.

Et aussi…


Henri Massis, Georges Bernanos, Maurras et l’Action française, présentation de Gérard Pol, 18 €, 104 p.

Léon Bloy, Le salut par les juifs, avant-propos de Laurent James, 20 €, 156 p.

Commandes et renseignements : B2M, Belle-de-Mai éditions – commande.b2m_edition@laposte.net

* Frais de port inclus

  • Contact
  • Mentions Légales
  • Politique de Confidentialité
Je Suis Français © 2019 Tous droits réservés.

Site réalisé par Eva Giraud Web
Retour en haut de page