Toujours l’abondance de l’actualité ! Mais la décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commmandement intégré de l’Otan ne nous laisse pas indifférents, ni sans réaction(s). C’est une note du blog de Patrice de Plunkett qui est à l’origine des quelques lignes que nous ne publions aujourd’hui.
Cette note appelle les chrétiens français, et d’un point de vue chrétien, à ne pas « approuver çà » (le retour dans le commandement intégré de l’Otan) et en appelle carrément à « l’objection de conscience ».
Tout ce que dit Plunkett sur l’actuelle Otan paraît, en effet, assez juste. L’Otan ayant été fondée pour parer à une menace qui n’existe plus, la logique de la dynamique européenne ne voudrait-elle pas que l’Europe formât en son propre sein les organismes de défense dont elle a besoin pour assurer sa sécurité ?
On pourrait malgré tout imaginer, comme ose le penser un Védrine, que le retour dans le commandement de cette organisation pourrait cependant, éventuellement, se concevoir et se justifier. Mais si – et seulement si – l’on redéfinissait l’Otan, son rôle et ses buts; mieux, si l’on refondait l’Otan. Carrément.
Et là, de nombreuses options sont possibles….
On le voit, le débat est vaste, et il n’est pas près de s’éteindre ….
Là où, par contre, nous sommes entièrement d’accord avec Plunkett, et sans aucune contestation possible, c’est dans sa dénonciation sans relâche des buts sournois – finalement assez bassement matérialistes et assez sordides – poursuivis par l’administration états-unienne. Une administration à laquelle, en aucun cas, nous ne devons servir d’auxiliaires en nous mettant, de quelque façon que ce soit, à sa remorque…..
Voici l’essentiel de l’analyse de Patrice de Plunkett :
« …Voilà l’affaire réglée. La France achève de se remettre sous contrôle américain. Le président de la République n’a jamais saisi pourquoi nous avions quitté l’Alliance atlantique ; il pense aujourd’hui rétablir l’ordre naturel des choses : Paris vassal de Washington.
Cette décision unilatérale, liée à la vision personnelle de Sarkozy sur le monde (et à sa fascination envers les USA), soulève quand même quelques mécontentements : de Juppé à Jospin et de Villepin à Védrine, là où tout le monde n’a pas encore entièrement oublié la clairvoyance de De Gaulle.
Mais personne ne pose le seul vrai problème : l’OTAN, pour quoi faire ?
Regardons cette question en chrétiens. L’avenir est prévisible : les ressources naturelles vont se raréfier. D’abord les hydrocarbures. Ensuite, bien d’autres choses… Face à ce défi, deux attitudes possibles s’opposent :
a) changer de modèle économique, abolir la société du gaspillage dans l’hémisphère Nord, instaurer une société sobre, et surtout rechercher (enfin) l’équité entre le Nord et le Sud.
b) profiter des nos moyens stratégiques « occidentaux » pour mettre la main sur les ressources raréfiées, c’est-à-dire spolier les pauvres du monde. Par la force. C’est à dire par la guerre.
Si les pays riches veulent maintenir leur mode de vie et continuer à consommer autant d’énergie qu’actuellement, ils devront s’approprier les ressources rares. Les pays pauvres ne pourront survivre. C’est à ce choix – obscène – que correspond la nouvelle OTAN.
L’OTAN, organisation militaire américaine, avait été fondé au temps de la guerre froide face à l’URSS qui, disait-on, menaçait l’Europe de l’Ouest. Quoi qu’il en soit, la disparition de l’URSS à la fin du siècle dernier a privé l’OTAN de sa raison d’être. Or l’OTAN a persisté ! Non seulement ça, mais Washington a entrepris de la distendre, de la « gonfler », de la dilater aux dimensions de la planète, et d’engager les pays vassaux dans des opérations comme la guerre d’Irak ou celle d’Afghanistan. S’emparer de l’Irak (2003), c’était faire main basse sur le pétrole irakien. (Hydrocarbures: ressource en voie de raréfaction…).Tenter d’installer des protectorats US dans le Caucase et les républiques ex-soviétiques d’Asie centrale, c’était aussi faire main basse sur des hydrocarbures.
Ces objectifs étaient clairement indiqués dans le rapport du National Energy Policy Development Group à Washington, publié le 17 mai 2001 et rédigé par le vice-président d’alors, Dick Cheney. Ce rapport fixait la stratégie américaine dans les vingt-cinq années à venir : pour répondre à l’augmentation constante des besoins pétroliers de la société américaine, il fallait aller là où est le pétrole, et s’en emparer par la force – ou par l’intermédiaire de gouvernements fantoches.
