
Une chronique qui se veut ironique – et qui l’est vraiment, fourmillant d’idées saugrenues et drôles. Parfois désopilantes. Moment de détente rafraîchissant dans le contexte politique sous tension. Une ironie parfois fondée sur des poncifs ou des options politiques sous-jacentes qui ne sont pas les nôtres, ou même y sont contraires. Même en un tel cas, Samuel Fitoussi rend compte de la situation avec esprit et intelligence des circonstances. Le lecteur de JSF en fera la critique si bon lui semble.
Par Samuel Fitoussi.
Ce pourrait être une chronique d’humour idéale pour un week-end. Satire piquante, elle offre pourtant de la réalité politique une peinture plus vraie que nature — peu flatteuse, certes, mais juste. Parue dans Le Figaro du 21 octobre, elle en évoque une autre, d’un temps pas si éloigné du nôtre : la Satire Ménippée, écrite sous Henri IV et présente dans JSF, à laquelle il serait dommage de ne pas se reporter. Nous en avons fait l’un de nos « grands textes »… JSF

CHRONIQUE – Une semaine sur deux, notre chroniqueur pose son regard ironique sur l’actualité. Cette fois, entre la reconduction de Sébastien Lecornu à Matignon et la suspension de la réforme des retraites, «l a ligne rouge » du gouvernement, l’actualité se charge elle-même du spectacle.
Il devient difficile d’écrire de la satire lorsque la réalité dépasse largement la fiction. Notre vie politique étant devenue une caricature d’elle-même, contentons-nous simplement de faire le récit d’un mois riche en événements.
Le président nomme Sébastien Lecornu à Matignon. Les députés exigent qu’il démissionne. Le président attend quelques jours et le renomme à Matignon. Cette fois, les députés sont satisfaits.
Les Républicains se révèle être un parti ouvert aux compromis mais possédant des lignes rouge clair. « Chacun, écrivait Péguy, sera jugé sur ce qu’il aura considéré comme négociable et non négociable. » Ce que LR juge négociable : que le gouvernement augmente l’immigration ; qu’il augmente le nombre de visas accordés au pays qui détient Boualem Sansal en otage ; qu’il suspende la réforme des retraites ; qu’il augmente les impôts de 15 milliards d’euros. Ce qu’il juge non négociable : que Bruno Le Maire entre au gouvernement.
Pendant ce temps, Thomas Portes, député LFI, entreprend un petit voyage touristique au Liban. Accompagné de Salah Hamouri (terroriste condamné pour avoir projeté d’assassiner un rabbin), il rencontre Georges Ibrahim Abdallah (condamné pour complicité dans des assassinats à Paris) et Marwan Abdel-Al (apologiste du pogrom du 7 octobre 2023, membre du bureau politique du FPLP, soutien du Hezbollah et du Hamas). Il se recueille sur la tombe d’Abou Youssef al-Najjar et de Kamal Adouan (commanditaires de l’attentat des JO de Munich 1972 qui prirent la vie de 11 athlètes israéliens). En France, certains continuent malgré tout à renvoyer dos à dos LFI et le RN. « L’impartialité arithmétique, écrivait Jean-François Revel, mène à la partialité morale. »
À Paris, Emmanuel Macron dit quelques mots à la presse pour l’entrée de Robert Badinter au Panthéon : « Badinter , c’est la République, c’est la France de l’humanisme. Celle de la résilience républicaine. C’est la République qui protège les plus faibles. La déshumanisation, c’est-à-dire le mal, toutes ces choses qui reviennent en ce moment, c’est ce que combat la République. Qui doit incarner la bienveillance. » (Emmanuel Macron a vraiment prononcé ces phrases, honte à notre président qui met au chômage les chroniqueurs satiriques qui aiment caricaturer les discours centristes creux.)
À l’Assemblée nationale, la non-censure révèle une fois de plus qu’en France, pour gagner, il ne faut pas agréger par les idées, mais utiliser les tabous et les superstitions de notre vie politique à son avantage. Horizons ne peut pas voter avec des partis situés hors de l’arc républicain (60 % des Français) ; LFI ne peut pas voter les motions déposées par le RN ; le PS et LFI doivent faire semblant de ne pas s’aimer entre les élections ; LR ne doit pas donner l’impression de faire le jeu du RN ; aucun parti ne veut risquer de perdre ses sièges, etc. Le PS sort victorieux de cette partie d’échecs, obtenant que la seule mesure du quinquennat favorable aux actifs soit suspendue. Et « en même temps », un ministre du « pouvoir d’achat » est nommé. Au milieu de diverses hausses d’impôts, le budget contient toutefois la suppression des APL pour les étudiants extra-européens (même si le Conseil constitutionnel ne permettra sans doute pas ce retour aux heures sombres de notre histoire). Les contribuables français découvrent ainsi qu’ils versent chaque mois de l’argent à 300.000 étudiants extra-européens.
Dans un JT, France Télévisions confond Dominique Bernard et Samuel Paty. Nous sommes en 2025, et la France compte déjà trop de professeurs assassinés par des islamistes pour qu’on ne les confonde pasSamuel Fitoussi
Philippe Aghion fait la fierté de la France en remportant le prix Nobel d’économie. Le lendemain, le gouvernement présente un projet de budget supprimant l’exonération d’impôt sur la somme versée aux lauréats du Nobel. Le puritanisme, dit la formule, est l’inquiétude lancinante que quelqu’un, quelque part, puisse être heureux. L’administration française, elle, semble habitée par l’inquiétude que quelqu’un, quelque part, puisse échapper aux joies du socialisme.
Dans un JT, France Télévisions confond Dominique Bernard et Samuel Paty. Nous sommes en 2025, et la France compte déjà trop de professeurs assassinés par des islamistes pour qu’on ne les confonde pas.
L’Arcom se saisit de l’affaire de la collusion entre le PS et des journalistes du service public : elle diligente une enquête contre le traitement de l’affaire par CNews. (Rappelons-le : tous les faits rapportés dans cette chronique sont vrais).
Le sénateur Claude Malhuret fait un nouveau discours pour expliquer que les extrêmes sont très stupides et que le bloc central gouverne parfaitement la France. La vidéo est partagée huit cent mille millions de fois (1) par des centristes sur LinkedIn. o ■ o SAMUEL FITOUSSI
(1) Seule information de cette chronique qu’il conviendrait de fact-checker.

Samuel Fitoussi, « Pourquoi les intellectuels se trompent » aux Éditions de l’Observatoire.












