
« La dignité et la lucidité ne vont pas toujours de pair avec l’ambition et l’accession au plus haut poste de la République. » Dominique Jamet, Boulevard Voltaire, 4 octobre.
Par Dominique Jamet.

COMMENTAIRE – Il n’y a pas ici de ces confortables symétries dont use – et abuse – parfois Dominique Jamet pour donner des gages de bonne mesure, de jugements équitables, de sagesse surplombante ou d’impartialité. Cet article, qui voue sans recours Emmanuel Macron aux poubelles de l’Histoire, lui règle définitivement son compte. Reste l’échec — produit de longue date par la pratique et par les modifications successives — des institutions mises en place par De Gaulle en 1958. Comme si la pente du retour à l’émiettement du pouvoir et au jeu des partis, des ambitions et des pressions pouvait être exorcisée dans le monde dirigeant de la République française telle qu’elle a été créée et façonnée dans l’histoire de notre pays. Pour nous, la réponse est non. Raison pour laquelle l’échec du macronisme n’est que l’épiphénomène — caricatural, il est vrai — de l’échec de tout le Système dans son entier, selon l’expression gaullienne, JSF

La lettre de la Constitution est une chose. Autre chose ce qu’en font, au fil du temps, les amendements qu’on lui ajoute et qui l’améliorent ou la dénaturent, l’interprétation qu’on lui donne, l’usage qu’on en fait. Déçu par le résultat des législatives de 2022 qui ne lui avaient donné qu’une majorité relative, puis indirectement mais massivement désavoué lors des européennes de juin 2024, le président de la République était parfaitement en droit, tant d’un point de vue personnel et politique que dans le cadre de la loi fondamentale, d’en appeler au peuple en espérant que les électeurs reviendraient sur leur choix et rétabliraient avec lui ce lien de confiance que suppose et qu’impose même un système démocratique. D’où la dissolution…et la confirmation, voire l’accentuation, de la prise de distance ou, pour mieux dire, du divorce entre la nation et le chef de l’État.
Un Président minoritaire dans le pays
Dès lors, il était concevable qu’Emmanuel Macron, constatant son erreur, conscient de la réalité et se montrant à la hauteur de ses responsabilités devant les hommes et devant l’Histoire, admît son échec, en comprît la leçon et en tirât aussitôt les conséquences. Un autre, plus grand que lui, en avait donné il y a plus d’un demi-siècle l’exemple dont il convient, pour être équitable, de rappeler qu’il n’aura été suivi par aucun de ses successeurs. La dignité et la lucidité ne vont pas toujours de pair avec l’ambition et l’accession au plus haut poste de la République.
Minoritaire dans le pays, jusqu’à ne plus recueillir que 16 % d’opinions favorables, soutenu à l’Assemblée nationale par un tiers des députés dont bon nombre ne doivent leur élection qu’au barrage dit « républicain » qui a faussé l’expression du suffrage universel, Emmanuel Macron a choisi de rester en place et proclame, en toute occasion, qu’il ira jusqu’au bout du mandat que lui a confié le peuple en 2017, qu’il lui a renouvelé en 2022… mais qu’il lui a, de fait sinon de droit, refusé il y a maintenant seize mois. Cela, alors que, parallèlement et pour la première fois depuis 1958, l’Assemblée nationale, divisée en trois groupes sensiblement équivalents et totalement inconciliables, est congénitalement incapable d’accepter et de soutenir quelque gouvernement que ce soit.
D’où l’affaiblissement conjoncturel puis l’effondrement passager d’un système et d’un équilibre qui reposent soit sur l’existence d’une majorité présidentielle soit sur la cohabitation organisée et mutuellement consentie entre un chef de l’État aux pouvoirs réduits et un gouvernement issu de la majorité parlementaire. D’où le retour du jeu mortifère des partis. D’où l’instabilité gouvernementale et la succession à Matignon, en un peu plus d’un an, de trois Premiers ministres, comme au mauvais vieux temps de la IVe dont le général de Gaulle avait cru exorciser définitivement le spectre et les mœurs qui avaient fait de la France la risée de l’Europe et du monde. La France est redevenue ce navire sans commandant de bord et sans gouvernail, sans chef et sans gouvernement, qui dérive au fil de l’eau sous les regards navrés, condescendants, amusés ou ravis de ses supposés ennemis comme de ses prétendus amis.
