Bien sûr, il y a une crise, et tout le monde en parle. Souvent, peut-être, sans prendre suffisamment de recul, ou de hauteur. Et en en restant, pour ainsi dire, à une vision technique et gestionnaire de cette crise dont, on parle tant.
On risque alors de ne pas en percevoir la partie la plus importante : cette crise n’est-elle pas, en réalité, beaucoup plus large, beaucoup plus vaste qu’une simple crise économique ?
N’est-elle pas, fondamentalement et essentiellement, une crise anthropologique et ontologique. Sans vouloir tomber dans l’excès, n’est-elle pas une crise de l’homme…
Et si, comme on le dit très justement ici et là, cette crise « peut s’avérer bénéfique sur le long terme », il faut bien admettre que certaines personnes n’envisagent que des bénéfices matériels, et relevant de techniques de gestion, là où ce qu’on peut en attendre est, au contraire, nous semble-t-il, que nos sociétés retrouvent des bases saines, stables, solides et durables.
Et pas seulement des bases matérielles, mais surtout des bases morales, mentales et spirituelles. Le matériel, comme l’intendance, suivra…
C’est pour remuer tout cela, et parler de la crise autrement, qu’Yvan Blot sera à Marseille, le mercredi 11 mars (1) et qu’il s’attaquera à cette (vaste) question : Crise économique ou crise de l’Occident ?
(1) : A 19 heures, Les Arcenaulx, 25 Cours d’Estienne d’Orves, 13001, Marseille. Un repas suivra, qui permettra de poursuivre et d’approfondir les échanges… (FRP, tel : 04 91 37 41 85 / 06 08 31 54 97 ).
L’avènement de la mondialisation correspond également à la fin de la modernité. Les Etats-nations sont désormais trop grands pour répondre aux attentes quotidiennes des gens, mais en même temps trop petits pour faire face au déploiement planétaire des problématiques et des contraintes. Dans une telle perspective, il faut se garder de commettre un certain nombre d’erreurs. L’une d’elles serait de croire qu’il est encore possible d’échapper aux effets de la mondialisation en se repliant sur soi. La » logique du bunker » n’est plus viable aujourd’hui, précisément parce que nous sommes dans un monde où tout retentit sur tout. Se désintéresser de ce qui se passe ailleurs, en croyant que cela ne nous concerne pas, empêche de voir que précisément cela nous concerne.
Une autre erreur consisterait à se placer dans une perspective d’arrièregarde, en se bornant à tenter de ralentir des dynamiques qui sont déjà en marche.
Les mouvements de droite, depuis au moins un siècle, se sont fait une spécialité des combats perdus d’avance.
Se lamenter sur la situation présente en regrettant le passé ne mène nulle part.
On ne peut se battre qu’en sachant comment se configure aujourd’hui le champ de bataille — et comment il se
configurera demain —, non en rêvant sur ce qu’il pourrait être, ou en se souvenant de ce qu’il fut autrefois.
Il s’agit bien d’une crise structurelle, de la crise du modèle néolibéral de croissance ou d’accumulation qui s’est mis en place à partir des années 1980.
Dans un climat de dérégulation généralisée des opérations bancaires et des placements financiers, ce modèle s’est caractérisé par la capture presque totale des gains de productivité par les actionnaires au
détriment des salariés, la richesse ne provenant plus principalement des revenus du travail mais du rendement des patrimoines financiers.
Cette déflation salariale, menaçant le compromis social de l’après-guerre, a eu des effets négatifs qui n’ont pu être compensés par l’endettement.
C’est ce régime qui est aujourd’hui brisé.
Il ne fait plus aucun doute que les économies d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord vont connaître une récession profonde et de longue durée, qui aura pour effet une remontée du chômage.
Il devrait en résulter une baisse importante des profits, qui se répercutera inévitablement sur les marchés et les cours de la Bourse. Le lien entre l’économie spéculative
et l’économie réelle est en effet bien réel, les entreprises dépendant fortement du système bancaire, ne serait-ce que pour le crédit dont elles besoin pour leurs investissements.
Or, la crise fait que les banques réduisent aujourd’hui brutalement leurs crédits.
Cette contraction du crédit va de pair avec une baisse brutale des valeurs mobilières et des biens immobiliers, mais aussi avec une forte dévalorisation du capital des fonds de pension couvrant les retraites.
Dans la zone euro, la récession sera particulièrement sévère en Espagne et en Angleterre.
Pour éviter que la récession ne se transforme en dépression, les économies occidentales ont été obligées d’accepter un fort accroissement de l’inflation, en même temps qu’un retour de l’Etat comme acteur économique majeur (comme c’est le cas en Russie, en Chine ou au Brésil).
On le voit déjà dans le secteur bancaire, où ce sont les gouvernements qui se sont portés garants des banques et des assurances. La prochaine étape pourrait être le
rétablissement des protections douanières, la réglementation des flux financiers internationaux, le retour à des » politiques industrielles » actives, voire la fin du dogme de l’indépendance des banques centrales et une transformation du statut du Fonds monétaire international (FMI).
« S’il y a bien un fait majeur qui émerge de cette crise, a dit encore Nicolas Sarkozy, c’est le retour du politique ».
Mais en a-t-il vraiment les moyens ?