C’est une (bonne) leçon, reçue de Montaigne : pourquoi s’épuiser à redire (parfois plus mal, d’ailleurs…) ce qui a déjà été dit, et bien dit, par d’autres ? Ne vaut-il pas mieux -en citant la source, évidemment…- mettre carrément à la portée de celles et ceux qui peut-être n’en auraient pas disposé tel ou tel article pertinent, ou de bonne vulgarisation, qui permet de bien faire le point sur tel ou tel problème ?….. Et, comme La Fontaine, aller « de fleur en fleur, et d’objet en objet » -en l’ocurence d’article en article…- en prenant son bien où on le trouve ?…..
Voici, donc, à propos d’Ingrid Betancourt l’excellent article écrit par Alexis Brézet, en guise d’éditorial, dans Le Figaro Magazine du 11 juillet. Puisqu’il résume parfaitement ce que nous avons-nous-même ressenti face à l’attitude d’Ingrid Betancourt après sa libération, et aux diverses leçons que l’on peut en tirer, nous avons choisi de le reproduire intégralement. Ce n’est du reste pas la première fois que nous nous permettons de reprendre à notre compte, en quelque sorte, certains propos d’Alexis Brézet. Celui-ci s’impose peu à peu, au fil de ses éditoriaux du Figaro Magazine, comme un journaliste talentueux au service d’idées saines. Que demande le Peuple ?
On pourrait dire que trop c’est trop. Que le battage médiatique qui, depuis dix jours, fait à Ingrid Betancourt un bruyant cortège d’adulation a quelque chose de ridicule et d’indécent. Après tout, la sénatrice franco-colombienne n’est ni Jeanne d’Arc ni Indira Gandhi. Elle laisse derrière elle, dans la jungle des Farc, des centaines d’autres otages dont on ne parle guère et qui pourtant n’ont pas moins qu’elle droit à notre compassion. Ces larmes, ces beaux discours, ces émissions de télévision… classique et dérisoire tribut de la société du spectacle aux « foule sentimentales ».Voilà ce que l’on pourrait dire si l’on voulait –passion française- jouer les esprits forts jamais dupes de rien.
Mais non ! De la droite à la gauche, du sommet de l’Etat jusqu’au plus petit village, l’émotion s’exprime, et dure, avec un accent de sincérité qui ne trompe pas. Il y a dans l’incroyable aventure d’Ingrid Betancourt quelque chose qui désarme le sarcasme, qui suspend la dérision. Et qui rend vain tout procès en récupération politique, toute polémique sur le versement d’une éventuelle rançon…..
C’est ce que Ségolène Royal n’a pas compris. A la lettre, elle avait raison : la France n’est pour rien dans cette libération. Mais elle a eu tort de vouloir gâcher la fête. En cherchant à la droite une mesquine querelle, alors même que Nicolas Sarkozy –heureux et inhabituel scrupule- s’était bien gardé de s’attribuer les lauriers de l’opération, l’ex-candidate socialiste est passée à côté de l’essentiel : Ingrid Betancourt –son histoire, ses gestes, ses mots- nous tend un miroir où la France reconnaît ce qu’elle a de meilleur. Des ressorts oubliés, des valeurs très anciennes, des vertus un peu désuètes en apparence, mais dont l’écho résonne d’autant plus profondément dans notre imaginaire qu’elles sont rarement exprimées.
Sur son visage rayonnant, ce que les français ont lu, c’est l’amour d’une fille pour sa mère, d’une mère pour ses enfants. Et l’amour aussi, sur les visages de Yolanda, Mélanie et Lorenzo, que rien n’a découragés. Quand l’époque inflige au modèle familial traditionnel, les bouleversements que l’on sait, les retrouvailles de cette famille « moderne » (Ingrid est séparée du père de ses enfants) pèsent leur poids de symboles : si les liens qui unissent cette famille-là ont été plus forts que la folie de l’Histoire, pourquoi les familles « ordinaires » ne sauraient-elles pas se retrouver par-delà les aléas de la vie ?
C’est le courage, aussi, d’une femme qui, durant les 2321 jours qu’a duré sa détention, n’a jamais renoncé, malgré les épreuves physiques et l es souffrances psychologiques. Une femme qui, dans les jours de doute, a su puiser dans la solidarité absolue qui l’unissait à ses compagnons d’infortune la force de redresser la tête et de résister. Dans la France de 2008, où tant de souffrance morales prospèrent à l’ombre de tant de confort matériel, où la dictature de l’argent émousse parfois jusqu’au plus élémentaire réflexe de fraternité, comment cet exemple n’aurait-il pas alimenté une sourde nostalgie ?
Ce que les français ont vu, c’est la foi –incongrue pour l’époque- de cette catholique qui n’a pas craint de s’agenouiller sur le tarmac pour rendre grâce à Dieu et qui, chapelet de fortune au poignet, multiplie depuis les démonstrations de ferveur sous l’œil un peu interloqué de nos responsables politiques. « La femme de foi –écrit Max Gallo- parle à un vieux fond chrétien. Sa force spirituelle touche la sensibilité de chacun. » En ces temps synonymes pour beaucoup d’incertitude sinon de désarroi, ce témoignage d’espérance pouvait-il ne pas émouvoir ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas ?
C’est, enfin, cet aveu de patriotisme tranquille, inattendu dans la bouche de celle en qui l’on s’était habitué à voir la « Madone de Bogota ». « Ma douce France » ! Depuis combien de temps avions-nous entendu ces mots-là ? Quel homme politique, quel intellectuel, quel chef d’entreprise, quel syndicaliste aurait osé les prononcer ?
« Beaucoup d’internationalisme –a dit Jaurès- ramène à la patrie ». Il aura fallu qu’une Franco-Colombienne, pétrie d’universalisme, d’éducation très cosmopolite, rêve notre pays depuis sa prison pour que les français redécouvrent –car ils le savaient déjà- que la France est douce en dépit des maux qui l’accablent, qu’elle peut être grande, et qu’il est permis de l’aimer.
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