L’entêtement irresponsable d’un Président
De cette situation inédite, ce n’est pas le mouvement citoyen et marginal « Bloquons tout » qui est responsable, mais bel et bien un apprenti Président pas sorcier dont l’entêtement irresponsable, après les avoir suscités, entretient et aggrave jour après jour le désordre, l’impuissance et le chaos dans lesquels nous sombrons jour après jour. C’est lui qui, soit par une nouvelle dissolution, soit par sa démission suivie de l’élection présidentielle, détient les clefs qui permettraient de remettre en marche la mécanique qu’il a enrayée.
Mais il s’y refuse obstinément et semble se satisfaire de l’accommodement bancal qui, du fait de l’imprécision des textes et de pratiques qui ne sont pas rigoureusement définies, lui permet de continuer à s’ébattre et à folâtrer dans ce « domaine réservé » de la défense et des affaires qui lui sont étrangères où il est maître, entre vacances méditerranéennes, voyages protocolaires, conférences internationales et session de l’ONU, ne cesse d’accumuler erreurs, fautes, incohérences, rodomontades, discours musclés et incohérents, et fait tout son possible pour rendre inévitable une guerre que, n’ayant pas la moindre idée ni la moindre expérience de ce qu’est la guerre, il s’évertue à nous présenter comme nécessaire, voire souhaitable, et à nous vendre sans jamais solliciter sur ce sujet mineur ni le Parlement ni les citoyens. L’égocentrisme, l’orgueil insensé et l’irréalisme, dans ce domaine comme dans les autres, ont déconnecté le Président du monde réel.
Les municipalités, les éboueurs et les simples particuliers savent ce que sont les encombrants ménagers. Le dictionnaire les définit clairement comme des rebuts volumineux dont la destination finale est naturellement la déchetterie ou l’incinérateur. Le Président Macron, qui s’accroche aux prérogatives, se complaît aux apparences et s’incruste dans les palais du pouvoir, pourrait rester quelque temps dans les mémoires avant de sombrer dans l’oubli, comme un encombrant sonore et vain dont la si fulgurante et si décevante trajectoire est d’ores et déjà vouée aux poubelles de l’Histoire. ■ DOMINIQUE JAMET













On pourrait dire de Macron ce que le général de Gaulle disait d’Albert Lebrun : pour qu’il fût un chef d’État, il manquait deux choses, qu’il fût un chef et qu’il y eût un État.
~Foutriquet ( sic Michel Onfray) n’a pas fini de détruire le pays dont il se sert comme tremplin pour son ambition personnelle. N’´ayant pas atteint complètement son objectif il n’y a aucune raison pour qu’il se sacrifie avant l’heure. Nous boirons donc « la coupe jusqu’à la lie » ou jusqu’à l’hallali…
Faute d’avoir su conserver une monarchie constitutionnelle le peuple attend la venue hypothétique d’un quelconque Bonaparte républicain pour une sixième république salvatrice.
«Foutriquet» est le sobriquet que Pierre Boutang avait eu la présence d’esprit d’inventer pour Giscard – j’ose espérer que le Michel Onfray d’service aura eu la décence intellectuelle de ne pas omettre d’indiquer d’où il a tiré le bon mot…
Dans toute «monarchie constitutionnelle», n’importe qui se sent le droit de monter sur le trône, et c’est pourquoi tout cela est intellectuellement dégoûtant.
Cela dit…
La Cinquième République est quasi parfaitement une «monarchie constitutionnelle», dans laquelle le monarque est élu (un peu trop souvent, sans doute, mais c’est cette haute-fréquence qui tenait les pantins à peu près audibles, jusqu’à ce que, désormais, à force d’abuser du bouillon royco-démocratique, les parasites, bactéries et autres insectes y ont installé leurs colonies virales)… C’est-à-dire, donc, que ce n’est tout simplement pas une monarchie, sauf qu’elle en prend le goût et la teinte par adjonction de certains agents de sapidité et autres colorants artificiels. Et ce n’est pas une plaisanterie que de le dire ainsi.
