
Par Régis Le Sommier.
« Et si une prochaine incursion menait à la destruction d’un appareil ? « Ce serait la guerre », assure Alexeï Mechkov, l’ambassadeur de Russie en France ». Mais cette guerre n’est pas la nôtre et le bellicisme euromacronien fait courir à la France les plus graves dangers. Si c’est de la gesticulation, ça n’est pas une politique. Si ça ne l’est pas, alors c’est une trahison.

Ce remarquable journaliste, homme de terrain et de réflexion, grand reporter qui ne hante pas (que) les plateaux TV mais surtout toutes les zones à haut risque, toutes les zones en guerre ou en conflit de la planète, sait toujours de quoi il parle et le dit en termes clairs, le synthétise de façon simple et exacte. Cet article, de la veine que nous venons de tenter de décrire est paru hier (27.09) dans le JDD.
INTIMIDATION. Plusieurs aéronefs ont récemment pénétré l’espace aérien de ce pays membre de l’Otan, suscitant la confusion.

Tout a commencé lundi soir aux abords de l’aéroport de Copenhague, mais aussi près de celui d’Oslo en Suède, situé à 500 kilomètres à l’est. Des drones non identifiés ont perturbé le trafic aérien pendant plusieurs heures, rendant tout décollage ou atterrissage impossible. Dans la nuit de mercredi à jeudi, rebelote. Le même phénomène a été observé au-dessus des aéroports d’Esbjerg et de Sonderborg, et sur la base aérienne militaire de Skrydstrup. À chaque fois, le trafic aérien a dû être interrompu. La nuit suivante, c’était au tour de l’aéroport d’Aalborg, situé au nord du pays, de subir le même sort. « L’espace aérien au-dessus de l’aéroport d’Aalborg a rouvert vendredi à 0h35 après avoir fermé en raison de soupçons de vol de drone », a twitté la police locale.
Pour l’instant, les autorités danoises n’ont pas su déceler l’origine de ces engins. Sans être catégorique, le Premier ministre Mette Frederiksen a dénoncé des « attaques hybrides » causées par un « acteur professionnel ». Elle a annoncé que, selon ses services de renseignement, les survols de drones « pourraient se multiplier ». Pour elle, l’origine du phénomène ne fait guère de doute : « Il existe principalement un pays qui représente une menace pour la sécurité de l’Europe, à savoir la Russie. »
Mark Rutte revient à la raison
Le coupable semble tout désigné, bien qu’aussitôt les autorités russes aient démenti, ce qu’elles n’avaient pas fait lors de l’incursion, les 9 et 10 septembre derniers, de 19 drones-leurres de type « Gerbera » dans l’espace aérien polonais. Crédités d’une autonomie de 600 kilomètres, on aurait retrouvé à l’intérieur des cartes SIM polonaises, ce qui montrerait que ce pays était directement visé. Ces incidents sont à mettre en parallèle avec des incursions d’appareils russes MiG-31 dans l’espace aérien estonien le 19 septembre, qui ont fait monter les tensions.
Deux jours plus tard, des avions de chasse allemands ont aussi été dépêchés pour intercepter un avion de surveillance russe sur la mer Baltique. Le 26 septembre, à l’antenne de Fox News, le patron de l’Otan, Mark Rutte, déclarait que désormais, tout avion pénétrant l’espace aérien de l’organisation devait être abattu. Revenu rapidement à la raison, il déclarait peu après, sur CNN cette fois, que « chaque situation devait être évaluée en fonction du niveau de menace », la destruction des aéronefs concernés devant être strictement réservée au cas de danger direct pour les civils ou pour les militaires. Dans le cas contraire, on se contentera de faire comme on fait d’habitude, et d’escorter l’intrus jusqu’aux limites de l’espace aérien.
« S’il s’agissait de tester l’Europe et l’Otan, c’est plutôt réussi »
L’Union européenne a, elle, tout de suite expliqué qu’elle ne resterait pas sans rien faire face à ces menaces. Dès les incursions de drones à l’origine russe attestée en Pologne, Ursula von der Leyen a parlé d’édifier un « mur » anti-drones. Dans le jargon européen, cela donne : « Établir une capacité européenne développée, déployée et entretenue conjointement, réactive en temps réel. » Les détails autour de cette initiative sont encore très flous. Les premières étapes consisteront à déployer davantage de capteurs le long de la frontière avec la Russie. Le développement d’un système intégré capable d’abattre les drones prendra beaucoup plus de temps. Ce qui démontre déjà une certaine faiblesse dans notre dispositif de défense.
S’il s’agissait de la part des Russes de tester les capacités de l’Europe et de l’Otan à réagir, militairement comme politiquement, c’est plutôt réussi. Tout le monde parle des drones, et l’incursion des avions russes dans le ciel de l’Estonie passerait presque pour une escalade, alors qu’il n’est pas rare que ceux-ci violent nos espaces aériens comme, parfois, nous violons le leur.

Une certaine confusion a de surcroît suivi ces incidents. C’est le moins qu’on puisse dire. Quid alors de l’étape suivante ? Et si une prochaine incursion menait à la destruction d’un appareil ? « Ce serait la guerre », assure Alexeï Mechkov, l’ambassadeur de Russie en France, à BFMTV. Il répondait en cela à Dominique de Villepin, qui expliquait peu avant sur la même antenne que l’emploi de la force se justifiait en cas d’ingérence et de menace : « Ouvrir le feu […] si la sommation n’apporte pas de réponse, s’il y a toutes les indications d’une agression sur le territoire européen, il faut prendre nos responsabilités. Nous n’avons pas vocation à avoir une défense en chocolat », précisait l’ancien Premier ministre.
Contredisant Donald Trump qui, dans une de ces volte-face dont il a le secret, avait dit mardi qu’il fallait désormais abattre les avions de Moscou, Emmanuel Macron a appelé l’Otan à « monter d’un cran », mais « sans abattre d’avions ». Alors, qu’est-ce qu’on fait, Monsieur le président, si c’est un drone… ou plusieurs ? ■ RÉGIS LE SOMMIER
Oslo n’est pas en Suède, c’est la capitale de la Norvège. Il s’agissait ici de Stockholm, capitale de la Suède.