On ne présente plus Jean-Paul Brighelli, celui qui a le mérite –et surtout le courage, car il en faut…- d’appeler un chat un chat, et un crétin, un crétin. Dans La Quinzaine Universitaire – l’organe du Snalc – (n° 1312, 4 avril 2009) il a publié un article qui nous parait valoir le coup, mais que nous aurions peut-être laissé passer si un lecteur ne nous l’avait communiqué.
Nous vous le communiquons à notre tour, en remerciant ce lecteur. Vous aussi, si vous souhaitez voir un sujet évoqué dans ce blog, qui veut être aussi le vôtre, n’hésitez pas à nous envoyer vos suggestions, avis, commentaires en tous genres, et des documents comme celui-ci… Toute participation de nos lecteurs sera toujours la bienvenue….
Première précaution: Attention, publier un article de lui ne signifie évidemment pas que nous soyons toujours d’accord sur tout avec Jean-Paul Brighelli. Nous souhaitons seulement, comme d’habitude, ne pas rester dans notre tour d’ivoire et aller voir un peu ailleurs ce qui s’y passe, et s’il y a, par ci par là, quelques touffes d’herbe bien verte…
Deuxième précaution: Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Brighelli ne fait pas dans la dentelle : c’est une charge, c’est polémique. C’est donc, forcément, parfois un peu excessif. Mais, malheureusement, tellement vrai par tant d’aspects ! Certes, à Henri IV ou Louis le Grand, on n’en n’est pas (pas encore…) là. Mais pour beaucoup, on y est en plein ; et pour les autres, un peu de patience, on va y arriver…
Quant au style de Brighelli, il faut le prendre comme il est ! On aime ou on n’aime pas: c’est un peu comme pour Céline (toutes proportions gardées, bien sûr…). L’important n’étant ni le style, ni la personne, mais bien le sujet qu’il évoque, et le coup de gueule qu’il pousse. A-t-il raison ? A-t-il bien fait ?…
Place donc à Jean-Paul Brighelli, La Journée de la jupe. Et, peut-être, à vos commentaires….
« Crétin ! »
Elle l’a dit. Elle l’a dit ? Elle l’a dit.
Qui ? Sonia Bergerac. Bergerac comme Cyrano. Sonia comme toutes les beurettes pour qui leurs parents jouent al carte de l’assimilation, de l’intégration dans la communauté culturelle française. Bergerac, vous êtes sûr ? Une beurette ? Elle l’est – on ne le saura qu’à la fin, entre un père muet de l’avoir trop aimée, et une mère en larmes. Quand il sera trop tard. Quand elle aura été abattue par une police qui tire toujours trop vite. On achève bien les profs.
Crétin. Adjani l’a dit.
Adjani ? Allons donc ! Cette star si rare, invisible, qui, d’interviews en interviews, explique qu’elle a inscrit son fils dans le privé, pour éviter la catastrophe qu’est devenu l’enseignement privé en France…. Sortie de sa thébaïde pour jouer dans un film à petit budget, un objet télévisuel –qui a permis à Arte de battre des recors d’audience….
Elle n’a pas lu Meirieu, Adjani. Elle ne sait pas que si ça va mal c’est qu’on n’a pas assez détruit. Pas assez pédagogisé. Pas assez donné de pouvoir aux IUFM, aux syndicats crypto-cathos, aux profs qui se réfugient dans les sciences de l’éducation faute de connaître leur propre discipline, aux « professeurs des écoles » qui font le Connac dans l’Hérault et ailleurs, parce qu’ils ne savent pas enseigner le b-a-ba (1), et qu’ils n’ont rien à dire aux élèves de GS.
Crétins !
Elle l’a dit, Sonia Bergerac . Comme moi. Avec violence et passion. Avec beaucoup d’amour pour ces élèves impossibles, suppôts d’imams, serial violeurs, barbares ! Comme tous ces élèves parqués dans des ghettos scolaires installés grâce à la Gauche (si !) dans des ghettos sociaux construits par la droite. Elle l’a dit avec beaucoup de tendresse et de colère, avec – encore à ce moment du film – un geste caressant du bout du Beretta tendu de sa main malhabile vers le groupe d’élèves pris en otage afin de leur faire, enfin, un cours de Français qui ressemble à quelque chose. Des élèves enfin terrorisés pour de bon, parce qu’ils ne sont plus dans un mauvais jeu électronique, mais dans la vraie vie – la leur, celle où l’on n’apprend rien dans les collèges à tarif intellectuel unique, où seuls ont le droit de hurler les caïds et leurs sous-fifres. Rien. Pas même le vrai nom de Molière.
Cette fois, ils vont le savoir. Jean-Baptiste Poquelin ! Répétez après moi ! Ou je flingue !
