M. Edouard Martin, responsable syndical C.F.D.T. de Florange n’a pas sa langue dans la poche. Aussi n’a-t-il pas hésité, jeudi 6, à interpeller, par média interposé, M. François Hollande lui-même et à lui lancer, d’un ton à la fois menaçant et désespéré : « Nous allons être votre malheur !». Immédiatement, le désarroi s’est fait jour chez les intellectuels de gauche. Il fallait voir, par exemple, le visage de Nicolas Domenach (samedi 8 décembre, sur I-télé), et surtout l’entendre : qu’une stèle rappelle les promesses non tenues de M. Nicolas Sarkozy à Gandrange, c’est compréhensible ; mais qu’un ouvrier, incarnation « de tout ce que nous sommes » (comprendre : nous, la gauche) qu’un ouvrier, donc, s’en prenne à un président dela République socialiste, c’est plus que déroutant ou consternant, c’est tragique…
M. Nicolas Domenach, et avec lui tous les bien-penseurs de la gauche, sont indécrottables. La gauche (et l’extrême-gauche) politicienne a-t-elle jamais fait autre chose que de se servir (beaucoup) du monde ouvrier (et plus généralement du petit peuple laborieux) en le servant (un peu).A quoi bon rappeler tous les exemples qui, dès 1791 (loi Le Chapelier : proscription des organisations ouvrières) confortent cette approche ?
Le paradoxe est que, cette fois, ce n’est pas son jusqu’auboutisme idéologique mais un certain pragmatisme qui la met en difficulté, M. Jean-Marc Ayrault ayant expliqué que la nationalisation de Florange aurait coûté presque un milliard d’euros « pour un résultat hypothétique ». On ne saurait, bien entendu, reprocher à un Premier ministre de faire preuve du sens des réalités. Seul l’avenir dira ce qu’il en a vraiment été.
En attendant, on ne peut que constater qu’en France même, il est bien puissant ce M. Lakshmi Mittal (il « pèse » plusieurs sites industriels et des milliers d’emplois), un peu trop sans doute et il doit être bien difficile, si ce n’est impossible, de le faire rester à sa place (toute sa place, rien que sa place), dans le carcan euro-mondialiste. Et il se pourrait tout aussi bien qu’on ait eu un bel exemple de langue de bois (« à la française », s’il-vous plaît) et que le gouvernement ait, tout simplement, cédé à la puissance d’un membre de ce que nous avons la semaine dernière appelé les groupes financiaro-industriels mondialisés.
En tout cas, c’est l’analyse de M. Edouard Martin, lequel avait déjà affirmé, peu avant sa tonitruante imprécation, mais cette fois de façon plus conséquente, en même temps que plus étonnante (au sens étymologique) : « On a deux ennemis maintenant : Mittal et le gouvernement ! ». Retour à la politique, la vraie. Un véritable représentant du peuple (et même du peuple de gauche !) en guerre contre le pouvoir socialiste allié à un représentant de la finance et de l’industrie mondialisées : quelle que soit la tournure des événements, le franc-parler de M. Edouard Martin, a donc, d’ores-et-déjà, le mérite de proposer les termes d’une alternative.
Sous pretexte de « réalisme », les idéaux de gauche se sont dilués dans le pragmatisme économique.
Le socialisme a été remplacé par un moralisme humanitaire et pleurnichard, qui dénonce les « abus » du système sans jamais le remettre en cause.
La gauche a oublié que a question de la justice sociale se résout par des moyens économiques et politiques, non par des considérations morales. En d’autres termes n’osant pas avouer sa conversion au libéralisme, elle se contente d’adopter une posture morale qui ne parvient pas à se convertir en projet politique cohérent.
En donnant le spectacle d’une élite installée dans le paraître médiatique, ella a profondément déçu ceux auxquels elle était censée s’adresser en priorité.
Thulé, me semble-t-il, parle d’or.
J’ajouterai que la « Droite » aussi s’est réfugiée, depuis assez longtemps déjà, dans le discours et la morale. Ou mieux : la moraline commune à la classe politique.
Droite et Gauche ont alternativement déçu leurs « sympathisants » qui, de fait, n’en sont plus.
Le « paraître médiatique » est leur principal souci et leur première réalité. Et c’est ainsi que, comme Zemmour l’a très bien montré, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Arnaud Montebourg ne sont que de « faux durs ». Ils jouent d’ailleurs ce rôle avec un certain talent. La preuve en est qu’on s’y trompe encore assez couramment.
Heureusement mon cher Anatole, qu’il nous reste à nous autres royalistes, un esprit anarchiste qui pourrait s’apparenter à une certain esprit français. Nous y distinguons de flamboyantes personnalités, Beaudelaire, Léo Malet, Antoine Blondin….Céline, Georges Brassens, Arletty….
Les exemples sont nombreux de cette aristocratie populaire qui ne doit sa noblesse qu’à elle-même et qui est ouverte à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’esprit moutonnier de notre société.
La gauche et la droite sont incapables de résoudre la crise économique qui est en fait une « crise de la civilisation de l’économie ».
En s’approfondissant, cette crise provoquera peut-être une barbarie généralisée pour des individus déculturés réduits à une existence biologique; et la seule possibilité de rebellion radicale viendra de ceux qui auront conservé un esprit anarchiste authentique.
Je souscris bien volontiers aux propos de Thulé et d’Anatole et cela me fait remonter quelques années en arrière (une bonne vingtaine si ce n’est plus, en fait) où je collais des affiches disant « le royalisme, c’est l’anarchie + 1 ».
Et c’est bien ce +1 qui est le facteur d’équilibre et donc d’équité, qui nous fait cruellement défaut depuis si longtemps.
Etant Lorrain, je connais assez bien les problèmes de la sidérurgie et, bien que n’étant pas sidérurgiste moi-même et encore moins syndicaliste, je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine empathie, voire une certaine tendresse, envers des Edouard Martin (qui a d’ailleurs une bonne bouille, comme on dit, et qui me revient bien avec son accent bien lorrain). Aussi, si je peux me reconnaître en lui, j’ose espérer qu’il puisse en faire de même, lui et ses collègues, et arriver, petit à petits à partager nos idées, notre idéal et notre compréhension du monde qui nous entoure. La gauche, comme la droite ou prétendue telle, nous a enfermés dans un étiquetage de droite extrême alors même que nous sommes au-dessus de ces clivages stériles qui nous consument depuis 1789. Que la gauche continue ainsi et peut-être pourrons-nous espérer que le pays réel comprenne enfin qui est véritablement à ces côtés, au-dessus des factions, qu’elles soient idéologiques ou financières.