En royauté – qui n’est pas simplement et bêtement «monarchique» mais bien plus que cela –, le Souverain est «de droit divin», il obéit donc à Dieu – plus ou moins bien, admettons-le, mais c’est à Dieu qu’il rend des comptes. Dans une «monarchie constitutionnelle», le monarque obéit à la Constitution et, par conséquent, comme on le voit aujourd’hui, il est censé obéir au Conseil constitutionnel… Sauf à ce qu’il soit tellement constitutionnalisé lui-même qu’il puisse commander aux pions-conseillers… Ce n’est toujours pas une manière de dire par plaisanterie – que l’on mesure bien la réalité. Pareille réalité paraît tout à fait aberrante, en effet et, d’ailleurs, elle ne fait pas que le paraître, elle l’est. Et cette aberration ne peut être fonctionnelle qu’à la seule condition qu’elle ne s’écarte d’aucune règle, c’est-à-dire qu’elle suive d’autres règles que celles qui sont conventionnellement tenues pour raisonnables, ces dernières ne fussent-elles pas tout à fait «régulières»… Cela signifie que, dans l’actuelle «monarchie constitutionnelle», le monarque – qui se révèle ne plus être soumis à la Constitution, puisque les Conseils «montesquiesques» se trouvent sensiblement à sa botte –, ce monarque, donc, obéit, soit, à lui-même, soit, à une espèce d’autorité qui n’est pas «publique», c’est-à-dire que celle-ci a un caractère «privé» ou «secret», ce qui revient plus ou moins exactement au même.
Relisons la Préface à l’«Histoire des Treize» du grand Honoré de Balzac et, naturellement, l’ultime roman achevé de sa «Comédie humaine» : «L’Envers de l’Histoire contemporaine»… Ainsi, grâce à la grâce de son génie romanesque, pourra-t-on mesurer imaginativement ce à quoi je fais ici maladroitement allusion.
Ce que l’on appelle «bonapartisme» est une espèce de «monarchisme» plébéien, dans le régime duquel intervient non un «fils du Ciel» mais un «fils de la terre», seul «monde» sur la base duquel le métaphysiquement inexistant «satan» peut prendre tournure ; je veux donc bien affirmé qu’un «monarque constitutionnel» est un «singe du roi» – d’après la formule attribuée à saint Jérôme, selon laquelle le diable serait «singe de Dieu» (Diabolus simius Dei) –, c’est-à-dire, pour reprendre une formule populaire, un «diable d’homme», soit, un DIVISÉ, ; et ce, parce que, culturellement, il est partagé entre Sade et Masoch, entre Rousseau et Voltaire, tandis que, moralement, il hésite continuellement entre la tenue du fouet ou le port du cilice, incapable d’envisager quelque autre chose que ces seules deux-là, entre lesquelles il ne choisira même jamais, condamné à l’aveu dérisoire de l’actuel bonaparte au petit pied : l’«en même temps», qui n’est rien d’autre que les limbes, les marges de l’Enfer. Celles-ci, selon saint Augustin ne sont, au fond, rien d’autre, que l’Enfer lui-même, qui est anéantissement, incinération, pulvérisation : pas même cendre ou poussière…
Reprenons quelques morceaux du chapitre XIV d’Ésaïe, pour finir :
«Comment a-t-il fini l’oppresseur ? Comment a fini son arrogance ? […] Toute la Terre se repose enfin tranquille. On éclate en cris de joie. […] Les cèdres du Liban disent : “Il ne montera plus celui qui venait nous abattre.” […] toi qui réduisais les nations, toi qui disais “Je monterai dans les cieux, je hausserai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu, je siégerai sur la montagne de l’assemblée divine à l’extrême nord, je monterai au sommet des nuages, je serai comme le Très-Haut.” Mais tu as dû descendre dans le séjour des morts au plus profond de la Fosse. […] Tous les rois des nations, sans exception, reposent avec honneur, chacun dans son tombeau. Mais toi, tu as été jeté loin de ton sépulcre comme exécrable avorton […].»
Pour plus de précisions « foutriquet » est le nom donné à Thiers par le maréchal Soult et repris ensuite à la Commune pour dépeindre ce petit homme insignifiant….
Ce n’est pas une invention destinée à Giscard et beaucoup de nos politiques méritent ce surnom . Nul doute que MIchel Onfray qui s’en est servi pour son livre ne soit pas ignorant de ce que le vulgum pecus peut trouver dans Wikipedia.