
« L’ART AU PAYS BASQUE » par O’ Divy

Comme je regagnais ma chambre, je heurtai presque, sur les marches de l’escalier, un assez grand monsieur que je ne regardais pas, et qui, d’une voix vibrante de cordialité, s’exclama : — Tiens ! O’Divy! À Saint-Jean-de-Lux !…
Je levai le nez, et reconnus… Comme dans la chanson, je ne puis vous le nommer, car, bien qu’il soit très répandu dans le monde artistique où l’on raffole de ses suggestifs aperçus et où il cause, en badinant, des feuilletons que bien peu seraient capables d’écrire, il a le travers de se croire obscur, et veille jalousement sur sa pseudo-obscurité, comme d’autres sur leur pseudo-célébrité.
— Quelle chance de vous trouver ici !
— Ici, c’est gentil, repris-je.
— Mieux que gentil, superbe. Vous doutez-vous que vous respirez en plein pays Basque ?
— Quoi ? Le pays de Gracieuse ?
— Et de Ramuntcho, parfaitement !
— Alors Loti ne l’a pas inventé ?
— Du tout ; il l’a copié pas mal, du reste, au moins quant aux choses, car sa psychologie des personnes est plus douteuse.
— Je verrai donc la Ghizune ?
— Vous la voyez chaque fois que vous sortez ; c’est la montagne qui ferme le vallon et semble garder là baie.
— La Rhune ?
— Oui.
— Et le village de Ramuntcho ? Il existe, lui aussi ?
— Je crois bien ; il se nomme Sare ; à peine est-il distant de quelques kilomètres ; je vous y conduirai ; nous visiterons son église, son cimetière, son jeu de paume ; je vous présenterai mon ami l’instituteur…
— Et Ramuntcho ?
— Ramuntcho n’y est plus ; Loti, je crois, Ta pris à son service.
— Comme mon frère Yves ; Loti n’a pour domestiques que des héros de roman, à moins que son imagination ne fasse des héros de roman de ses domestiques, ce qui revient au même.
— Quelle région, mon ami t Une sérénité particulière l’enveloppe ; elle semble dire : « Mangez, priez et mourez » ; elle est humaine, au sens profond du mot, je veux dire appropriée aux hommes, mais à des hommes spéciaux, capables de peupler une solitude sans la gâter. Et puis, vous qui êtes un provincial, je veux dire un fervent de l’autonomie provinciale, vous goûterez ici d’ineffables jouissances ; l’exportation demeure prohibée ; tout est Basque…
O’ Divy (pseudonyme d’Émile de Saint-Auban)
La Libre parole, 12 août 1897
Ce dialogue rapporté souligne à quel point la parution de cet ouvrage chez Calmann-Lévy fut un événement littéraire. Et il témoigne de la notoriété dont jouissait Pierre Loti de son vivant.

Nombre de pages : 188.
Prix (frais de port inclus) : 24 €.
Commander ou se renseigner à l’adresse ci-dessous : commande.b2m_edition@laposte.net ■