« Mais à quoi bon ces savoirs morts ? » demande le Crétin –le vrai, pas l’élève, mais le Crétin qui a inspiré la réforme Jospin, le Crétin qui a inventé les IUFM, le Crétin de la réforme Viala, de la loi Lang, de l’amendement Ségolène, le crétin des Sciences de l’Education, le Crétin qui a refusé de siéger dans la commission qui a finalement accouché –il était temps !- de la loi 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école… « A quoi bon Molière (ou la Princesse de Clèves, dirait… qui, déjà ?), à quoi bon Racine –m’dam, Racine ! Vous vous rendez compte ? – à quoi bon Corneille (« comme le chanteur ? ») –à quoi bon La Bruyère –« m’dam, comme la plante dont on fait les pipes ? » « M’dam, Rachid, il a dit pipe ! » « Toi, sale pute… »
-Comment tu m’as appelée ? demande alors Adjani en lui mettant un coup de boule.
Si ! Un coup de boule ! Elle a bien fait ! Sartre expliquait dans « Réflexions sur la question juive » que les racistes, il n’y a pas moyen de leur expliquer, ils sont inaccessibles à la raison, autant commencer et finir par le coup de boule….
« La Journée de la jupe » est un grand film anti-raciste. Le véritable anti-racisme. Celui qu’il faut enseigner. Celui que les organisations bien pensantes vomissent. L’anti-racisme d’Emmanuel Brenner (2) , de Iannis Roder (3), ou le mien (4).
Une ministre plus dépassée que nature –un mixte improbable d’Intérieur et d’Enseignement Supérieur, beau cul bon genre- ne comprend rien à la revendication de cette prof déjantée . Comment ça, une journée de la jupe ? Mais nos mères se sont battues pour avoir le droit de porter un pantalon !
Oui, mais voilà, dans certaines banlieues, si vous portez une jupe, vous êtes une pute. Une salope. Une taspé.
« M’dam ! Le mec, sur le blog, il m’a traitée ! »
Pitié pour les filles ! C’est ainsi qu’il y a trois ans (putain, trois ans et il faut encore se battre !) j’avais intitulé une Note sur ce blog (5), qui prenait la défense de ces gamines qui se voilent pour échapper à l’opprobre des cités. Pour échapper aux fantasmes des tarés-frustrés-péteux incapables de séduire, parce qu’on ne leur a pas appris les mots –et à quoi voulez-vous que servent les mots, que serve l’Ecole, si ce n’est à séduire Chloé ou Myriam, Anthony ou Peter ? Incapables –impuissants, qui relookent en douce, sur leur portable, une scène hard bricolée en interne… Eh non, chers parents de la FCPE , un portable ne sert pas à vous appeler entre deux cours, d’ailleurs, on ne vous appelle pas, ça sert à filmer Fadela ou Camille obligée à faire une pipe dans les chiottes du bahut, et à se l’envoyer entre copains, -la fille et le film. Heureusement que de plus en plus de lycées interdisent les portables !
Alors, la Sonia Bergerac, elle est vachement vénère ! Elle porte en elle l’exaspération de ses collègues –enfin, de certains de ses collègues : parce qu’il y a les collabos, les pactiseurs de barbarie, ceux qui viennent au lycée culotte baissée, ceux qui se trimbalent avec le Coran dans le cartable, qui le connaissent mieux que leurs élèves même –et qui s’en vantent !
(1) Rachel Boutonnet, Pourquoi et comment j’enseigne le b-a-ba.
(2) Emmanuel Brenner, Les Territoires perdus de la République.
(3) Iannis roder, Tableau noir – la Défaite de l’école.
(4) Jean-Paul Brighelli, Une école sous influence.
(5) http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2006/07/13/pitie-pour-les-filles.html
L’école est devenue un lieu de vie barbare et conforme, un concentré de tout ce qui aliène au sein de la société. Du point de vue de l’idéologie dominante, elle remplit parfaitement son rôle. La reflexion constitue une entrave à la cosommation qui exige des individus sans repères. Il est donc nécessaire que les individus soient dissuadés de réfléchir, échappent à tout rapport de sens, grandissent dans la passion des « marques » et soient ouverts à toutes les pressions consommatoires.
Les médias dont la fonction éducative à largement supplanté celle des parents, poussent les jeunes à confondre le réel et l’immaginaire. Autrefois inscrit d’abord dans le social, l’enfant ne s’inscrit plus aujourd’hui que dans l’affectif.
Avec d’un coté un enseignement « unique » produisant une masse informe de consommateurs décérébrés et de l’autre des élites au service du grand capital, l’école est appelée à reproduire la société à deux vitesses tant décriée -miroir aux alouettes qui attire et désespère à la fois- dont elle est une des pierres angulaires.