Est-ce Marine Le Pen qui évoque le peuple en le qualifiant d’incorruptible, ou bien est-ce moi qui tire cette expression du mot de Jean-Jacques qu’elle ne fait, elle, que citer ? Certes, elle ne parle pas en propres termes du peuple « incorruptible », mais elle emploie une autre expression, qui y fait fâcheusement penser. A deux reprises, à deux moments différents de son discours (deux moments au moins), elle a évoqué « la grande mission d’émancipation du peuple » que remplirait son Parti. Le peuple trompé par l’UMPS, mais non corrompu, n’attend que Marine (elle n’emploie pas l’expression « Front national ») pour s’émanciper et régner de nouveau.
Le populisme de Marine Le Pen, comme l’expliquait Frédéric Rouvillois dans Causeur, est ici un démocratisme de gauche. Quand elle tonne contre les communautarismes (islamiques en particulier), elle a raison. Mais c’est pour y substituer quoi ? Un communautarisme national, un populisme de contrat social. Il ne s’agit pas seulement, dans la vague Marine, de permettre aux institutions juridiques de recevoir et d’exprimer la protestation et la colère du peuple, comme on l’a toujours imaginé à droite. Non ! Il s’agit de constituer le peuple, de lui rappeler son incorruptibilité native, de « l’émanciper » et de lui rendre le pouvoir.
Nous fêtons le troisième centenaire de la naissance de Rousseau (1712), mais ce n’est pas une raison pour le réhabiliter dans un populisme mythologique, qui, mis en pratique, ferait courir à la France des risques insensés. J’ai écouté volontiers le discours de Marine Le Pen à Ajaccio, j’ai écouté volontiers sa prestation au Forum Elle de Sciences Po, et je me disais : quel talent ! (avec quelques bémols sur le fond quand elle parlait de l’avortement mais aussi un coup de chapeau pour avoir obligé tous les candidats à revenir sur « les avortements de confort »). Mais là je me dis que les hommes (et les femmes) les mieux intentionnées peuvent devenir des victimes de l’idéologie qu’ils développent. Marine Le Pen veut le pouvoir, elle le dit et le redit. Mais quel prix est-elle prête à payer pour cela ?
Quel contraste avec le discours républicain de Nicolas Sarkozy. Je sais, c’est un discours, et un discours de campagne, qui plus est. Mais ce qui est dit est dit : aux cathos d’en faire leur miel, pour peu qu’ils commencent à se bouger.
Le président candidat avait déjà parlé des racines chrétiennes de la France. C’était dans les murs de Saint Jean de Latran, à Rome, lors d’une cérémonie honorifique au cours de laquelle il recevait son titre de « chanoine du Latran » (titre attaché traditionnellement à la fonction royale, puis à la fonction présidentielle). Cette fois, les mêmes paroles ont retenti en plein vent devant des dizaines de milliers de personnes, qui ont applaudi à tout rompre. Les voici, en français dans le texte : « Nous avons reçu de nos parents comme un trésor des territoires où se dressent partout des cathédrales et des églises. Personne ne nous interdira de revendiquer nos racines chrétiennes ».
Je n’en cite pas davantage, voulant m’en tenir à ce qui me concerne directement. Les chrétiens se laisseront-ils impressionner plus longtemps par le black out révisionniste sur l’histoire chrétienne de la France ? Un (petit) exemple récent : le sixième centenaire de la naissance de Jeanne d’Arc a été retiré de la liste des commémorations nationales, au motif que le sujet était… confessionnel. Il a fallu (déjà) la visite d’un certain Nicolas Sarkozy à Domrémy pour sortir Jeanne de son placard de sacristie.
Entre le boniment dont certains accents sont contre-révolutionnaires et l’imposture d’un populisme révolutionnaire… mon choix d’électeur est fait pour dimanche. Le vôtre ? Pour vous laïcs, un espace est à prendre.
Si j’avais, dans 20 ans, à faire entendre à des jeunes un discours authentiquement français, je crois que le discours de Nicolas Sarkozy conserverait des valeurs pédagogiques indéniables sur cette France qui nous unit, que nous avons tous en commun. Le discours de Marine le Pen apparaîtra toujours plus comme marqué au fer rouge de l’idéologie, son populisme étant une des formes de la révolution rousseauiste, de l’insurrection rousseauiste contre le réel. Encore une fois, je ne parle pas ici des personnes, mais des discours, dans leur objectivité dérangeante.
Monsieur l’Abbé, Un discours doit être lu et écouté en connaissance de cause. C’est-à-dire en prenant en compte celui qui le prononce et celui qui l’a rédigé. Comme le disait Nieztsche: « Qui parle, et d’où? ». Or nous savons parfaitement qui parle: ce sont: un homme qui a eu pendant 5 ans plus de pouvoir que Louis XIV en France et une femme qui n’a que le pouvoir que lui donne l’espoir d’un grand nombre, c’est-à-dire rien. J’ajoute que nous savons parfaitement qui a rédigé ces discours: MM Buisson et Tandonnet. Cependant Sarkozy a également prononcé des discours diamétralement opposés: la parole n’est pas pour lui un moyen d’exprimer la pensée mais un simple et cynique artifice de séduction. C’est pourquoi une des dernières phrases de votre texte: »Entre le boniment dont certains accents sont contre-révolutionnaires et l’imposture d’un populisme révolutionnaire… mon choix d’électeur est fait pour dimanche » ne me paraît pas conforme à la cohérence. En tout cas je remercie Lafauteàrousseau de ne pas avoir publié ce texte avant le premier tour. Je ne voterai pas pour mon perroquet sous prétexte qu’il a crié « vive le roi! »
Ce mépris du peuple affiché par l’Abbé de Tanouarn, s’alimente bien entendu de la critique d’un « populisme » assimilé désormais à n’importe quelle forme de démagogie.
