
Alain Destexhe joue cartes sur table.

Cet article a été publié le 22 novembre dans Causeur. Il est signé Alain Destexhe, sénateur honoraire belge. La montée en puissance de l’AfD pourrait certes se traduire par une Allemagne plus déterminée encore qu’elle l’est déjà à imposer partout le primat de ses propres intérêts, notamment face aux nôtres, bien moins défendus ou même volontiers sacrifiés aux siens, ou à d’autres, plus puissants encore. Cette situation n’est pas principalement imputable à l’Allemagne elle-même, mais bien plutôt à l’extrême mollesse des dirigeants français. En revanche, face à l’invasion migratoire qui affecte gravement notre pays mais aussi nos voisins européens, un sentiment et des politiques solidaires pourraient nous aider grandement à juguler ce phénomène mortifère. Face à l’Islam conquérant, ce fut plusieurs fois le cas, on le sait bien, dans l’histoire du Continent auquel, bien évidemment, nous appartenons tous, les uns et les autres. Telles sont les réalités et nulles autres. JSF
Par Alain Destexhe.
L’Allemagne glisserait-elle vers l’autoritarisme? Par un curieux jeu d’alliances, les électeurs qui ont massivement voté à droite se retrouvent avec une coalition de centre gauche! Quant aux tentatives de museler l’AfD (Alternative für Deutschland, droite radicale), elles évoquent de plus en plus celles d’un État policier. Alain Destexhe raconte.

À force de lutter contre la résurgence fantasmée d’un Troisième Reich imaginaire, obsédée par le succès de l’AfD, l’Allemagne se transforme peu à peu en État autoritaire d’un nouveau type.
Reprenons la chronologie. Quelques semaines avant les élections législatives anticipées du 23 février 2025, le Bundestag vote une résolution non contraignante visant à limiter l’immigration, adoptée grâce au soutien de l’AfD, parti qualifié « d’extrême droite ».
Pour la première fois, le cordon sanitaire – le « mur de feu » (Brandmauer) – censé isoler l’AfD a été rompu. Les partis de gauche et les médias, scandalisés, amplifient la rhétorique antifasciste contre la CDU, le parti chrétien-démocrate. À les entendre, le 3ᵉ Reich n’est pas loin.
Le peloton d’exécution médiatique
Deux jours plus tard, sur le même thème de l’immigration, la CDU trouve un accord avec les autres forces politiques pour éviter l’appui de l’AfD. Mais Friedrich Merz, alors candidat au poste de chancelier, a senti passer le vent des balles du peloton d’exécution médiatique et la fin de sa carrière. Il jure qu’il ne fera plus jamais alliance avec l’AfD.
Viennent les élections, remportées par la CDU/CSU avec 28,5 % des voix, mais avec une nouvelle percée de l’AfD qui atteint 21 % et se place deuxième. Ensemble, la CDU et l’AfD disposent d’une large majorité au Bundestag ; leurs programmes sont compatibles sur de nombreux points, notamment sur l’immigration. Électoralement, cette coalition, conforme au vœu des électeurs, s’impose.
Le prix du soutien des Verts
Cependant, ces deux partis divergent sur l’Ukraine et le président Donald Trump exige une augmentation des dépenses militaires des pays de l’OTAN à 5% du PIB. Il n’y a cependant pas de majorité absolue dans le nouveau parlement pour voter cette augmentation massive, car l’AfD et l’extrême gauche (Die Linke) y sont hostiles.
Dès lors, après avoir obtenu un changement de la Constitution, l’ancien parlement – qui n’a donc plus de légitimité ! – approuve au cours de la période transitoire, une augmentation massive des dépenses militaires de 500 milliards d’euros sur douze ans.
Pour parvenir à ce résultat, le soutien des Verts (Die Grünen) était indispensable. Le prix à payer ? 100 milliards d’euros pour de nouvelles politiques climatiques, alors qu’ils viennent de subir une défaite aux élections (11,6 % des voix) ! L’Allemagne, dont l’électricité est la plus chère d’Europe et qui produit encore du charbon, durcit encore un peu plus ses politiques énergétiques. Qu’importe l’industrie allemande, la bonne conscience l’emportera !
Un gouvernement de centre gauche
Pour former une coalition avec seulement deux partis, la CDU n’a d’autre alternative que de s’allier avec le SPD, les sociaux-démocrates qui viennent de subir la pire défaite électorale de leur histoire (16,5 %). Mais comme Friedrich Merz a d’emblée exclu de gouverner avec l’AfD, le SPD parvient à imposer son programme. L’Allemagne, qui a voté à droite, se retrouve avec une coalition de centre gauche ! Les électeurs sont ainsi bafoués, ridiculisés, méprisés par un système politique et médiatique qui n’accepte plus la logique démocratique.
Le retour d’une police politique ?
En parallèle, les tentatives d’interdire l’AfD se multiplient. En mai 2025, le renseignement intérieur l’a classée comme « extrémiste de droite avéré ». Cette décision, contestée en justice, a été provisoirement suspendue par le tribunal administratif de Cologne, en attendant un jugement définitif. Si elle était confirmée, elle donnerait des pouvoirs très étendus à la police pour infiltrer l’AfD et écouter les communications privées de membres du parti. Pour « protéger la démocratie », l’Allemagne utiliserait ainsi les pouvoirs d’un État policier. Certains évoquent des méthodes dignes de la Stasi…
Maccarthysme à l’allemande
En juillet, un pas de plus vers l’État autoritaire a été franchi. En Rhénanie-Palatinat, un des Länder, le gouvernement local (SPD-Verts-FDP) annonce un gel des embauches de fonctionnaires pour les membres de l’AfD dans la fonction publique. Les candidats doivent désormais déclarer ne pas avoir été membre de ce parti au cours des cinq dernières années. Pour ceux déjà en place, l’appartenance à l’AfD peut constituer une faute disciplinaire.
Cette chasse aux sorcières évoque le maccarthysme. Certains rappellent même que dès 1933, les nazis avaient massivement exclu les communistes de la fonction publique… Ces mesures, ces menaces d’interdiction traduisent en fait une peur panique de l’AfD. Il s’agit de verrouiller le système en place plutôt que d’accepter le verdict des urnes.
Censure sur les réseaux
À ces dérives, en fonction de l’article 130 du Code pénal, s’ajoutent les intimidations, les visites de la police, les poursuites judiciaires pour des post sur les réseaux sociaux comme avoir traité un ministre « d’imbécile », qualifiée une autre de « grosse » ou encore les fonctionnaires de « parasites », un post vu par quelques centaines de personnes à peine. Ces pratiques tendent à confirmer les fameux propos J.D. Vance (en février 2025, lors de Conférence de sécurité de Munich) constatant que la liberté d’expression est en recul en Europe. Toutefois, ces manœuvres ne semblent pas nuire à l’AfD. Les derniers sondages d’intention de vote la donnent au coude-à-coude avec la CDU, autour de 25 %, et parfois même devant. o ■o ALAIN DESTEXHE

Immigration et intégration: avant qu’il ne soit trop tard…: 16,16 €