Voilà à quoi va servir la nouvelle OTAN. Un chrétien peut-il approuver cela ? Non. En aucun cas. Face à l’OTAN, appelons à l’objection de conscience. »
Plunkett s’exprime, en effet, d’un point de vue chrétien. Mais l’on n’est pas obligé d’être chrétien pour avoir le souci de la chose publique. L’on peut même être chrétien et, sans pour autant oublier qu’on l’est, faire une analyse des choses d’un point de vue politique. Sub specie Civitatis … Le mélange des genres ne donne pas souvent de très bons résultats.
Quelques questions, toutefois, sur le sujet :
1. Si l’OTAN n’a plus d’adversaire clair et identifiable, l’Europe, pour autant, en a-elle un ? Est-ce que donc l’idée de défense européenne n’appelle pas, en fait, la même objection ?
2. La menace terroriste, notamment, est d’une autre nature que celle d’une confrontation militaire classique. Dans ce cas, la refondation de l’OTAN qu’évoque Védrine (probablement sans trop y croire) ne serait-elle pas utilement envisageable ? Mais alors, son élargissement s’impose. Pourquoi, d’ailleurs, la Russie n’en ferait-elle pas partie ?
3. Quant au reste, pourquoi reprocher aux Américains de faire, fût-elle maladroite, la politique de leurs intérêts, au lieu de, tout simplement, nous efforcer de mener la nôtre ?
Tout « matérialisme » n’est d’ailleurs pas condamnable en soi et s’emparer des ressources des voisins, s’approprier leurs richesses pour fonder ou agrandir un empire ne date pas d’aujourd’hui. Le malheur est que les USA ne sont pas Rome, tant s’en faut, et qu’être leur vassal ne conduit pas vraiment à la civilisation …
4. Est-on sûrs, enfin, que la décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandement intégré de l’OTAN constitue vraiment une modification substantielle de la situation antérieure ?
Il ne faudrait pas oublier que Barack Obama n’a pas été élu président de l’Afrique, secrétaire général des Nations-Unies ou rédempteur de l’humanité, mais président des Etats-Unis, avec pour seule et unique mission de défendre les intérêts américains.
L’OTAN, relique de la guerre froide, n’est plus considérée que comme un moyen de maintenir la mainmise de l’Amérique sur les affaires étrangères et la politique militaire des Européens. Insister sur la priorité de l’OTAN permet aux Américains d’empêcher l’émergence d’une défense européenne véritablement autonome. L’Amérique veut faire de l’OTAN, non plus une alliance militaire que rien ne justifie plus, mais une simple réserve de moyens militaires à sa disposition, une infrastructure contribuant au déploiement de la puissance américaine dans le monde
L’Union européenne est aujourd’hui la première puissance commerciale du monde. Ce qui lui manque, encore une fois, c’est la volonté d’utiliser les moyens dont elle dispose, de se doter des moyens militaires et des structures politiques communes qui lui permettraient de jouer, dans le domaine des relations internationales, un rôle à la mesure de sa richesse et de sa population.
Il lui faudrait pour cela reprendre conscience d’elle-même. Il lui faudrait s’orienter vers la création d’un axe Paris-Berlin-Moscou.
L’idée que les Etats-Unis ont pour mission d’ouvrir la route à l’humanité, que le monde finira par s’intégrer à un modèle américain, que les valeurs politiques et les normes morales américaines doivent être adoptées par tout un chacun, les récalcitrants étant assimilés à un « axe du mal » qui doit être éradiqué par tous les moyens, voilà très précisément ce que nous n’admettons pas.
Je suis tout à fait d’accord avec l’excellente analyse de Sébasto, notamment avec son dernier paragraphe de conclusion.
Si les nations européennes n’arrivent pas à s’entendre sur la politique à mener face à celle des USA, c’est, sans-doute, qu’elles sont de longue date divisées sur ce point essentiel et ne partagent pas, pour la plupart l’analyse de Sébasto.
C’est très dommage, mais c’est ainsi.
Je fais miennes les observations de Reboul et de Sébasto, mais je voudrais aborder la motivation de Sarkozy, qui a fait l’objet de peu de commentaires. Le président, à mon sens, considère que le prix à payer pour une politique indépendante est trop élevé ; il se souvient des mesures de rétorsion que la position de Villepin avaient entraîné au moment de la guerre contre Saddam et ne veut pas voir se reproduire un tel scénario. En fait, il estime qu’il faut prendre acte de l’abaissement durable de la France. Remarquez qu’une telle attitude, compréhensible au demeurant, n’implique nullement l’obligation de revenir au commendement intégré de l’OTAN. Une politique internationale de profil bas suffirait à satisfaire cette prudence. Seulement Sarkozy ne peut se contenter de cela car c’est renoncer du coup au « magistère de la parole » que notre pays s’est attribué depuis quarante ans. Alors il donne l’image d’un enthousiaste de la soumission, vantard et volubile, qu’Obama se fait un plaisir de tourner en dérision et d’humilier chaque fois qu’ils se rencontrent. C’est déjà dur d’être faible. Faut-il également être ridicule?