Qui parle aujourd’hui du peuple s’expose par là même au reproche de » populisme « , devenu une injure politique.
Attitude qui, bien entendu, masque plus que jamais une peur diffuse des « classes dangereuses » : combattre le populisme, c’est faire en sorte que les élites ne soient pas menacés par ce peuple qu’il faut neutraliser.
Quant à Rousseau, je lui conseille de le (re) lire. Il y trouvera une analyse de la société d’une singulière actualité: « Aux yeux du vrai chrétien le citoyen, l’étranger, l’ennemi même sont également ses frères; rien de plus contraire à l’esprit du christianisme que les exclusions et les préférences. Et qu’est-ce toutefois que l’amour de la patrie que préférence et exclusion! Voilà précisément ce que le christianisme à produit, les hommes sont plus humains et moins patriotes, on ne regarde plus les étrangers comme ennemis ni ses citoyens comme frères ».
Pour ma part, je me refuse de voler au secours d’une « droite » à la solde du CRIF, qui nous méprise et qui représente une oligarchie désireuse avant tout de conserver ses places.
En vérité, sur ce qui importe, sur ce qui est vraiment décisif, ils sont (UMP et PS) d’accord sur tout.
Alors, ne soyons pas les idiots utiles de Messieurs Sarkozy ou Hollande. Votons blanc.
Nicolas Sarkozy est allé à Domrémy, très bien.
François Mitterrand allait à Amiens, et en présence de feu
Monseigneur le Comte de Paris ainsi que de nos Princes Jean et
Eudes.
Que doit-on alors en conclure ?
Citer Nietsche (rappelons qu’il fut un demi-fou syphilitique, très anti-clérical,-quoique fils de pasteur luthérien-, et l’un des inspirateurs du nazisme),quand on s’adresse à un homme d’Eglise relève presque de la provocation,ou au minimum d’une regrettable inculture chrétienne.Pour démontrer quoi ? Qu’il convient d’accorder une demie-voix à un maçon forcené de l’anti- cléricalisme ?! De qui se moque-t-on ?
Mon cher Thulé,vous conseillez au Père de Tanouarn de lire Rousseau.Je pense que c’est une plaisanterie,mauvaise de surcroît ! Vous feriez mieux de lire vous- mêmes les 4 évangélistes qui vous apprendrons, en bien -dit, ce que Jean-Jacques dit mal.
Alors là, Patrick, votre définition de Nieztsche comme un demi-fou syphilitique,inspirateur du nazisme et anti-clérical me paraît peu flatteuse pour votre propre culture. Je me permets de vous rappeler que Maurras l’appelait: »ce sarmate ingénieux et inventif ». Qu’il haïssait plus que tout l’antisémitisme vulgaire, qu’il admirait la Grèce en grand connaisseur et la France d’Ancien Régime ainsi que le catholicisme. Du reste le journal de l’Union Royaliste Provençale « je suis français » lui avait consacré un dossier élogieux en 75 ou 76. Quant à la folie de Nieztsche, qui l’a saisi dans les dernières années de sa vie, elle ne permet pas de discréditer son oeuvre.
Mon cher Patrick Haizet, au dela de mon commentaie précédent, un peu excessif je vous l’accorde, l’anti-rousseauisme primaire faisant du « misérable Rousseau » le bouc émissaire de toutes les obsessions ne l’est pas moins.
Les rousseauistes et anti rousseauistes n’ont jamais cessé de s’affronter, mais l’ont-il seulement lu? Par pur manichéisme on n’a cessé de projeter sur lui des intentions qu’il n’a jamais eues en le réduisant à des formules toutes faites sur lesquelles chacun a pu greffer ses propres fantasmes.
Thulé a raison mais l’on peut en dire autant de tous les grands auteurs dont, au moins le semblait-il, la pensée était novatrice en leur temps et bouleversait les idées établies.
C’est, notamment, et typiquement, le cas de Nietzsche qui avait eu le pressentiment très sombre de ce que pourrait être sa postérité….
Sur lui, le livre de Gustave THIBON, « Nietzsche ou le déclin de l’esprit » me paraît contredire radicalement ce qu’en dit – trop vite – Patrick Haizet et donner raison à Antiquus. Si l’on veut, on s’y reportera avec grand profit. Il est aussi beaucoup question de Nietzsche dans le débat de Benoist – Thibon dont le blog a publié une précieuse vidéo, malheureusement de faible qualité technique. Mais si on l’écoute, l’effort est récompensé.
Sur Rousseau, Politique Magazine publie, dans son numéro de mai, une intéressante réflexion de Christian Tarente, moins manichéenne que d’ordinaire dans notre presse …
Dernière interrogation : que dire de la postérité de Maurras ? A l’inverse de Nietzsche, il était confiant, lui qui s’est écrié devant ses juges de Lyon : « J’ai mes disciples, j’ai l’avenir devant moi ». Plus de prudence, peut-être, aurait été de mise …