Journaliste, Jean-Michel QUATREPOINT a travaillé au Monde pendant onze ans, puis dirigé les rédactions de l’Agefi, de La Tribune et du Nouvel Économiste avant d’animer, quinze années durant, la Lettre A. Il a donc observé et commenté la vie économique à des postes de premier plan et sa longue expérience lui a permis de publier un premier livre qui annonçait en 2008 la Crise globale – ce qui lui a valu le Prix de l’excellence économique.
Dans le nouvel ouvrage qu’il vient présenter, dans le cadre des Mercredi de la NAR (1), La dernière bulle, Jean-Michel Quatrepoint explique le déroulement de la crise et montre pourquoi il est vain de croire à une véritable reprise. Au cœur de son analyse, le démontage du « Piège de Wall Street » dans lequel Barack Obama est tombé et qui l’empêche d’organiser la refonte générale du système qui a provoqué la crise. L’analyse, passionnante, conduit à envisager une nouvelle politique économique et financière…
(1) : mercredi 9 décembre, 17, rue des Petits-Champs, Paris 1er, 4e étage. La conférence commence a 20 heures très précises.
Le service librairie de la NAR vous propose le livre de Jean-Michel Quatrepoint, « La dernière bulle »
au prix promotionnel de 17,50 euros (frais de port inclus).
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Voici l’entretien de Jean-Michel Quatrepoint avec Ivan Radja, paru le 26 septembre 2009, dans Le Matin Dimanche:
Le G20 est impuissant et les banques s’enrichissent déjà sur le dos des Etats qui les ont sauvées, avertit l’économiste Jean-Michel Quatrepoint
Auteur de «La crise globale» (Ed. Mille et un nuits, 2008), et de «La dernière bulle», qui vient de paraître, l’économiste français Jean-Michel Quatrepoint déplore que le sommet du G20 à Pittsburgh se tienne sur fond de fausse reprise, purement financière.
Jean-Michel Quatrepoint, vous dénoncez les lobbies financiers américains qui auraient organisé une fausse reprise. De quelle façon?
Après la faillite de Lehman Brothers il y a un an, la Fed ( Réserve fédérale américaine, ndlr ) et les banques centrales européennes ont «fait l’hélicoptère». Rien qu’aux Etats-Unis, la Fed a arrosé le marché financier de 5000 milliards de dollars pour éviter une panique. Les grandes banques commerciales reçoivent donc de l’argent à taux zéro, qu’elles reprêtent, uniquement aux bons risques, à des taux qui vont de 4% à 25%.
A qui prêtent-elles?
Mais aux Etats, qui se sont endettés lourdement pour les sauver! Résultat, elles mettent sur le marché de nouveaux produits à caractère spéculatif, des nouvelles variantes de «subprime» qui panachent un peu de dette italienne, un peu de dette allemande pour faire bien, de la dette russe, garantie par des richesses naturelles considérables, le tout saupoudré d’un peu de dette grecque. C’est la titrisation de la dette.
Comment ont-elles réussi ce tour de passe-passe?
Un faisceau de facteurs leur a été favorable: elles ont pu se débarrasser de leurs actifs toxiques, garantis par l’Etat. Ensuite la concentration a placé les survivantes dans une situation de puissance jamais égalée. Goldman Sachs et JP Morgan sont les piliers de Wall Street. Avec d’autres, elles ont organisé leur propre reprise sur le marché boursier, lorsqu’il était à son point le plus bas, en mars, et qu’elles en étaient les seuls acteurs. Elles ont fait remonter les cours de la bourse, et le mécanisme s’est enclenché. Goldman Sachs a engrangé des bénéfices, puis d’autres banques, et tout le monde fait semblant de croire à une reprise, car aucun gouvernement ne veut prendre le risque d’affirmer le contraire. Or il ne s’agit que d’une reprise financière, et non d’une reprise économique.
Barack Obama est pourtant dur envers les milieux financiers…
Dans ses discours, oui. Et je le crois sincère. Mais le problème est que Tim Geithner (le secrétaire d’Etat au Trésor, ndlr) ou Lawrence Summers ( conseiller économique, ex-secrétaire au Trésor dans les années 1990, ndlr ) sont proches de Hillary Clinton. Lawrence Summers a été le chantre de la dérégulation sous Clinton et fait exploser le Glass-Steagall Act ( acte de 1933 interdisant à une banque de cumuler activités de dépôt et d’investissement, ndlr) . Il faut savoir que Wall Street est davantage tenu par les Démocrates que par les Républicains. Avec ces relais, le lobby financier a pris Obama en otage en lui promettant une reprise pour 2010 afin qu’il puisse faire passer sa réforme du système de santé, à condition qu’il ne nationalise pas les banques, même temporairement, et ne touche pas aux fondamentaux de Wall Street. Obama a fait le mauvais choix en privilégiant la finance à l’économie réelle, en punissant Detroit (siège de General Motors, ndlr) et non Wall Street. Il aurait dû cogner et virer les banquiers qui ont failli.
La sphère financière dicte sa loi?
Dans l’économie occidentale, et anglo-saxonne en particulier, oui. La finance a remplacé l’économie basée sur la production de biens. Aux Etats-Unis, elle représente 21% du PIB, 40% de la totalité des profits des sociétés, mais seulement 6% de l’emploi… La Chine produit à des coûts incroyablement bas, ce qui profite un peu aux Chinois qui développent une petite classe moyenne, mais surtout aux grandes multinationales, qui engendrent des profits considérables, réinjectés aux Etats-Unis via des centres offshore. Ce sont aujourd’hui les opérateurs qui font le marché. Prenez le pétrole: la chaîne compagnies-pays producteurs-acheteurs est court-circuitée par les opérateurs des «places spots», qui fixent les cours. Il leur suffit d’anticiper, par exemple un hiver rigoureux, pour acheter du gasoil et le revendre le moment voulu. La seule manière de rogner les ailes des financiers est de taxer les transactions sur les produits dérivés.
Le retour de la fameuse taxe Tobin, prônée par Nicolas Sarkozy?
En quelque sorte. La taxe imaginée par James Tobin ( Prix Nobel d’économie, ndlr ) dans les années 1970 visait plutôt les changes. Taxer les produits dérivés, même sur de petits écarts, freinerait un peu la dérive spéculative car les volumes sont énormes.
A vous entendre, le G20 ne se réunirait que pour la galerie?
Son principal mérite est d’exister. Il ne peut pas être un échec, car ce genre de sommet doit être habillé de quelques mesures, sur les bonus, les mesures prudentielles, ou l’augmentation des fonds propres.
Et les garde-fous censés éviter que la faillite d’un maillon n’entraîne toute la chaîne, voulus par l’UE et son projet de Conseil européen du risque systémique?
Qui serait composé de 40 représentants de la Banque européenne et des banques centrales… Comment vont-ils surveiller que telle banque commerciale n’ait pas inventé tel nouveau produit financier? Ce n’est pas très sérieux.
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